Chapitre 2

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Alors que j'étais allongée dans mon lit, tentant depuis plusieurs heures de trouver le sommeil, les battements constants des aiguilles horaires m'accompagnaient toujours dans le silence. Cela ne semblait nullement déranger Jam qui dormait profondément, enroulé dans sa couverture prune préférée, son aura lumineuse cyan atténuée comme à chaque fois qu'il était assoupi. Je finis par me lever, décidément incapable de fermer l'œil, et allais me servir un verre d'eau sur la commode de mes appartements.

Savoir que ma mère souffrait en ce moment même, atteinte d'un mal dont on ne connaissait rien et que sa santé était fortement en péril me hantait et les pires éventualités se profilaient à moi sans que je ne puisse jamais trouver la paix. Et puis voir l'état de mon père, complètement abattu et désemparé là où je l'avais toujours connu maître de lui-même et rationnel, me rendait profondément triste.

Je posai mon verre à côté de la carafe et inconsciemment, probablement pour m'occuper l'esprit, saisis une liasse de feuilles qui se trouvait à côté : il s'agissait des réponses de mes amis aux lettres que je leur avais envoyé leur racontant l'inquiétante nouvelle. Raminia m'exprimait un soutien sincère et profond, me promettait de rester discrète sur cette information encore confidentielle pour le grand public et m'affirmait que les Gerudos n'attendaient que notre demande pour envoyer médecins ou assistance au château. Bien que la princesse Gerudo était principalement connue pour sa bonne humeur et sa légèreté de vivre, la jeune femme savait être présente et impliquée lorsqu'on avait besoin d'elle.

Et puis il y avait Lilian. Le prince Zora m'avait tout de suite affirmé combien il était affecté par cette nouvelle, combien il espérait que j'allais bien et qu'il aimerait venir au château pour ne pas me laisser seule. Il avait dit avoir entraîné toute sa famille dans une longue prière pour le rétablissement de la Reine, qu'il répéterait personnellement ce rituel tous les jours et qu'il n'arrêterait que quand la souveraine viendra en personne lui demander. Je ne pus m'empêcher de sourire devant la détermination emprunte d'humour du jeune hyrulien, un brin de positivité que je recherchai activement. Dans ma réponse, j'avais remercié mes deux amis chaleureusement et je les avais dispensé de venir me retrouver, leur assurant que j'allais bien. Semi-vérité.

Me dirigeant vers mon bureau pour ranger les lettres dans mon tiroir, mon regard s'arrêta inexplicablement sur une boîte de bois me servant de presse-papier. J'ignorai pourquoi je m'attardai spécialement sur elle aujourd'hui : elle avait toujours été là, et au quotidien je ne la considérais guère particulièrement. Mais cette nuit-là, je m'emparai du contenant et défis le petit crochet d'or qui maintenait le couvercle clos. Je savais ce qu'elle contenait, néanmoins voir son intérieur me provoqua un élan de nostalgie : un ocarina en bois de rose massif était enveloppé dans un mouchoir de soie. Précautionneusement, je sortis l'objet de son réceptacle et caressai le bois poli qui sentait bon la cire d'abeille.

Cet instrument m'avait été offert par ma mère le jour de mes 5 ans. C'était un objet symbole de bénédiction divine, qui protégeait des mauvaises influences et qui incarnait la prospérité de notre royaume. Ma mère m'avait appris à l'utiliser d'abord en apprenant certaines mélodies simples, puis en improvisant pour me permettre de m'exprimer plus librement. J'en avais souvent joué dans ma vie, mais il était vrai que depuis ma révélation en tant que Héros il y a quelques mois, j'avais moins trouvé le temps de l'utiliser.

Reposant la boîte sur mon bureau, je me dirigeais vers la fenêtre donnant sur mon balcon, l'ouvris et sortis dans l'air frais de la nuit. Je m'avançai vers la balustrade et observai en contrebas la citadelle calme, encore éclairée de quelques rares lumières derrière les vitres.

Je baissai le regard sur mon ocarina et positionnai mes mains comme il le fallait, une par-dessus et une par-dessous pour englober l'objet. Je posai ensuite mes lèvres sur l'embouchure de l'instrument, fermai les yeux et soufflai une première fois légèrement. Le bruit familier raisonna dans mes oreilles, rond et suave comme le hululement apaisé d'un hibou. Émue de retrouver ce son significatif, je restai un moment en suspens avant de reprendre mon souffle et de jouer cette fois-ci une mélodie que mes doigts pouvaient exécuter tout seuls tant je l'avais répétée.

La berceuse lancinante planait dans le ciel nocturne et les notes indolentes semblaient retomber sur toute la surface du royaume assoupi. Mes phalanges se levaient et s'abaissaient avec adresse sur les différents trous de l'objet sans même que je n'en ai conscience, et mon souffle se régulait sur le rythme lent de la musique, me permettant de retrouver une certaine sérénité.

Alors des larmes se mirent à perler sur mes cils puis à doucement rouler sur mes joues. Etait-ce la pression qui retombait et qui me libérait, l'inquiétude croissante pour l'état de santé de ma mère, la fatigue, la nostalgie, l'émotion de la musique ? Un mélange de tout cela ?

Je sentis à mes pieds une chaleur légère et entrevis une lueur bleutée. En baissant le regard tout en continuant à jouer, je reconnus Jam qui était assis près de ma jambe, un visage surpris levé dans ma direction. Comprenant probablement mon état, le petit animal mystique se coucha sur mes pieds et reposa sa tempe sur mon tibia. Je sentais sur mes orteils son ventre se soulever et s'abaisser régulièrement, réchauffant ma peau nue et me consolant quelque peu avec sa présence empathique et sécurisante.

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(980 mots)

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