Quand le doute s'installe pour de bon

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Dans l'avion, l'ambiance était à son comble. Ronn et les enfants riaient aux éclats et s'amusaient à jouer à des jeux comme action ou vérité, ni oui ni non et autres. Ils étaient si heureux de passer du temps ensemble, si complices... Il avait toujours été le plus proche des enfants et ceux-ci se faisaient un plaisir de lui parler de tout ce qui leur passait par la tête, même Becky la plus réservée lui parlait volontiers de coupes de cheveux, de paires de chaussures, de sa vie sociale, de ses copines, des garçons j'en passe. J'étais si heureuse de l'avoir à mes côtés et de le voir se dépenser autant pour notre famille. C'est vrai que ce n'était pas facile tous les jours avec le travail et le reste, mais il faisait de son mieux pour racheter le temps auprès de ses enfants... J'avoue que ça me faisait beaucoup de peine que nous nous en trouvions là à cause du manque de communication entre nous, car si c'est vrai qu'il accordait beaucoup de temps à sa famille, j'ai oublié de préciser qu'il s'agissait toujours de ses enfants en premier et que pour moi il trouvait le temps alors que pour eux il était prêt le racheter.
Je me sentais si seule dans cet avion à cet instant précis, en manque des bras de mon homme, en manque de sa présence à mes côtés. À la maison il faisait de son mieux pour être vraiment présent lorsqu'il y était : la vaisselle, la cuisine, les devoirs avec Yannis... Mais j'avais besoin de sa présence, moi également. J'avais besoin qu'il m'emmène au restaurant, qu'il me parle de sa journée, qu'il me fasse rire plus souvent, qu'il s'occupe de moi. Mais tout ça, je ne m'en étais rendue compte que depuis que j'avais peur de découvrir ce qui était pourtant si évident. Et la vie en parfaite garce me donna une raison de me sentir encore plus mal lorsque je reçus un texto de Jacob qui était pourtant assis juste en face de moi : " le type du parc avait peut-être raison ". Je levai les yeux de mon écran de portable et croisai les siens. J'étais tétanisée. Je voulais crier et me ruer sur lui, lui dire qu'il devait avoir honte de ne pas faire confiance à son père, que sa mission était de prouver que ce type avait tort et non de lui accorder le bénéfice du doute.
J'avais peur de lui donner raison, peur de regarder la vérité en face, de me rendre à l'évidence. À cet instant, rien n'avait plus de sens ni d'importance. Je les quittai alors, prétextant une migraine et allai m'enfermer dans la salle de bain où je pleurai toutes les larmes de mon corps ce jour-là, puis m'endormis là, à même le sol en position fœtale, la même que bizarrement j'adopte depuis mon arrivée dans ce centre.

La suite du voyage, je ne m'en rappelle point, et le défilé encore moins. Je me souviens juste d'avoir eu mal, très mal à la tête. J'avais l'impression que j'allais perdre mon cerveau. C'était horrible. Jacob s'était occupé de moi pendant tout le temps qu'avait duré notre séjour à Londres, et Ronn et les autres s'étaient chargés de faire bonne figure devant les médias, comme d'habitude. Ensuite je me souviens juste que nous sommes rentrés au pays et qu'il y a eu une violente dispute entre Ronn et moi. Je doutais de plus en plus de lui. Je frôlais même la paranoïa, à force de vouloir vérifier ses entrées et sorties et de vouloir me prouver que j'avais tort ou raison. Mais notre dispute de ce jour-là n'était pas due à ces raisons, puisque je m'en rappelle parfaitement. Elle était due à la raison de mon malaise à Londres, à cette femme, à ce nom: Marnie Bellemare, la nouvelle héroïne de mes cauchemars les plus sombres. La séquence du défilé dont je me rappelle est celle du passage des mannequins portant la collection " Déclic " et la musique de fond, puis de l'écran de mon portable qui s'allume : " On a un nom. Marnie Bellemare _Jacob "
Le simple fait de lire ces mots avait suffi à me faire voler en éclats. Mes soupçons venaient d'être confirmés alors que moi, je m'attendais à ce qu'ils soient dissipés. Mon monde s'est arrêté ce jour-là. J'ai eu mal, mais je ne saurais expliquer d'où provenait douleur ou pointer du doigt la partie de mon corps qu'elle atteignait exactement. Les larmes me brûlaient les yeux, et pour la première fois en dix-neuf années de mariage, Ronn était vraiment méchant envers moi. Il n'hésitait pas à me blesser en paroles en toute conscience.

- Mais pourquoi, Ronn ? Pourquoi as-tu fait ça à ta famille ? Que t'avons-nous fait pour mériter que tu nous trahisses de la sorte ? As-tu un temps soit peu pensé à ce que ça ferait aux enfants d'apprendre que tu nous abandonnes pour cette Marnie ? Qu'a-t-elle que nous ne puissions te donner ?

J'étais désespérée. Je voulais qu'il me calme, qu'il me prouve que j'avais tort, que je me trompais sur toute la ligne. Puis d'un seul coup, ce que je voulais entendre de lui:
  
   - Écoute, mon amour. Je ne te trompe avec personne. Il y a deux femmes dans ma vie, et c'est Becky et toi. Je vous aime de tout mon être, mais ce nom, peu importe où tu l'as trouvé, tu n'aurais pas dû. Parce qu'à présent tu tes fait de fausses idées sur moi et ça me fait de la peine que tu doutes de cette flamme qui brûle pour toi. Si tu veux, dès maintenant tu pourras m'accompagner partout et me surveiller autant que tu veux si c'est ce qu'il faut pour que tu comprennes que je ne te trompe pas.

   Ces mots avaient suffi à calmer la moitié de mes inquiétudes, mais j'avais besoin qu'il me rassure davantage.

   - Je ne te crois pas, Ronn. Si cette femme n'est pas ta maîtresse, peux-tu me dire qui elle est pour toi ? Parce que moi je ne sais plus quoi penser.
   - Qui elle est pour moi ? Il faudrait déjà que je sache qui elle est tout court ! Je ne sais absolument rien d'elle, rien du tout ! Tu as été dupée par une personne qui veut nous voir tomber, mon amour. Tu dois me croire, tu dois croire en nous. Tu dois me croire quand je te jure sur la tête des enfants que tu es mon seul amour et que tu l'as toujours été.

  J'étais définitivement perdue. Il me disait peut-être la vérité... J'aurais également été en colère et outrée de me rendre compte qu'il avait douté de moi un seul instant, alors je comprennais  qu'il se soit mis en colère de la sorte. Je décidai alors de faire une énième fois confiance au père de mes enfants et de croire qu'il me disait la vérité. Il n'aurait jamais demandé que je le surveille s'il avait véritablement eu une liaison. En plus il venait de jurer sur  les enfants que j'étais la seule.

   - D'accord, je te crois chéri. Je suis désolée d'avoir douté de toi. Pardonne moi.
   - Je me suis mis en colère mais cela ne signifie nullement que je t'en veux, bébé. Une femme jalouse est une femme qui tient à son homme, après tout.
   - Je ne suis pas une femme jalouse mais une femme désespérément amoureuse. Je ne veux pas apprendre à vivre sans toi, chéri. Tu es là pour moi depuis que j'ai découvert la vraie douleur, et que tu partes réouvrirait toutes les plaies que tu as soignées et casserait le fil de toutes les coutures que j'ai faites sur mon cœur grâce à la force que j'ai puisée en toi. Si tu as en projet de t'en aller un jour, pense à me tuer avant parce que je ne peux pas vivre sans tes bras. Je t'aime, Frost. Et ce ne sont pas que des paroles en l'air.

    C'est sur ces mots que je m'endormis ce jour-là dans les bras de celui dont je ne croyais pas  pouvoir me passer un jour. C'était décidé, il fallait que je parle à Jacob, que je lui dise que c'était une fausse alerte et que c'était mal que nous doutions de celui qui nous avait consacré sa vie. Mais j'étais loin de me douter de ce qui m'attendait le lendemain.

NihassahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant