Innocence perdue

Chapitre 35 : Dissension

Chapitre 35 : Dissension

Puisque Karol était persona non grata à l'hôpital, elle envoyait sa sœur comme espionne. Tini devait s'enquérir de l'état de Ruggero et le rapporter à l'adolescente. Rien de bien compliqué, en somme ! Elle pouvait même compter sur Jorge pour l'amener à l'hôpital. Alors qu'ils se garaient sur le parking, une fine bruine commença à tomber.

- Temps de merde, gronda le jeune homme.

Tini esquissa un sourire.

- Parfait pour l'ambiance qui règne en ce moment sur notre groupe.

- Ouais...

Ils échangèrent un regard complice. Tous les deux se comprenaient au-delà du réel. Jamais ils n'auraient cru cela possible, et pourtant, ça l'était. Ils pouvaient parler sans avoir à ouvrir la bouche. Cela faisait du bien d'avoir quelqu'un à qui se confier.

- Comment va Karol ? demanda-t-il.

- Elle supporte... C'est difficile, pour elle. Elle culpabilise beaucoup et Nina ne l'aide pas vraiment à se sentir mieux. Tu sais, elle aime Ruggero, mais il s'est passé tellement de choses. Elle a été trompée, et trahie, et elle ne veut pas que ça se reproduise, mais...

- Elle l'aime.

- Oui, et elle a peur qu'il soit trop tard.

Tini baissa la tête, une boule dans le ventre. Elle fixa la boîte à gant fermée dans l'espoir de refouler ses larmes. Conscient de son trouble, Jorge lui saisit la main pour y déposer un léger baiser. La jeune fille releva la tête pour lui sourire. Ils échangèrent un regard pour se donner du courage et quittèrent la voiture. Aussitôt, une fine pellicule de pluie se déposa sur leurs cheveux. Ils se retrouvèrent devant le capot de la voiture et, main dans la main, coururent jusqu'aux portes automatiques.

Une fois abritée de la pluie, ils firent irruption dans le hall de l'hôpital. La secrétaire en blouse blanche leur jeta à peine un regard. Elle reconnaissait le jeune homme qui passait pas mal de temps ici et ne lui indiqua pas la bonne direction. Jorge guidait sa petite amie dans le dédale de couloir.

- Je pensais que ce serait plus animé, déclara Tini.

Autour d'eux, il n'y avait personne. C'était le calme plat. Pas un médecin, pas un infirmier, n'arpentait les couloirs en courant, poussant un brancard qui pissait le sang. Jorge esquissa un sourire.

- On n'est pas dans une série. En vrai, les hôpitaux sont beaucoup plus calmes qu'il n'y paraît.

- Je vois ça.

Ils terminèrent le chemin en silence, le bruit de leur pas résonnant dans le couloir. Tini se figea en regardant à travers la vitre. Elle ne s'était pas attendu à un tel spectacle. Ruggero paraissait être un rock, et le voilà diminué. Son visage tuméfié avait dégonflé, mais le violet autour de ses yeux fit trembler Tini. Jorge passa un bras autour de ses épaules et la serra contre lui.

- Les médecins disent qu'il peut s'en remettre, maintenant. Son pronostic vital n'est plus engagé, mais ils ne savent pas les séquelles sur son cerveau.

- Le pauvre...

- Vient, on va entrer.

Nina était là, comme toujours. Avec l'autorisation de ses parents et l'aide de Mechi, elle séchait les cours pour passer le plus de temps possible aux côtés de son frère. Elle voulait s'assurer que Karol ne vienne pas en douce pour lui faire encore plus de mal, et surtout pour ne rien manquer. Jusqu'à son réveil, jusqu'à la fin, elle voulait être là.

Tenant fermement la main de Tini comme un guide, Jorge poussa le battant. Nina se redressa en les apercevant. Ses yeux s'étrécirent lorsqu'elle reconnut Tini.