-Devrait...bientôt...normal..
Les sons me paraissent éloignés, étouffés, je n'entends que des brides de conversation. Mes oreilles bourdonnent, comme si ma tête était sous l'eau. Je ressens un picotement au bout de mes doigts. Cette sensation remonte le long de mon bras pour s'évanouir au milieu de mon biceps. Je fronce les sourcils, je suis incapable de bouger, ni d'ouvrir mes yeux. J'essaie de me concentrer pour bouger mes doigts ou bien mes orteils, mais rien n'y fait. J'ai l'impression de flotter, d'être vide. Je n'arrive pas à me rappeler où je suis ni pourquoi, ni rien du tout. C'est un trou noir, je ne me souviens d'absolument rien. Le picotement reprend de plus belle, dans les deux bras. Encore une fois, il s'évanouit à mi-chemin dans mon bras droit. Ce phénomène se reproduit de nombreuses fois, à un tel point que ça en devient désagréable.
Les sons que j'entendais se transforment peu à peu en voix. Je n'arrive pas à les reconnaître, mais ça me rassure; je ne suis pas mort. Je parviens à comprendre quelques mots, sans plus. L'obscurité qui m'entourait s'est éclaircie, c'est maintenant gris. Je suis encore incapable d'ouvrir les yeux Des brides de souvenirs me reviennent tranquillement. Je revois une dame au long cheveux bruns, j'ai une vague impression qu'il lui ait arrivé quelque chose. Le visage d'une enfant apparait à son tour, sa joue marquée d'une trace noire. Je vois un homme disparaître dans une fumée toute aussi noire. Qui sont-ils donc? À qui appartient ces visages? Je ne m'en souviens plus. Les visages d'un jeune homme et d'une fille aux cheveux roux me reviennent à l'esprit, suivi de celui d'un autre jeune homme aux cheveux noirs. Je fronce les sourcils, je ne me rappelle plus du tout de ces visages.
Des dizaines d'images bombardent soudainement mon esprit perdu. Je me revois frapper le gars aux cheveux foncés, lui crier dessus, puis je le vois me foutre sa hache dans l'épaule. Je le vois fuir je-ne-sais-où, tous les événements me reviennent en tête d'un seul coup. C'est à ce moment que mon corps décide de sortir de sa torpeur. Je me relève d'un coup, les yeux grands ouverts. Une douleur fulgurante dans mon épaule me fait grogner. Je me mords la langue si fort que le sang se répand dans ma bouche, me laissant un goût amer.
Je grimace, puis je regarde autour de moi, légèrement ébranlé. Il n'y a personne autour de moi, d'où venaient donc les voix? Des murs gris m'entourent, deux néons éclairent la pièce. Il y a des chaises vides autour de mon lit. Je baisse les yeux sur mes bras, mon bras droit est bandé du coude à l'épaule. Mon torse est lui aussi couvert de bandages. Des fils sortent de mes bras, je les arrache d'un seul coup. Mais où suis-je? Une machine à mes côtés s'emballe et agresse mes oreilles d'un bruit perçant. J'essaie de les couvrir avec mes mains, mais je suis incapable de monter mon bras droit jusqu'à ma tête sans avoir affreusement mal. Le son assourdissant continue de marteler mes tympans, je n'en peux plus; je la fracasse de mon poing. Le silence revient et je soupire de soulagement. Je m'assoie sur le bord du lit et je ferme les yeux. Je suis un peu étourdi. En ouvrant les yeux, mon regard se pose sur mes pantalons. Ce ne sont pas les miens, je n'ai pas de jeans gris. Je prends une grande respiration, puis pose mes pieds nu sur le sol. Un long frisson fait lever les poils sur mes bras, le plancher est froid. Je mets un pieds devant l'autre sur le béton en essayant de garder mon équilibre. Je dois m'appuyer plusieurs fois sur les chaises près de moi, ma vision s'était obscurcie à de nombreuses reprises.
Essoufflé, j'arrive enfin à la porte en métal. J'ai à peine le temps de la toucher qu'elle s'ouvre soudainement. La fille aux cheveux de feu que j'ai vu plus tôt saute sur moi et s'accroche à mon cou. Elle me fait terriblement mal à l'épaule. Je la saisie par les épaules et la repousse.
-Pardon, vous êtes...?
Ses yeux émeraudes s'agrandissent et s'emplissent de larmes. Sa bouche s'ouvre et se referme à plusieurs reprises.
-Bl...Blue...C'est moi, Sarka..
Elle prend ma main dans la sienne, des larmes coulent sur ses joues tachetées. Je me sens vide à l'intérieur, l'impression d'avoir oublié quelque chose d'important m'envahit soudainement. Je la regarde pleurer, ça me fait étrangement mal.
- Je ne me rappelle pas de toi..., je souffle.
Celle qui dit se nommer Sarka ferme les yeux et sert ma main. Des larmes atterrissent sur ma peau, mon coeur se sert. C'est plus fort que moi, ma main libre se lève d'elle-même et va essuyer la joue de la fille. Elle ferme les yeux et appuie son visage dans ma paume, souriant faiblement. Elle relève la tête et me regarde, plongeant son regard dans le mien. Sarka approche son visage du mien et pose ses lèvres chaudes sur les miennes.
À ce moment, des dizaines d'images me reviennent. Je nous revoie, à l'orphelinat, puis dans le camion, puis dans la clairière. Je me souviens de son nom, de ses lèvres, de son corps. Je lui rends son baiser, les larmes de Sarka mouillent mes joues.
- Sarka, dis-je lorsque nos lèvres se séparent.
Elle me regarde en souriant, son regard brillant de larmes; de joie cette fois. Elle me sert dans ses bras une nouvelle fois, faisant bien attention à mon bras.
- Je vais aller chercher les autres, tout le monde est là, dit-elle.
- Tout le monde...?
Une panique soudaine prend naissance dans ma poitrine. Je ne me souviens de personne, sauf d'elle.
- Tu verras, tu te rappelleras de tout le monde le moment venu. Maintenant, assieds toi, je reviens.
Je me laisse tomber sur le matelas, puis je regarde le couloir. Après quelques instants, des pas rapides se font entendre. Je me relève, anxieux. Je m'essuie les mains sur mon jeans, elles sont moites. Un jeune homme aux cheveux aussi bruns que les miens passe la porte en courant. Il s'arrête, quelque chose heurte le sol. Il me regarde avant de me prendre dans ses bras. Il ne dit rien, il ne fait que me serrer contre lui.
-Je...Je suppose que tu es Groen?, osé-je enfin dire.
- Ouais, c'est moi. J'ai quelque chose pour toi, regarde.
Il retourne vers la porte et prend un morceau de bois dans ses mains. Il me le donne et je remarque qu'il s'agit d'un arc. Je serre mes mains sur le bois et ferme les yeux, je me rappelle avoir chassé avec cette arme. Et avec mon frère, qui riait de mes essais qui restaient vains. Je dépose l'arc sur le lit en ouvrant les yeux, et regarde Groen en souriant.
- Je me souviens de toi, grand frère.
À ces mots, il sourit et me tape dans le dos, je grimace en riant. Sarka nous regarde depuis le cadre de porte, retenant ses larmes de joie.
- Baba?
Une petite voix se fait entendre depuis le corridor. Une fillette d'à peine un an se tient maladroitement debout. Ses cheveux noirs sont retenus en deux couettes sur sa tête. Groen se penche et saisie la petite dans ses bras. Dès qu'elle me voit, elle tends les bras et babille joyeusement. Elle parvient à m'arracher un sourire qui s'efface lorsque je vois la cicatrice sous son oeil. Mon coeur se sert. Je me rappelle d'elle dès que je la prends dans mes bras. Cléo me sourit et appuie sa tête sur mon épaule.
- Bue...Bue, Blue!
Je regarde mon frère et Sarka en souriant, Cléo a prononcé mon prénom.
- Je lui ai parlé de toi, à quel point elle avait le meilleur oncle, dit Groen.
J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais une voix féminine me coupe.
- Je vois que tu t'es enfin réveillé, Blue!
Je me retourne vers la porte, une femme aux cheveux noirs se tient devant, les bras croisés sur sa poitrine, sourire aux lèvres. Un seul nom me vient en tête;
- Jess....
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Blue (Suite)
ParanormalAprès la mort de son père, Blue se retrouve dans un village avec Sarka et Groen. De nouvelles rencontres, des amitiés, de l'amour, mais aussi des disputes sont au rendez-vous. surveillez vos proches, on ne sait jamais ce qui peut leur arriver.