Blue (Suite)

Chapitre 13

- Alors, laisses-moi penser, ricane Athéo. Oh! Je sais, que dis-tu de jouer à un jeu avec moi?

Groen serre la mâchoire et ferme ses poings encore plus fort. Il tremble de colère, pourtant il éteint ses flammes. Sarka et moi le regardons, incrédules.

- Un jeu? Oui, pourquoi pas! Qu'as-tu à me proposer, monstre?

Ma bouche s'ouvre malgré moi. Je n'ai jamais vu mon frère dans cet état. Il est si ironique. Je tourne le regard vers Sarka, elle secoue la tête, les yeux grands ouverts. Elle ne comprend pas plus que moi ce que qui se passe. Complètement perdu, j'observe l'échange entre Athéo et Groen.

- On jouera au chat et à la souris, qu'en penses-tu? Je serai la souris ahaha...Et tu seras le chat! Ahahaha! Pour les règles, il n'y en a pas. Tu fais ce que tu veux pour me trouver, et avec qui tu veux aussi..

Il prononce ces mots en étouffant un éclat de rire. Il nous lance un regard et nous sourit de toutes ses dents moisies. Je réprime un frisson de dégoût. Cet homme me rend malade, comme le fait que je sois en vie grâce à lui.

Un rictus se dessine sur les lèvres de mon frère.

- Aucune règle? Ça commence à devenir amusant! Seras-tu seulement capable de suivre le jeu avec ton âge et ton état misérable?

Le sourire d'amusement d'Athéo disparaît en un éclair. Son visage se referme et ses yeux s'obscurcissent. Son visage est maintenant déformé par un sourire carnassier, cruel.

- Oh, ne t'inquiètes pas pour ça, mon fils.

Il se tourne vers Maxime, qui sursaute. Mon cœur se serre quand je vois le conflit qui se déroule dans ses yeux.

- Maxime, va chercher la petite et rejoins-moi.

Groen hurle et bondit sur mon père, mais ce dernier disparaît dans une épaisse fumée noire. Mon frère tombe à genoux et reverse sa tête vers l'arrière en hurlant. Mon regard rencontre celui de Maxime quelques secondes avant qu'il se retourne et commence à courir vers la maison de Jessica. Je lance un dernier regard à mon frère et à Sarka, cette dernière me fait signe de partir avec Max. Je me lance à la poursuite de celui que je considérais comme mon meilleur ami sans réfléchir. Une douleur me déchire la poitrine, j'avais oublié mes côtes brisées. Je frissonne à cause de la température, je suis toujours torse nu alors que de gros flocons tombent du ciel. Je reprends ma course en me mordant l'intérieur de la joue pour faire taire un grognement de douleur.

Arrivé à la place principale, je remarque qu'il n'y a plus personne, que tout le monde est rentré chez soi. Le ciel est noir et des étoiles brillent faiblement. Je vois seulement Maxime courir au loin. J'accélère rapidement le pas. Soudainement, une rage profonde m'envahit. Comment a-t-il pu nous trahir? Depuis combien de temps est-il en contact avec mon père? Le sang bouille dans mes veines, je dois le rattraper et lui faire payer sa trahison. Sous l'effet de la colère, j'accélère encore ma course. Mes pieds touchent à peine le sol. La silhouette de Maxime grossit à vue d'œil. Je l'attrape par l'épaule et le tire vers l'arrière. Il tombe par terre, sa tête frappe durement le sol. Ma poitrine se levant à un rythme effréné, mon cœur battant la chamade, je le regarde se tourner sur le côté. C'est plus fort que moi, mon pied décolle et atterrit dans ses côtes plusieurs fois. L'air qui entre dans mes poumons est brûlant, chaque respiration me fait souffrir. Voyant que Maxime essaie de se relever, je le cloue au sol en mettant tout mon poids sur lui. Les yeux fermés, il se tord de douleur en gémissant.

- POURQUOI? POURQUOI TU FAIS ÇA?

Je lui hurle ces mots, mon visage à quelques centimètres du sien. Je le prends par le collet et le secoue, contrôlé par une rage sans borne. Maxime ouvre les yeux et plante son regard fou de colère et de douleur dans le mien.

- Et toi, pourquoi as-tu TUÉ MON FRÈRE?

Il se débat et réussit à se défaire de mon emprise. Il se relève en chancelant, il se tient les côtes d'un bras. Sa respiration est sifflante, sa voix tremble de colère.

- Ça ne te fait rien de savoir le nombre de personnes qui tu as tué? Tu n'as pas de remords qui te hantent la nuit et t'empêchent de dormir la nuit, hein?

Mon cœur manque un battement, il a touché une corde très sensible. Malgré toute la honte qui s'empare de moi, je ne baisse pas le regard.

- Tu...Tu en as tué aussi..., je souffle.

- PAS AUTANT QUE TOI!

- Je n'avais pas le choix! Je...Je protégeais ma famille, Max...

- C'est quand même ironique, tu protégeais ta famille de ta propre famille. Mais as-tu seulement pensé à toutes ces familles que tu as détruites, dont la mienne? À toutes ces familles qui n'ont rien demandé? Y as-tu seulement pensé, Blue?

Un silence de mort s'installe entre nous deux. La neige tombe toujours autant, recouvrant le sol d'un épais coussin blanc. Les flocons qui atterrissent sur ma peau fondent instantanément, aussi vite que ma conviction d'avoir fait ce qu'il fallait faire. J'aimerais bien répondre à Maxime que oui, j'ai pensé à toutes ces familles que j'ai fait souffrir, mais ce serait faux. Mon monde s'écroule, littéralement. Je me remets en questions, je remets en questions tout ce que j'ai cru bien faire. Face à mon mutisme, Maxime ricane et secoue la tête avant de grimacer de douleur. Il resserre son bras autour de ses côtes, comme si ça pouvait diminuer la douleur. Il s'agenouille pour reprendre sa hache, qu'il secoue pour y enlever la neige. Je le regarde, complètement vide.

- Tu es pareil comme ton père, Blue.

Ces paroles me font l'effet d'un poignard. Je tente depuis des années de me distinguer de lui, de renier qu'il est mon père, et maintenant on me dit que je suis comme lui? J'ai un haut le cœur suivi d'un éclair de colère. Non, je ne suis pas comme ce foutu monstre. Mon poing s'abat sur sa mâchoire en même temps que des larmes roulent sur mes joues. Prisonnier d'un tourbillon de colère, de honte, de dégoût et de chagrin, j'hurle et continue de frapper Maxime. Une douleur soudaine et violente prend naissance dans mon épaule: Max y a planté sa hache. Je tombe à genoux et agrippe le manche de la hache de mes mains tremblantes. Maxime retire la lame de mon épaule avec froideur, m'arrachant un long gémissement de douleur. Il s'accroupit à ma hauteur, son visage boursouflé à cause de mes coups quelques centimètres du mien.

- Ne te mets plus jamais au travers de notre route, compris, Blue Jameson?