ASTRA

4. MENACE

                          Contrairement à son jeune frère, ce fut la première fois que Burt découvrait le domaine du seigneur de l'Abnas. Majestueuse bâtisse de l'extérieur, elle n'en était pas moins pour l'intérieur. On remarquait de suite l'espace même de la maison, une spacieuse pièce unique qui possédait une hauteur de plafond saisissante, et qui donnait à cette dernière la perception de se sentir minuscule une fois en son centre. Différents trophées de chasse ornaient les murs ; une tête de cerf, une de sanglier et un crâne, démesuré, accompagné de deux cornes, dont une brisée, d'une créature impressionnante au vu de sa taille, et dont Burt ignorait le nom et la nature de cette chose. On y trouvait aussi une imposante hache de, trop lourde et trop longue pour être maintenue par un homme dont il manque une main.

Vestiges du guerrier d'antan pensa Burt.

Un épais et grand bougeoir pendait du plafond, avec assez de lumière pour éclairer une bonne partie de la pièce. Au-dessous de celui-ci se situait une table ronde en bois massif, assez large pour accueillir une dizaine de convives autour d'elle. L'ensemble de la demeure était bien le reflet de la personnalité de Harrod.

Braan était déjà assis autour de celle-ci, la tête penchée en arrière, pour stopper le sang qui coulait de son nez. Martha, la conjointe de Harrod, lui amena un chiffon sec afin qu'il puisse compresser sa blessure.

Martha, une petite femme, toujours l'impression d'être épuisée, mais qui ne cédait jamais. Rien ne l'effrayait. Son homme maniait les armes, elle le courage et la détermination. Une véritable source d'inspiration pour Harrod, qui avait réussi à canaliser sa soif de violence d'antan et transformer le combattant en souverain bienveillant. Elle fut étonnée à la vision de Burt, rentrant l'intérieur de sa demeure, et elle jeta un regard insistant à son mari. Harrod répondit d'un râle qui en disait beaucoup.

Laisse tomber.

Le seigneur s'installa près de Braan, lui-même non loin de Morroct qui l'avait rejoint, après avoir apposé son arbalète contre un des pans de mur de la maison. Harrod montra une chaise vide à Burt, en signe d'invitation à s'assoir.

Tous les regards étaient jetés sur le forgeron, mais il ne s'en préoccupait pas, et sentait qu'il avait bien fait d'insister. Il se posa à son tour, en face de l'homme à qui il venait de briser le nez. Un court silence parcourut la tablée, qui se rompit par le souverain lui-même.

— Bien, maintenant que nous nous tenons tous ici, nous allons pouvoir commencer. Martha ? il se retourna en direction de sa femme restée à l'écart.

— Peux-tu nous apporter une bouteille de vin, je te prie ? Mes amis ici présents me ferons un plaisir de la déguster avec moi, n'est-ce pas ? Il regarda les trois hommes avec un large sourire.

– Ce n'est pas tous les jours que de jeunes gens obtiennent le privilège de s'installer à cette table et boire ce doux breuvage en compagnie de leur souverain ! ajouta-t-il.

Martha lui apporta la bouteille, ainsi que quatre godets en bois foncé et tendit le tout à son mari, qui la gratifia d'un remerciement de la tête, et d'un geste sensuel qui suffisait à lui exprimer son amour. Elle salua les autres hommes, qui firent de même, et se retira en direction des chambres, à l'étage.

Harrod remplit tant bien que mal chaque verre en serrant d'une main et en tenant le récipient par son crochet. Il les brandit un à un à ses invités. Lorsque Burt récupéra le sien, Braan intervint, difficilement, le chiffon compressé à son nez étouffant légèrement sa voix :

– Est-ce nécessaire de le servir ? Lui et le vin ne font pas bon ménage.

– Pardon Braan, répliqua Burt, amusé par cette remarque piquante, je ne comprends pas ce que tu essayes de nous dire, un problème avec ton museau ?