Tandis que je contournai par l'Est le château d'Hyrule pour me diriger vers le Nord, couchée sur ma monture lancée au galop, je remarquai en levant les yeux que bon nombre des fenêtres des quartiers royaux laissaient transparaître la lumière des chandelles. Imaginant l'état d'urgence et l'ambiance morbide au sein des appartements de la Reine, je ne pus m'empêcher de formuler une prière silencieuse qui me fit froid dans le dos.
Déesses, faites qu'elle soit encore en vie à mon retour...
La froidure automnale et l'absence totale de lumière en cette nuit sans lune me poussa à allumer une torche dont mes écuyers m'avaient préalablement équipée, que je maintins près de moi d'une main crispée et tremblante.
Rapidement, je sentis que Grimm commençait à s'essouffler. L'animal réveillé en pleine nuit courait en effet depuis déjà de longues minutes à toute vitesse, sur des chemins vallonnés et supportant à la fois mon poids et celui de mes affaires.
"Allons courage mon grand, lui soufflai-je en me baissant vers son oreille en tapotant son flanc. J'ai besoin de toi."
Allongée sur l'encolure de mon destrier pour optimiser notre vitesse, je scrutai du mieux que je pouvais l'horizon noir à la recherche de ce qui pouvait ressembler aux bois Perdus.
Après de longues minutes infructueuses à essayer de détailler la moindre irrégularité qui se dessinait dans le ciel sans étoile, je vis enfin une masse sombre se détacher au loin. Reconnaissant progressivement une épaisse forêt qui s'étendait sur plusieurs kilomètres, je soupirai de soulagement et dirigeai aussitôt ma monture dans la bonne direction.
Lorsque j'arrivai à l'orée des bois Perdus, le soleil éclaircissait déjà le ciel à l'Est derrière les nuages. Sautant rapidement à terre, je m'équipai de ma sacoche et de ma torche. Jam, jusque-là assoupi au fond de mon sac, sembla émerger et s'empressa de grimper le long de mon bras pour s'enrouler autour de ma nuque, de part et d'autre de mes épaules. Souriant légèrement face à cette présence incongrue mais rassurante, j'attachai Grimm à un arbre et m'avançai lentement vers la lisière hostile.
La vaste forêt sombre était constamment entourée d'un épais brouillard et semblait paradoxalement dépourvue de toute verdure. Je vis mon destrier plus loin s'ébrouer, nerveux, et Jam se crispa sur mon épaule. Ces bois ne m'inspiraient guère plus confiance et, face à cette étendue silencieuse, froide et obscure je sentis mon inquiétude croître. Mais je pensai à ma mère aux portes de la mort, m'endurcis et avançai au niveau des premiers arbres.
La brume épaisse m'enveloppa instantanément de son voile humide, frais et occultant qui me fit frisonner et qui me donnait l'impression d'être en pleine nuit. Un impressionnant silence de mort s'était aussitôt abattu sur moi, et je n'entendais plus que le craquement des feuilles mortes sous mes pas lents et prudents ainsi que le crépitement de la flamme de ma torche. Je sursautai au moindre bruit, avant de m'apercevoir que ce n'était qu'un oiseau ou une branche morte qui tombait.
Les nombreux arbres morts qui me cernaient comme les barreaux d'une prison semblaient tendre leurs branches noueuses et sans feuille vers moi pour me saisir, tel des bras. Les creux et les nœuds dans leur écorce morte leur donnaient des yeux malveillants qui semblaient me suivre et une bouche ouverte aux dents pointues figée dans un cri, un rire maléfique. Bien que faisant tout mon possible pour tenter de chasser ces pensées irrationnelles et infantiles de mon esprit, je ne pouvais m'empêcher de scruter ces inquiétants épouvantails en m'attendant à ce qu'un d'eux ne se rue sur moi.
Ignorant où je devais me rendre, je serpentai entre les arbres en m'enfonçant plus profondément dans les bois. Aucun repère ou signe distinctif ne me permettait de me localiser et j'avais l'impression de circuler toujours aux mêmes endroits. De plus, par moment la brume semblait s'épaissir considérablement et je me trouvai alors complètement enveloppée et aveuglée par le brouillard, m'empêchant d'avancer plus et m'obligeant à rebrousser chemin.
Oppressée par ce cadre inamical et angoissée par mon incapacité à accomplir ma mission, je sentais mes membres commencer à trembler, mes tempes suer au fur et à mesure que je perdais mon sang froid, mes jambes se mirent à courir désespéramment et de manière aléatoire dans la forêt en espérant en trouver l'issue.
Une heure après avoir pénétré ce labyrinthe, je me forçai à m'arrêter un instant pour retrouver mon calme et réfléchir plus posément. Refoulant mes larmes et respirant lentement pour calmer les battements de mon cœur, je regardai attentivement autour de moi malgré l'environnement parfaitement homogène et me contraignis à me rappeler les paroles de mon père à propos des bois Perdus.
Je sais où nous pourrions avoir une chance d'en trouver, mais ce lieu n'est accessible qu'aux élus des Déesses.
Tu es la seule à pouvoir y parvenir Raphaëlle. Fais confiance à l'âme du Héro. Elle seule saura te guider.
Achevant une longue expiration pour m'apaiser, je dégainai alors lentement l'Épée de Légende dans un bruit métallique cristallin qui brisa le silence morbide des lieux. Tendant l'arme bleue azur devant moi, je fermai ensuite les yeux et tentai de me concentrer le plus possible en faisant fi de toutes mes pensées et sensations.
Après de longues secondes dans la quiétude la plus totale, je me mis à sentir, d'abord de manière imperceptible puis de plus en plus nettement, une forme d'attraction en provenance de mon côté droit. Une source d'énergie chaleureuse se trouvait dans cette direction et m'appelait à elle, formant comme un chemin magnétique que mon 6ème sens semblait percevoir. Rouvrant lentement les yeux, je me tournai alors dans l'axe et examinai ses alentours : rien ne semblait différer entre cette direction et toutes les autres, néanmoins l'attraction surnaturelle continuait de faire effet sur moi sur ce cap précis.
Levant ma torche devant moi et maintenant mon arme sortie, je fis confiance à cette attirance inexpliquée et avançai à travers les arbres et la brume qui semblait se scinder sur mon passage pour me dégager la voie. Fréquemment, après quelques mètres à marcher droit devant moi, la source d'énergie changeait de cap et me faisait tourner dans un sens ou dans l'autre. Je progressai ainsi longtemps, toujours concentrée sur cette émanation hypnotisante pour ne pas la perdre et serrant la fusée de la lame purificatrice dans mon poing comme témoin. Jam, toujours sur mon épaule, semblait lui aussi ressentir cette force invisible, la suivant du regard avec attention et curiosité tout en restant immobile et silencieux.
Après plusieurs longues dizaines de minutes, tandis que l'attraction se faisait de plus en plus forte et nette, je vis finalement quelques mètres devant moi de la verdure et de la lumière. Stupéfaite par une apparition si inattendue dans ces lieux froids et lugubres, je pressai le pas et finis par déboucher sur un sentier clair, encadré par une multitude d'arbres majestueux, couverts de feuillages, à l'écorce saine et aux branches brandies vers le ciel, en tout point différents à ceux biscornus, rabattus sur eux-mêmes et sans vie des Bois Perdus. La brume épaisse avait laissée place à un air clair et pur, les chants et battements d'ailes des oiseaux résonnaient de nouveau et le ciel matinal était visible par mouchetures à travers la verdure abondante qui laissaient filtrer les rayons dorés du soleil levant.
J'avais atteint la forêt Korogu.
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(1300 mots)
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Aventures de Zelda Raphaëlle Hyrule : 3.En Quête de la Fleur Maternelle
Hayran KurguLa reine est souffrante. Un deuil précipité s'abat sur Hyrule. Mais Zelda Raphaëlle ne se laisse pas abattre : Quoi qu'elle doive faire, elle sauvera sa mère. Couverture par @LucieFirefly Aide au scénario et correction orthographique/syntaxique par...