Chapitre 17

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Je me souviens d'être assise sur cette chaise en acier blanc, contemplant le cercueil de mon grand-père avec un mélange de tristesse et de haine. A ce moment-là, j'aurai voulu que la douleur de mon père se transfère dans mon corps, pour le libérer enfin. Celui-ci, sur ma droite, avait toujours fait son possible pour tromper les apparences. Mais, j'avais passé ma vie à le regarder se détruire lentement dans un mal-être incontrôlable, jusqu'à s'oublier lui-même. J'avais un jour voulu que cette souffrance disparaisse de ma vue, quitte à ce que je l'absorbe entièrement. Seulement, je n'avais jamais envisagé que la prison invisible que mon grand-père avait tissé autour de son esprit l'aurait conduit à de tels sacrifices. Ni même, que l'amour que j'avais reçu depuis toujours, était en réalité un mensonge inarrêtable.

Mon premier souffle se brisa sur une vitre opaque. Ma conscience réapparut lentement. Mes jambes cédèrent sous mon poids en quelques secondes, en même temps que le haut de mon corps heurtait le contour cylindrique du tube dans lequel j'étais toujours enfermée. J'ouvrai les yeux avec terreur. Je tâtonnais désespérément pour chercher une porte de sortie, pendant que mon pouls s'accélérait dangereusement. Soudain, une ouverture se dessina dans ce contour vitreux. Je me relevai et voulus la briser en m'y jetant de toutes mes forces. Mais, celle-ci disparut en un instant. Je tombai de plein fouet à l'extérieur, mon visage heurtant le sol violemment.

- Emma ? Entendis-je une voix calme et grave prononcer.

Je poussais un cri d'épouvante. Je sentais mon corps entier trembler d'effroi, sans que je ne puisse l'arrêter. Je me relevais avec précipitation afin d'identifier le détracteur. J'aperçus deux yeux bruns m'observer patiemment, en silence. Je n'entendais aucun son, hormis les souffles de ma respiration accélérée.

- Qui êtes-vous ? réussis-je à prononcer.

Je me tenais dans une pièce sphérique sombre, où de petites lumières dorées avaient été incrustées dans les murs. L'espace ne faisait que quelques mètres. Le tube cylindrique que je venais de quitter était disposé au centre de la pièce. Je remarquai qu'une étrange sensation s'emparait de mon corps. Les pulsations accélérées de mon cœur faisaient ventiler mes poumons rapidement. J'inspirai et expirai avec une facilité déconcertante. Pour la première fois de ma vie, j'avais la sensation que mon asthme s'était envolée. Mes yeux, en alerte, virevoltaient partout, avant de se poser définitivement sur le seul être présent dans l'espace. J'avais l'impression que la température avait chuté d'une vingtaine de degrés depuis l'ouverture du tube.

- Je m'appelle Marc Anderson, répondit l'inconnu. N'aie pas peur. Je ne vais pas te faire de mal.

L'homme, qui se tenait devant moi, levait les mains en signe d'apaisement. Il avait le visage carré et les traits fins. Ses cheveux étaient étrangement blancs, bien qu'il ne parût pas dépasser la quarantaine. Il gardait ses distances en attendant que je réagisse, tandis que ses yeux bruns me fixaient calmement.

- Tu viens d'être transférée sur Proxima Centauri, une seconde planète habitable, à des années lumières de la Terre. Tu es en sécurité ici. Nous sommes habitués à recevoir des Transmis régulièrement. Nous allons nous occuper de toi, maintenant. Il faut juste que tu acceptes de me suivre.

Il observait mon comportement, comme si j'étais une folle prête à me jeter sur lui. Je le dévisageais. Je remarquai que cet inconnu portait d'étranges vêtements, du haut de son mètre quatre-vingts. Des tiges et des brindilles entrelaçaient ses jambes et ses bras. Une matière souple de couleur beige composait le reste des tissus épais qui enveloppaient son corps. J'observais plusieurs couches de vêtements sur lui, agrémentées de nombreuses poches.

- Emma ? Tu m'entends ? demanda-t-il avec plusieurs secondes de silence, en s'approchant doucement de moi. Tu n'as rien à craindre.

- Comment connaissez-vous mon prénom ?

Il ne répondit pas immédiatement. Je vis une étrange lueur traverser ses yeux sombres, tandis qu'une expression nouvelle transparaissait sur son visage.

- Je t'attendais depuis longtemps.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? m'écriais-je, tandis que ma peur se transformait peu à peu en colère.

- Je veux simplement que tu me fasses confiance, articula-t-il lentement, et que tu me suives à l'extérieur.

Je regardai autour de moi avec désespoir. Ce n'était pas comme si je pouvais m'enfuir, ni même rester enfermée ici pour l'éternité. Les idées fusaient dans ma tête, mais celles-ci revenaient toujours à la même conclusion. Il valait mieux tenter de le suivre, je n'avais plus rien à perdre, à présent, ni d'autres choix. J'hochais la tête fébrilement.

Il se rapprocha davantage, et prit mon bras fermement, une fois à ma hauteur. Sa main était chaude, comme celle d'un être humain. Je le scannais sans gêne afin de m'assurer que je ne devais pas le craindre. Je ne pouvais m'empêcher de constater qu'il posait, par instant, un regard inquiétant sur moi.

- Je ne suis pas un alien, si c'est ce que tu te demandes, fit-il ensuite, tandis que nous nous dirigions vers ce qui ressemblait à un étroit escalier beige. Nous sommes pareils, toi et moi.

- Alors, pourquoi êtes-vous ici ?

- Je suis né sur cette planète, dit-il d'une voix calme, m'entrainant le long des marches en direction des étages inférieurs.

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