Le onze au soir

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Nous étions finalement le fameux " Onze au soir " mentionné sur les beaux cartons d'invitation confectionnés par Jacob, l'organisateur de la soirée pourtant méconnu du grand public,mais plus pour longtemps. Le lieu était magnifique. Mon grand garçon s'était surpassé. Les gens arrivaient de partout dans des voitures de toutes coupes et couleurs qui valaient des fortunes qui quant à elles avaient été gagnées au prix du sang et de la sueur d'ouvriers travaillant nuit et jour dans des usines qui leur verseront à la fin du mois juste suffisamment d'argent pour les garder en vie jusqu'au mois suivant. Je me suis toujours demandé si l'expression "gagner durement son pain" s'appliquait aussi à cette catégorie de personnes.

Dans cette salle réservée pour l'occasion, des compositions florales et d'autres décorations épousant le bleu et le blanc des cartons d'invitation, des lustres dorés allant très bien avec le thème et un orchestre jouant comme si sa carrière en dépendait. Sur les tables, du vin de la meilleure qualité possible, des fleurs de chez les fleuristes les plus plébiscités du monde, des plats de la haute gastronomie et des hôtes endimanchés comme dans les contes de fées. Les médias étaient également conviés à l'événement et venaient de toutes parts pour immortaliser cet événement que tout le monde guettait depuis assez longtemps.
Je me plaçai alors quelques instants à la porte de la grande salle qui abritait l'événement de l'année pour contempler l'étendue de la besogne qu'avait abattue mon grand garçon. J'étais si fière de lui, fière de constater qu'il réussissait à garder son calme olympien même en cas de pépin au cours de la soirée. Les gens sous leurs masques semblaient heureux, et on pouvait les entendre échanger de vive voix, rire, et pour ceux dont on voyait la bouche, accorder leurs plus grands sourires aux photographes. Nous fûmes très vite tiraillés entre photos, interviews et remerciements de médias locaux et étrangers conviés à la soirée, le tout sous de somptueuses mélodies reprises par l'orchestre au centre de la salle qui la faisait vivre avec une sélection qui ne manquait pas de style. Les hôtes étaient à la hauteur de l'événement et les hostilités aussi.
Yannis essayait de deviner les célébrités pouvant bien se cacher sous les différents masques dans la pièce, Rebecca à l'extérieur se donnait à cœur joie à un bain de foule avec ses fans et admirateurs et Jacob profitait de la soirée à sa manière, par des échanges avec des grands noms conviés à l'événement et de là où j'étais, je pouvais entendre les félicitations et encouragements qui lui étaient adressés. Ronn quant à lui ne quittait pas son portable des yeux. Il avait l'air à la fois énervé et stressé alors j'en déduisis que ça devait sûrement être le travail et non autre chose car je ne voulais rien laisser me gâcher la soirée que mon grand garçon avait pris tant de peine à organiser. J'entrai donc dans la salle vêtue de ma somptueuse robe noire _la seule de la soirée d'ailleurs_ suscitant des regards admiratifs, des commentaires que j'avais déjà l'habitude d'entendre et des fleurs de la part de convives tenant à me remercier personnellement. Puis, à peine installée, la musique s'arrêta.Un instant plus tard, l'orchestre convia les invités dans la salle à prendre leurs cavalières sur la piste.
Ronn avait disparu l'instant d'après, et sur mon téléphone, un message de Jacob : " Désolé mais il faut que j'y aille, Maman. Je ne serai pas long. " Que se passait-il encore ? Je n'en avais aucune idée mais je commençais à paniquer. J'avais l'impression que quelque chose de pas net se préparait. Soudain, la musique s'arrêta à nouveau, et le chef d'orchestre prît la parole : «Bonsoir chers invités, nous espérons que vous passez une agréable soirée en notre compagnie, car pour notre part, nous éprouvons un immense plaisir à jouer pour vous. Maintenant, nous allons jouer un morceau assez spécial, une valse. Un cadeau de notre part pour Miss Frost qui est la raison principale de notre présence ici ce soir. Merci pour l'immense honneur que vous nous faites, Madame. Joyeux anniversaire à votre marque et longue vie à vous et aux vôtres. Et surtout, profitez de ce morceau, c'est peut-être la valse de votre vie.»
La dernière phrase de cet homme m'intrigua énormément. Était-ce un message qu'il voulait me faire passer? Et ce clin d'œil ? Voulait-il me faire comprendre quelque chose ? Où alors était-ce moi qui devenais trop paranoïaque à cause de cette histoire avec Ronn. "Ressaisis-toi, Amélia ! Tu deviens folle !" Essayais-je désespérément de me calmer. Je ne me sentais pas bien, j'avais les nerfs en feu et la tête qui tournait. Puis soudain:

NihassahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant