" Cette nuit "

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« Maman! Maman! » criait le petit garçon en courant dans la direction de sa mère.
- Attention, Yannis! Tu risques fort de te blesser à cette allure!
- Mais ne t'inquiètes pas, je suis un grand garçon, moi ! Et les grands garçons, ça ne se blesse pas aussi facilement.
- D'accord mon grand garçon ! Alors, pourquoi as-tu l'air aussi irrité par un si beau jour d'été ?
- C'est Jacob, Maman! Il ne veut pas m'accompagner à la piscine !
- C'est un peu normal non?
Lui répond sa mère en le prenant dans ses bras.
  Elle est juste là sur la terrasse, grand garçon !
-  Oui mais pourquoi ris-tu, Maman ? Ça n'est pas drôle du tout! Je voulais qu'il vienne pour m'apprendre à nager sur le dos mais il est scotché à son écran depuis le réveil et on dirait qu'il ne voit plus rien d'autre!
- Hum. Je vois. Tu sais s'il a quand même pris le temps de manger ?
- Il n'a rien mangé, c'est moi qui ai croqué toutes ses céréales!
- Frost!
- Mais quoi ? Il n'en voulait pas et mois j'ai horreur du gaspillage de nourriture.
- C'est ça, gros malin !
- Mais pourquoi ris-tu sans cesse, Maman?
- Aucune idée, c'est peut-être parce que je suis fière de mes grands enfants
- Ah non! Bien essayé, mais ça ne prend pas!
- D'accord, d'accord ! Je ris parce que tu passes ton temps à raconter n'importe quoi!
- Je sais mais ce n'est pas une raison non plus!
- Trêve de bavardage, jeune homme. Allons plutôt libérer ton frère des griffes de son ordinateur et le nourrir un peu !
- Bonne idée !
    
      Le Docteur Dawson avait fait sa ronde matinale habituelle et rentra dans son cabinet. Il vît sur le sol une enveloppe sur laquelle il y avait marqué " cette nuit " , et sourit, agréablement surpris de voir que Amélia était prête à coopérer et acceptait d'adopter sa méthode. Il s'assit, une tasse de café dans une main, et l'enveloppe dans l'autre, se demandant ce qui avait bien pu arriver pour qu'elle se retrouve dans cet état... et si loin de chez elle ! Il s'agissait quand même de Amélia Frost! Elle avait pourtant l'air d'aller bien au bal... Bon ! Il était temps d'ouvrir cette enveloppe et d'en découvrir le contenu.

   « Je montais lentement l'escalier en direction de la chambre de Jacob, son petit frère dans mes bras. Je n'avais même pas besoin de regarder où je mettais les pieds, tellement cet exercice m'était familier. Je n'avais pas non plus besoin de regarder les portes. La troisième au fond du couloir, la blanche avec la pancarte "défense d'entrer". C'était là. J'avoue qu'il a toujours été celui de mes enfants dont je suis le plus fière, non que je le préfère aux autres. Brillant à l'école, fort sympathique, sourire radieux et cheveux toujours coiffés comme il faut. Il a fait ses études dans les écoles les plus prestigieuses du pays et à intégré une faculté de renom à seulement quinze ans et nous n'avons jamais eu besoin de payer ses droits universitaires depuis qu'il y est. Le champion bénéficie chaque année de bourses, non qu'il en ait besoin, mais parce qu'il a toujours excellé dans tout ce qu'il a entrepris. Véritable dieu de l'informatique, du freelance et de tous ces nouveaux concepts de jeunes, il s'occupe de tout ce qui concerne la publicité et le marketing de B-U-T depuis bientôt deux ans, et je suis fière de l'avoir à mes côtés, d'autant plus qu'il n'a pas attendu que je lui force la main pour rejoindre l'entreprise familiale.
   
     Jacob était assis sur la chaise de son bureau toujours bien rangé, et sur l'écran de son ordinateur, je pouvais entrevoir une sorte de billet d'invitation numérique bleu, sur lequel il y avait marqué en blanc : "vous êtes invité".

  - Invité où et à quoi, jeune homme?
- Bonjour Maman, tu aurais pu frapper, quand même! Me lança-t-il sans toutefois détourner le regard de son écran.
- Mais qu'est-ce qu'il a grandi le garçon! Je te rappelle qu'il fût un temps où tu me suppliais d'entrer dans cette pièce !
  - Oui, mais ça c'était avant ! Mais bon, que me vaut l'honneur de votre visite, Miss Frost ? Me fit-il tout souriant, levant enfin les yeux sur moi.
- J'ai appris de ton frère que tu ne t'étais encore rien mis sous la dent aujourd'hui alors je t'ai apporté ça.
Je lui lançai donc un paquet de chips qu'il attrapa sans effort.
  - Excellents réflexes, champion ! Je vois que tu n'as pas perdu la main.
 
  Jacob était certes un surdoué accro aux écrans d'ordinateurs, mais j'étais fière de son physique d'athlète forgé au cours de plusieurs années de pratique de basketball, seul sport qu'il voulait bien essayer, et dans lequel il excellait. Il avait en effet remporté plusieurs championnats nationaux avec l'équipe de son lycée dont il était le meneur à l'époque, mais maintenant qu'il était tiraillé entre la fac et le travail, il avait préféré n'en faire qu'un loisir pour tuer le peu de temps qu'il lui restait dans sa vie d'enfant-adulte.
  Je ne me rappelle d'ailleurs pas qu'il ait eu une enfance similaire à celle de son frère ou de sa sœur. Rebecca ne nous a certes jamais ramené de mauvais bulletin, mais je me suis toujours dit qu'elle ne se donnait pas à fond dans ses études. Casanière et réservée, elle passe également ses journées devant des écrans,  mais pas aux mêmes fins que son frère aîné. Elle préfère pour sa part consacrer son temps à un réseau social devenu viral depuis qu'elle en est devenue la personne la plus populaire.

  - Tu devrais penser à te reposer. Me lança Jacob qui avait à présent retourné son fauteuil et me regardait adossée au cadre de sa porte.
À quand remonte ta dernière sortie avec Papa ? Peux-tu me le dire ?
  - Eh bien... Je ne sais pas. Tu as raison, ça me ferait sûrement beaucoup de bien de me détendre mais B-U-T a besoin de moi, mon chéri. Nous avons plein de commandes à livrer avant la fin de cette année et je ne peux pas dire que ça avance à pas de géant. Les employés sont lents, et, pour les meilleurs, ils sont allés en vacances avec leurs familles. C'est l'été alors ils profitent du soleil et bronzent sur la plage autant qu'ils peuvent. Je me suis faite à l'idée que le travail ne reprendra normalement qu'une fois qu'ils seront rentrés. Je me demande comment ils réussissent à travailler avec des troupes aussi nonchalantes. J'y étais aujourd'hui et je t'avoue que j'ai failli piquer une crise!
- Tu n'aurais pas dû y aller ! Tu sais très bien que tu es malade mais ça ne t'empêche pas de chercher des raisons de l'être encore plus. Tu risque le Burnout, Maman ! Il faut que tu songes à relâcher la pression !
  Bon voilà, pour revenir à la question de l'invitation, il s'agit d'un banquet qui sera organisé à l'occasion du soixantième anniversaire de B-U-T.
- Oh! Intéressant !
- Oui et ce n'est pas tout!  Il y aura également une soirée sur le thème que tu choisiras. Nous y inviterons les plus grands noms de la mode à travers le monde. Il nous faut de la pub, Maman. Beaucoup de pub, c'est bon pour les affaires, surtout que nous préparons un défilé qui marquera le début de l'année à venir. Il va falloir mettre le paquet, mais toi tu ne t'occuperas que de te faire belle et te détendre. J'ai la situation bien en main.
 
   - Chiche ! Une grande fête ! S'écrira Yannis.
   J'ai une idée, en plus ! Et si tout le monde était déguisé pour cette occasion ? Moi je mettrai mon costume de pirate !
- Mais non, Yannis ! Se moquait Jacob.
  Tu t'es trompé de période !  Halloween c'est pas pour demain!
  - Mais non ! Pourquoi est-ce que vous ne me laissez jamais avoir raison ?
  - Mais parce que tu proposes toujours des trucs débiles !
 
- On se calme, les garçons ! Leur fis-je pour calmer les tensions grandissantes dans la pièce.
  J'ai une idée, Yannis. Et si on remplaçait tes costumes par des masques, ça t'irait comme ça ?
  - Ah oui ! J'aime trop l'idée ! Je sais déjà quel masque je porterai pour l'occasion !
- Alors vendu ! Quelque chose à ajouter, Jacob ?
  - Non l'idée me plaît bien alors je prends.
- D'accord les enfants, alors affaire classée !

  Je m'apprêtais à sortir de sa chambre quand Jacob m'interpella une dernière fois : « Je me charge de tout, d'accord ? J'aimerais que pour une fois tu profites de ta soirée et que tu prennes du bon temps. »
  - D'accord mon garçon. Acquiescai-je.
  Je te laisse faire, mais toi en retour, tâche de manger convenablement et de lever la tête de temps en temps. Le plafond astral est de loin plus magnifique qu'un moniteur fabriqué par de simples humains.

NihassahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant