Chapitre 34 : Pour un stupide baiser !
De l'autre côté de la vitre, Karol sentait son monde s'écrouler. Son cœur avait foutu le camp, désertant sa cage thoracique. Elle ne parvenait plus à respirer. Une énorme boule obstruait sa gorge et un poids pesait sur son estomac. Elle ne s'était jamais sentie aussi seule qu'en cet instant. Nina lui avait interdit la chambre de Ruggero alors que la jeune fille crevait de le retrouver. Elle le voyait, pourtant ! Il était là, si près et pourtant si loin, dans un monde où elle ne pouvait pas l'atteindre.
Et ils étaient tous à ses côtés. Elle les voyait, la gorge serrée. Nina tenait la main de son frère, les yeux brillants. Ses lèvres bougeaient tandis qu'elle parlait à ses parents. Jorge se tenait un peu plus loin, appuyé contre un mur. Il observait la scène, détaché, mais Karol le jalousait pour sa simple présence dans cette pièce. Parce qu'elle était reléguée de l'autre côté de la vitre, comme une paria.
Ruggero semblait plus apaisé qu'il ne l'avait été ces derniers jours. Ses paupières closes et sa respiration lente avaient un petit quelque chose de rassurant, si l'on oubliait qu'il se trouvait plongé dans le coma. A cause de moi, songea Karol. C'était après leur discussion que c'était arrivé, mais la jeune fille ne pouvait pas croire qu'il avait fait ça... Non, c'était impossible !
Si son amant avait des tendances suicidaires, elle l'aurait vu, pas vrai ? Pas vrai ? Une petite voix au fond de son cœur lui susurrait que non, que tout était de sa faute. Leur dispute avait provoqué ce comportement. Leur dispute avait envoyé Ruggero sous une voiture. Même Nina le croyait ! Elle avait accusé Karol, et elle avait eu raison. Une larme roula sur la joue de l'adolescente. Elle ne pouvait pas rester ici plus longtemps.
Elle étouffait dans cet hôpital, mais la culpabilité semblait la poignarder incessamment. Chaque nouveau coup agrandissait un peu plus la plaie béante qui saignait dans sa poitrine. Elle n'était qu'une idiote ! Ruggero avait essayé de s'excuser et elle l'avait renvoyé, à cause d'un baiser... Elle n'avait même jamais tenté de comprendre ce qu'il pouvait ressentir, et aujourd'hui... Aujourd'hui...
Elle secoua la tête en se détournant de la vitre. Voir l'adolescent diminué, le visage tuméfié, était au-dessus de ses forces. Tout était de sa faute, merde ! Elle s'éloigna de la chambre, les muscles tendus à lui en faire mal. Sa marche devint une course, tout pour fuir le plus loin possible, non pas de Ruggero, mais de son état qui la terrifiait au plus haut point. Elle ne se sentait pas bien, nauséeuse et prise de vertige. Elle aurait dû être à l'écoute du jeune homme.
Tout ça pour un stupide baiser ! Elle avait pris la fuite pour un stupide baiser ! Elle aurait pu tout aussi bien lui rouler dessus pour un stupide baiser ! Et tout ça, pour quoi ? Parce que quelqu'un l'avait blessé par le passé et qu'elle ne voulait pas que ça recommence, mais Ruggero n'était pas Thomas, et il ne voulait pas lui faire de mal. Elle aurait dû essayer de le comprendre.
Sous le regard scandalisé des médecins et infirmiers, Karol quitta l'hôpital en courant. Les poumons en feu, elle continuait d'avancer. Peu importait jusqu'où elle allait et si elle finissait par s'écrouler au bout de la route. Elle voulait seulement échapper à sa solitude et sa douleur, la culpabilité et l'angoisse de perdre le jeune homme qu'elle aimait.
- Putain !
Elle s'arrêta en hurlant dans la rue déserte. Les maisons similaires l'observaient de part et d'autres de la route, mais il n'y avait personne aux fenêtres pour l'observer.
- J'aime Ruggero, murmura-t-elle dans un sanglot.
Une larme s'écrasa sur le sol tandis que la jeune fille se laissait tomber au sol. Elle tira son téléphone portable de sa poche. Elle aimait Ruggero. De tout son cœur et avec toute la force de son âme, mais il fallait un accident pour qu'elle se rende compte de sa bêtise. Elle avait tout gâché.
Sans attendre, elle appela sa sœur. Le cœur battant à tout rompre, elle attendit que la tonalité cesse pour laisser décrocher l'adolescente, mais celle-ci prenait son temps, à croire qu'elle était occupée à autre chose. C'était sûrement le cas, mais lorsque sa voix retentit à l'autre bout du fil, Karol se sentit soulagée. Elle avait quelqu'un à qui parler.
- Tini, j'ai tout gâché ! s'exclama-t-elle.
Sa voix chargée de larmes interpella aussitôt sa sœur qui s'inquiéta.
- Où es-tu ? Je vais venir te chercher et on va en parler de vive voix, d'accord ?
Il était hors de question qu'elle laisse Karol seule dans cette situation, et avec cette culpabilité qu'elle sentait dans ses larmes. Son interlocutrice hocha la tête, en oubliant que Tini ne pouvait pas la voir. Elle finit par murmurer son accord, du bout des lèvres, et la jeune fille l'empêcha de raccrocher jusqu'à ce qu'elle soit là. Même si elles ne parlaient pas, le simple fait d'entendre sa respiration la rassurait.
Lorsqu'elle arriva sur place, Karol la serra contre elle, s'accrochant comme à une bouée de sauvetage, et nul doute qu'elle dérivait en ce moment. Tini l'étreignit de toutes ses forces en lui murmurant des paroles apaisantes.
- J'aime Ruggero, mais j'ai tout gâché, soupira Karol. J'ai mis fin à notre relation sans jamais chercher à le comprendre. Et aujourd'hui il est... Il est... J'ai tout perdu !
- Mais non !
Les deux sœurs s'installèrent sur le trottoir sans se soucier du béton mouillé qui trempait leurs fesses. Elles étaient ensembles et le reste ne comptait plus. Tini saisit la main de Karol et enserra tendrement ses doigts.
- Dis-moi, tu as été le voir, pas vrai ?
Karol hocha la tête et déglutit péniblement.
- Oui, mais je n'ai pas pu entrer... Ils étaient tous là : ses parents, Nina, et même Jorge ! Mais Nina m'en veut, alors je ne peux pas entrer ! Et elle a raison ! J'ai perdue une amie, et je vais aussi perdre...
- Bien sûr que non ! Tout redeviendra normal quand Ruggero se réveillera ! assura Tini. Il va expliquer à Nina ce qui s'est passé, et je suis sûre que ce n'est pas ta faute !
- On s'est disputé juste avant...
- Et ça ne veut pas dire qu'il a provoqué l'accident ! Je suis sûre que ce n'est qu'un accident, Karol ! Vous vous expliquerez quand il se réveillera, et tout rentrera dans l'ordre.
- Je n'y crois plus, soupira Karol.
Sa sœur l'attira contre elle. Karol posa sa tête sur l'épaule de Tini qui ne savait pas quoi dire pour la rassurer. Elles soupirèrent de concert, mais le fait d'être ensemble semblait les rendre plus fortes. Au moins, elles surmonteraient cela toutes les deux, et Karol voulait croire aux paroles de Tini, mais une petite voix insidieuse, une petite voix qu'elle ne connaissait que trop bien, lui assurait qu'elle n'avait pas seulement tout gâché, mais également tué Ruggero.
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En collaboration avec DeathWings97
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Innocence perdue
FanfictionTini et Karol n'étaient que deux adolescentes comme toutes les autres lorsqu'elles ont accepté de jouer à la "Bouteille Diabolique" avec des amis. Après tout, ce n'était qu'une fête. Malheureusement, après cela, tout a changé. Ce soir-là, les deux...