Amazone tome 1 : l'Épreuve

Chapitre 3

— Du nerf Thalia !

C'était la dixième fois que l'instructrice Toxaris me criait dessus avec toute la niaque dont elle pouvait faire preuve. Ce fut souvent en me rappelant son prénom que je finis par arrêter de me plaindre du mien. Les Amazones avaient pour habitude de donner des noms d'anciennes Amazones mortes bravement aux combats. Certaines avaient plus de chance que d'autres, dirons-nous...

L'instructrice Toxaris était grande, svelte mais elle possédait un visage anguleux, méfiant et ses traits avaient l'air d'être modelés au couteau. Elle me fixait de ses yeux d'aigle et je me remis au travail tandis qu'elle me criait encore dessus.

— Ta jambe Thalia ! Prends-en appui ! Et ton poing, plus serré le poing !

Je me contentai de lui lancer un bref regard indifférent. Évidemment, elle s'apitoyait sur moi alors que je n'avais rien à me reprocher. J'étais, avec Laya, une des meilleures combattantes novices. Je n'osai pas répliquer à une Amazone accomplie telle qu'elle. Je prétextai donc un coup de chaud et m'éclipsai hors de l'arène. La nuit précédente avait été dure et je n'avais pas vraiment réussi à dormir sereinement. Je ne voulais pas me fatiguer encore plus pour un entraînement inutile. Je ne savais pas si j'ai le droit de sortir comme ça mais, pour tout avouer, je m'en fichais. Cela faisait du bien. J'avais besoin d'air.

Je m'adossai à un arbre pour finalement y grimper. J'atteignis une branche située assez haute pour pouvoir apercevoir la forêt qui s'étendait à perte de vue. Par-delà cette forêt et par-delà les montagnes, ma mère m'attendait sûrement, impatiente. Elle semblait si certaine de ma réussite que cela m'effrayait. Et si j'échouai, qu'adviendrait-il ? A cette idée, des larmes commencèrent à perler au coin des yeux. Pourtant, je ne pleurai jamais d'habitude. On m'avait appris à ne pas pleurer, même dans ces instants de faiblesse. C'était une leçon que m'avait appris ma mère.

C'était une journée d'hiver, il y a dix ans. Je n'arrivais pas à m'endormir car mon ours en peluche avait disparu. J'avais pleuré en découvrant sa disparition et, après avoir cherché dans chaque recoin de la maison, en avait conclu que je l'avais bel et bien perdu. Pour me consoler, ma mère m'avait dit, d'une voix rassurante :

— Ne pleure pas Thalia, ne t'habitue jamais à pleurer. Cela montre ta faiblesse. Il ne faut pas pleurer. Ce n'est pas digne d'une Amazone.

Je m'étais calmée et, le lendemain, l'ours avait miraculeusement retrouvé sa place dans mes bras. Je ne m'étais jamais vraiment attardé sur les raisons de son retour tellement ma joie avait été significative. Aujourd'hui, j'avais compris. Ma mère n'avait fait que m'enseigner une leçon dans le but de me forger une carapace que rien ne devait laisser transparaître. Leçon numéro un : ne jamais révéler sa faiblesse. Leçon numéro deux : ne jamais trop s'attacher à quelqu'un car toute relation est une faiblesse. Et chaque faiblesse peut être utilisée contre nous.

Le bruit de la corne de brume me sortit de mes pensées. L'ordre des combats devait être annoncé ! Il ne fallait pas que je rate cela sinon on remarquera mon absence. Je courus, ne faisant pas attention aux feuillages qui me fouettaient les jambes et arrivai enfin, les jambes tremblantes et le visage rouge, au centre de l'arène, tournée face à l'estrade. Ils étaient tellement concentrés sur la conversation que personne ne s'était aperçue de mon absence, excepté Laya qui agitait la tête de droite à gauche, agitant ses boucles blondes pour essayer de me chercher. M'apercevant, celle-ci me fit un grand signe de la main. Je me dirigeai vers elle et remarquai quelque chose de louche. Son visage révélait une expression empreinte d'une grande tristesse.

— Que se passe-t-il ? Tu fais une tête bizarre.

Elle me jeta un regard triste et répondit :