Chapitre 18

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Quand nous nous détachâmes l'un de l'autre, nous avions tous deux le souffle court mais cette fois, il n'y eut aucun faux-semblant. Ce baiser était pleinement assumé et nous nous fixâmes un moment en silence. S'il avait fallu traduire les mots derrière le silence ambiant, nos regards auraient tenu probablement une conversation de ce genre :

"Regard bleu océan de Marcus : Avoue, tu as aimé ?

Moi : Plutôt mourir que de te l'avouer.

Regard bleu : pas besoin, je le sais. Et tu meurs d'envie de recommencer même si tout ça nous est interdit.''

''Tout ça". Comment cacher une réalité derrière un mot. Personne ne parlait encore de sentiments pour la simple et bonne raison que nous étions incapables de nommer ce qui se passait entre nous. Au fond de moi, je savais que j'appréciais beaucoup Marcus même si tout cela m'était interdit. Je ne pouvais m'empêcher de savoir des choses inutiles sur lui tel que sa façon de réfléchir ou la façon dont il passait une main dans sa nuque quand il était gêné. J'en étais même venue à deviner ses goûts et ses peurs. Je savais tout autant que deux personnes n'auraient pas dû pouvoir autant se comprendre sans se parler. Avec ma meilleure amie Laya, nous nous comprenions facilement même parfois sans se parler mais ce n'était pas comparable. Aujourd'hui, c'était comme si Marcus devenait à la fois mon meilleur ami et... autre chose. Et c'était bien ce "autre chose" qui me faisait peur. Ce "tout ça". Je n'avais pas envie de nommer cette chose qui naissait entre nous deux. En effet, nommer une chose, c'était avant tout la rendre réelle. Et, si cette "chose" en venait à devenir réelle, dans le monde qui est le nôtre, elle pouvait très rapidement s'éteindre. Je n'avais pas envie de prendre le risque de sortir de toute cette histoire le cœur brisé. Je ne le permettrai pas.

— Tu te rends compte qu'on se met dans une situation compliquée, commentai-je en levant un sourcil, un sourire en coin, rompant le silence.

J'écartai distraitement une mèche blonde de son front.

— J'adore le compliqué, répliqua Marcus avec un clin d'œil. C'est moins ennuyant. Et puis, le compliqué est un peu devenu notre marque de fabrique depuis l'Épreuve tu ne penses pas ?

Pas faux. Je souris et, ne pouvant m'en empêcher, lui donnai un dernier baiser avant de le taquiner :

— Allez, petit prince, on se bouge.

— Arrête de m'appeler comme ça ! ronchonna Marcus.

Et ce fut sur ces dernières répliques que nous nous mîmes en route. Comme si tout cela était devenu naturel entre nous. Comme si rien n'entravait ce qui venait de naître entre nous. Comme si de rien n'était.

Étonnant comme le déni pouvait être à ce point délicieux.

Une journée et demi de marche séparait les deux cités mais comme nous voulions ménager nos forces, Marcus et moi décidâmes d'étaler notre trajet sur deux jours. Il nous fallait être en pleine forme à l'arrivée.

Il fallait reconnaitre que l'on mettait peu de temps pour aller d'une cité à l'autre. Ce fut d'ailleurs en cela que les Amazones se sentirent menacées par l'arrivée des Herculéens il y a maintenant de nombreuses décennies. En effet, le constat était simple : Plus une cité était proche, plus elle était susceptible de vous attaquer. A cette époque, les Amazones comptaient alors vivre de leur côté en paix, tout en se formant à l'art militaire en cas d'attaque masculine. Traiter et commercer avec les nomades leur suffisait. Quand les Herculéens arrivèrent, elles eurent notamment peur que des territoires leur soient contestés. Heureusement, dès les premiers accords établis, le territoire de l'arène du jugement et du lac Stymphale, situés entre les deux cités, avaient été désignés comme terrains neutres si bien que les Herculéens et les Amazones ne se disputaient plus aucun territoire. Leur rivalité était devenue tout simplement une rivalité de convictions et un pur défi.

Amazone tome 1 : l'ÉpreuveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant