Chapitre 3

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Le lendemain les scientifiques Pru'ha et Faras étaient au château. Il s'agissait de deux sheikahs au service de la famille royale spécialisés dans de nombreux domaines, dont la longévité artificielle leur procurait une expérience inédite. Dès leur arrivée, l'homme et la femme se hâtèrent de se rendre au chevet de la Reine et y restèrent toute la matinée durant. Lorsqu'ils ressortirent de la chambre vers midi, mon père et moi accourûmes à leur rencontre pour connaître leur verdict.

"C'est effectivement une forme avancée d'hémoptysie, confirma Pru'ha en rangeant ses instruments médicaux dans sa sacoche. La Reine n'est souffrante que depuis une semaine, mais la mutation devait être présente depuis plus longtemps vu son état.

- Connaîtriez-vous un remède pour la guérir ?! s'exclama mon père aussitôt, suspendu à leurs lèvres.

- C'est difficile à dire, soupira Faras en croisant les bras, ennuyé. Il y a bien des solutions plutôt répandues qui pourraient la soulager, mais rien de miraculeux...

- A part peut-être certains extraits précis d'acides carboxyliques, nuança Pru'ha en regardant son acolyte.

- Oui, ils pourraient servir de vasoconstricteurs qui permettraient de tarir les saignements, reconnut le scientifique et se frottant la barbe, pensif. Mais seulement quelques uns précis, et qu'on ne trouve pas partout...

- Il y a quelques décennies j'aurais pu te dire où en trouver, soupira la femme aux cheveux blancs, mais...

- Où cela ?!" la coupai-je avec vigueur.

Les deux scientifiques se turent et se tournèrent vers moi, décontenancés.

"Hé bien, finit par me répondre Pru'ha en hésitant, ces composants sont naturellement présents dans les végétaux, mais à une proportion trop faible pour que nous puissions en extraire. Pourtant certaines plantes en possèdent plus que d'autres, et une fleur en particulier était connue pour en receler suffisamment pour alimenter un traitement... Il s'agit de la Magnoliopsida Dilleniidae, en langage courant la Princesse de la Sérénité."

Mes yeux s'écarquillèrent. La Princesse de la Sérénité n'était autre que la fleur symbolisant la famille royale mais aussi la défaite de Ganon et le retour de la lumière. Elle était présente sur une grande majorité des tableaux et des fresques du château, et était reconnaissable entre mille avec ses cinq pétales blancs et bleus et ses anthères proéminentes.

"Malheureusement et comme vous le savez déjà, releva Faras avec un air sombre, cela fait bien longtemps que la fleur est en voie de disparition et aujourd'hui, les experts botaniques avancent de plus en plus la probabilité de son extinction totale.

- Elle était déjà menacée avant le retour du Fléau, acquiesça mon père, la mort dans l'âme. Il y a 20 ans j'arrivai encore à en croiser certaines, mais cela fait bien longtemps que je n'en ai plus vu une seule...

- Il s'agit de la seule piste possible ? insistai-je avec espoir.

- Les agents vasoconstricteurs sont rares à l'état naturel, soupira Pru'ha en me regardant. Et leur concentration en quantité suffisante encore plus, la Princesse de la Sérénité était réputée en médecine pour être la seule ressource utilisable dans ces cas-là."

Mon cœur se serra. Il était vrai que la raréfaction de la plante royale faisait parler d'elle depuis aussi longtemps que je me souvenais, et je n'avais jamais eu la chance d'en voir une vraie dans ma vie. Or s'il s'agissait réellement de l'unique solution pour permettre la guérison de ma mère, son extinction avérée marquerait la fin de nos espoirs.

"Peut-on lui rendre visite ?" demanda alors mon père, un brin d'espérance triste dans le regard.

Les deux scientifiques se regardèrent un bref instant pour se sonder l'un l'autre, puis Faras répondit :

"Je le pense oui, la Reine est éveillée et avait la force de communiquer. Ne restez pas trop longtemps, elle doit économiser son énergie."

Un étrange mélange de soulagement et d'anxiété s'empara de moi. J'étais heureuse de pouvoir enfin parler à ma mère, mais j'appréhendai ce que j'allais voir : j'avais peur de me retrouver face à une silhouette méconnaissable aux portes de la mort, d'assister à son agonie sans que je ne puisse rien faire.

Mon père et moi avançâmes vers la porte et mon géniteur tourna lentement la poignée. La chambre se dévoila alors à nous, sombre et embaumée d'une chaleur parfumée d'alcool. La Reine était dans son lit, immobile relevée par quelques oreillers. Je fus rassurée de la reconnaître quelque peu : le rideau blond de sa chevelure cascadait autour d'elle, ses grands yeux clos étaient toujours couronnés de ses longs cils élégants et ses lèvres pleines entrouverte laissaient échapper un souffle lent.

Mon père fut le premier à s'approcher de sa bien-aimée, et je restai à distance afin de le laisser lui parler seul quelques temps. Le Roi s'assit sur le rebord du matelas, un mouvement qui, quoi que précautionneux, fit ouvrir les yeux à la souffrante. Bien que ses sclères étaient rougis par la fatigue, ses iris émeraudes étaient intactes et les revoir briller devant moi me réchauffa le cœur.

Mon père prit alors délicatement la main de sa femme et lui chuchota quelque chose que je n'entendis pas. Je vis ma mère sourire légèrement et refermer ses doigts sur ceux de son mari. Ce dernier souffla quelque chose d'autre, et son interlocutrice acquiesça et répondit quelques paroles d'une voix faible et hésitante. Les deux époux se parlèrent ainsi encore quelques instants, avant que je ne vis mon père porter les doigts de la malade à son front et rester immobile ainsi. Le visage de cette dernière se teinta d'inquiétude et, probablement face aux larmes de son bien-aimé, prit délicatement sa joue dans le creux de sa main en lui chuchotant des paroles rassurantes. Après de longues minutes, Link se releva, embrassa le front de la souveraine puis revint sur ses pas, le visage marqué par l'éprouvement.

Angoissée, je m'avançai à mon tour tandis que j'entendais mon père sortir de la pièce. Ma mère me vit émerger de l'ombre lorsque je fus à quelques mètres du lit et me sourit avec tendresse.

"Ma princesse... souffla-t-elle en tapotant la couverture à côté d'elle pour m'inviter à m'asseoir.

- Maman, je... murmurai-je avec un sourire triste en la rejoignant sur le lit. Tu as besoin de quelque chose ?

- Ton père m'a posé exactement la même question, ria légèrement la Reine. Je n'ai besoin de rien chérie, tout le monde est si attentionné et investi autour de moi. Je vous en suis tous infiniment reconnaissante...

- Pru'ha et Faras cherchent un remède pour toi, lui expliquai-je avec persuasion. Ils ont des pistes, nous parviendrons à te guérir je te le promets.

- J'en suis sûre Raphaëlle, souffla la Reine en maintenant ce sourire faible sur ses lèvres blanches. Tu réussis tout ce que tu entreprends, j'ai confiance en toi. Mais ne t'en fais pas trop pour moi... reste plutôt aux côtés de ton père, il a besoin de toi."

Ma mère fut alors soudainement prise d'une toux grasse violente. Dissimulant sa bouche derrière sa main, je sentais qu'elle tentait de toutes ses forces de réprimer cette quinte en ma présence.

Après de longues secondes à me sentir terriblement inutile, la souffrante parvint à calmer son état. Elle frotta discrètement ses lèvres avec ses doigts et abaissa rapidement sa main, néanmoins pas assez vite pour que je ne remarque pas les tâches de sang au creux de sa paume.

Le soir même nous allâmes nous coucher, après avoir convenu que Pru'ha et Faras poursuivraient leurs recherches afin de trouver une autre source d'agents vasoconstricteurs, plus accessible et tout aussi abondante. Mais alors que j'étais finalement parvenue à trouver le sommeil, un soldat entra en trombe dans mes appartements au beau milieu de la nuit.

"Que se passe-t-il...? demandai-je en me redressant sur mon lit, encore dans les vapes et éblouie par la lumière du chandelier que le nouveau venu portait.

- V-Votre Altesse ! balbutia l'homme dans un état d'alerte. C'est la Reine elle... elle ne va pas bien."

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Aventures de Zelda Raphaëlle Hyrule : 3.En Quête de la Fleur MaternelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant