Nihassah

Retrouver Marnie

  Le lendemain matin donc, je me rendis dans la chambre de Jacob une fois Ronn retourné travailler. Et pour une fois, je le trouvais endormi dans son lit. Mon cœur fondit directement à la vue de mon grand garçon allongé de la sorte. Il avait l'air épuisé alors je décidai de le laisser se reposer et de repasser plus tard. Rien ne pressait après tout, il n'allait pas s'évaporer non plus. Mais dès que j'eus engagé le pas vers la porte, je l'entendis me retenir de sa voix fatiguée :

   - Il faut qu'on parle, Maman.
   - Bonjour mon grand garçon ! Bien dormi ? Tu n'as pas l'air très en forme ce matin.
   - Je plaide coupable ! Je suis usé jusqu'aux os ! Mais il faut que la soirée du soixantième anniversaire de B-U-T fasse un carton. Nous avons les objectifs des médias braqués sur nous depuis que nous avons conquis Londres avec notre défilé dont tous les journaux parlent comme étant  "Le plus grandiose de l'année" ou encore " La touche de Pep's qu'il manquait à l'année " et même " Un bon augure pour la prochaine année de la Maison B-U-T".
   - Il faut que tu te reposes, Jacob. Tu travailles beaucoup trop pour ton âge.
    - T'inquiète Maman, si tu as peur que je finisse comme Papa, saches que ça n'arrivera absolument pas ! Je compte prendre ma retraite assez jeune et m'installer dans un Penthouse avec un joli mannequin de 1,78 mètre, lui faire trois enfants et puis mourir en paix et rassasié de mes jours mais pas trop vieux non plus, attention ! Je ne veux pas connaître tous les maux que connaissent ces pauvres gens avant de quitter le monde !

    Je ricanais et lui lançai le coussin de sa chaise de bureau.

   - Bien joué, gros malin ! Tu as réussi à me donner la banane qu'il me manquait pour affronter cette journée que je ne sens déjà pas vraiment.

  Il se redressa, me fit son plus beau sourire et un clin d'œil, puis me lança : « Vous satisfaire est notre priorité, Madame Frost ! »
Il avait le même sourire que son père. Et pas que le sourire en fait... Ses cheveux noir foncés, sa voix rauque, ses mains, sa démarche et j'en passe. Maintenant que j'y pense, je me rends compte que j'ai mis au monde une version améliorée et travaillée de l'homme que j'ai épousé, et que c'est peut-être pour combler le vide que son absence avait suscité en moi que j'étais devenue aussi proche de mon fils. Il avait toujours le mot pour me remonter, me rassurer et m'apaiser. Et ce matin-là également il avait réussi à me détendre sans ménager aucun effort.
  
  - Alors de quoi veux-tu qu'on parle, gamin ?
   - Ha! Ha! Ha! Très drôle !
    Fit-il sur un ton sarcastique.
   - Il n'y a rien de drôle là, tu es mon gamin et puis c'est tout !
   - D'accord, d'accord ! Le gamin veut te dire un truc très important, mais avant il faudrait que tu prennes une grande inspiration.
   - Pardon ? Mais pour quelle raison ?
   - Tu dois d'abord me promettre que tu garderas ton calme. 
  
   La gorge sèche et l'estomac noué, je m'installai sur sa chaise de bureau et, une fois que mes mains cessèrent de trembler comme des feuilles mortes, je lui promis :

    - D'accord, je vais garder mon calme. Tu as ma parole. Maintenant je t'écoute.
   - Bien, je me suis renseigné et apparemment nous nous sommes trompés au sujet de cette Marnie. Elle n'est pas la maîtresse de Papa. D'ailleurs, Papa n'a pas de liaison avec qui que ce soit.

   À ces mots, une vague de bonheur m'envahît.

  - Ne te réjouis pas si vite ! Maintenant tu respires !
  - Qu... Quoi ? Mais pourquoi ?
   Je me demandais ce qui aurait pu être pire que de savoir que Ronn me trompait. Je me calmai donc, le souffle coupé.
  - Dis-moi, Jacob. C'est quoi le pire ?
  - Marnie Bellemare est... La fille de Papa.
Mon sang ne fit qu'un tour.
  - Tu peux répéter, Jacob ? Que dis-tu là ?
  - Papa a eu une fille avant nous, Maman. Et cette fille c'est Marnie Bellemare.