Chapitre 9 - Idriss

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"C'est très simple. Je veux passer une alliance." L'atmosphère se tendit. Un silence long s'installa autour du feu. Personne ne dit mot ni ne bougea. Circeï, elle, regardait le chasseur droit dans les yeux, comme si sont regard de braise pouvait lire ses moindres pensées jusque dans les profondeurs les plus obscures de son âme.
Le chasseur détourna le regard, mal à l'aise sous ces pupilles implacables.

Je clignais des paupières, épuisée. Les images du village me revenaient en mémoire et se mêlaient à mes pensées, puis se consummaient. C'était si ses iris absorbaient tout : plus rien n'existait en dehors de ces deux étincelles ardentes qui perçaient les ténèbres de la grottes, emplissant tout l'espace.
C'est à ce moment - là que je compris que Circeï était tout sauf quelqu'un ordinaire. Qui était - elle ? Que restait - il de la femme franche avec qui je m'étais lié d'amitié au milieu de cet être de braise ? A - t - elle seulement jamais existé ailleurs que dans mon imagination ?

Un bruit de pas me tira de mes élucubrations. C'était le chasseur qui faisait les cents pas dans la petite pièce. Soudain, il se tourne vers la princesse :
" - Tu n'a pas répondu à ma question. Qu'attends - tu exactement de nous ?"
Circeï parut un instant désorientée.
"Je ne comprends pas.
- Ce que je veux que tu me dise c'est quelles sont les conditions et qu'est-ce qui t'as ...
- J'accepte."

Ma voie, bien qu'encore faible, était claire et sans tremblements. Le chasseur me regarda sans dire un mot, surpris. Circeï sourit.
"Tu n'a pas mis longtemps à te décider.
- Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix ", répondis - je.
Elle baissa les yeux sans répondre.

"Attends un instant. Je sais que tu n'est pas très en forme après tout ce qui vient de se passer et que ne te rends pas trop compte. Tu devrais te reposer avant de prendre une décision pareille..." tenta le garçon.
Je me contentait de lui lancer un regard noir, trop faible pour faire quoi que ce soit d'autre.
" J'ai vu un noble massacrer un village entier et tu aussi, abruti. Que crois tu qu'il va arriver si on ne fait pas alliance avec elle !? " rétorquai - je aussi calmement que possible.

S'il y a bien une chose que je déteste, c'est que l'on décide pour moi. Il était fini le temps où la petite Idriss devait obéir à tous, se plier aux quatre volontés du premier venu. Ma mère avait accepté cette servitude et en avait payé le prix. Je ne ferais pas la même erreur. Je me tournai vers Circeï :

"J'ai deux conditions. Premièrement, je veux être consultée pour toutes les décisions, et avoir mon avis pris en compte au même titre que le tien."
Au vu de la situation, je n'étais pas vraiment en mesure de poser des conditions.
« S'il faut faire alliance, autant que tous les parties soient au clair sur les clauses. »tentai - je néanmoins.
"Soit, je n'en attendais pas moins de toi, de toute façon ", dit Circeï d'un ton amusé.
C'était déjà une belle victoire, mais le plus dur restait encore à faire. Je pris une profonde inspiration.
"J'ai, moi aussi, un but que je dois atteindre à tout prix. Si jamais ta quête devais aller a l'encontre de la mienne, alors je n'hésiterai pas une seconde."
Le sourire de la princesse s'effaça et elle prit une expression grave.
"Je ne demande aucun serment car chacun est libre de sa destinée. Si tu ne veux plus rester avec nous, personne ne t'empêchera de partir. Saches cependant que quelque soient tes décisions, tu devras en assumer les conséquences.
- Ça me va", approuvai - je.

Alors son visage se détendit d'un seul coup et reprit l'expression joyeuse et enfantine que je lui connaissais.
Derek, lui, avait simplement suivi l'échange sans un mot. Il paraissait perdu dans ses pensées, en proie à des réflexions si intenses qu'on pouvait presque voir de la fumée s'échapper de ses oreilles.

"Oh hé !! Y'a quelq'un là dedans ??" appela Circeï en ajitant la main devant lui.
Lentement, le chasseur se décolla de la paroie de la cabane où il semblait vouloir disparaître.
" Tu a le choix : soit tu restes ici et tu attends que les soldats viennent te découper en rondelles, soit tu viens avec nous et on part tous ensemble." Derek secoua la tête, sourcils froncés.
"Honnêtement, l'idée de rejoindre une fugitive pour assurer ma propre sécurité me paraît assez absurde. Les autorités en ont après Circeï. En s'alliant avec toi, ne nous mettons nous pas en danger plus qu'autre chose? » répliqua - t - il.
« - Il y a bien quelque chose que tu dois faire, non ? Quelque chose que tu devrais voir, une volonté à accomplir ? Tu dois tout de même avoir d'autres projets que de rester toute ta vie à geler dans un trou paumé du Pôle !?", lui demandai - je.

La Légende d'EdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant