Chapitre 9 : Retrouvailles

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Ava – Famy

Lundi 5 août, 16h43
États-Unis, Los Angeles
PDV Tommy

Je m'adosse contre la rambarde métallique pour échapper à la foule. La jetée de Santa Monica est noire de monde actuellement – comme toujours. Le soleil brille dans le ciel, le vent inexistant rend l'atmosphère légèrement étouffante mais le bruit des vagues qui claquent contre les piliers en bois est agréable. Je me retourne et enroule mes doigts autour de la barre froide en observant l'océan, pour unique but d'échapper à cette population oppressante.

Aujourd'hui, le 5 août, ça fait exactement six ans que Cameron et Sky ont quitté la Californie. Le départ de nos amis, c'est un sujet que nous n'abordons que très peu avec ma sur, puisqu'il est plutôt sensible. En fin de compte, nous n'avons jamais pu nous résoudre à tourner la page. Nous avons tous les deux été affectés de façon totalement différentes sans pour autant oublier ce que cet endroit représente pour nous – enfin, représentait pour nous quatre.

- Je suis là. J'entends dans mon dos, me forçant à me retourner.

Ma sur arrive avec un cornet de glace dans chacune de ses mains et me tend celle à la pistache. Je la remercie d'un petit sourire alors qu'elle s'adosse tout comme moi sur le bord de la balustrade. Ses bras croisés contre sa poitrine, elle déguste sa glace à la violette en silence, tout en contemplant à travers ses lunettes de soleil les manèges qui nous font face.

Chaque année, nous revenons sur la promenade de Santa Monica puisque nous adorions y venir avec Cameron et Sky. Même si je réalise d'autant plus tout ce que j'ai perdu quand je suis ici, j'ai besoin de ce mal pour me remémorer tout ce que j'ai eu la chance de vivre.

- J'aimerai retourner à cette époque. Je lance en repensant aux éclats de rire d'il y a six ans.

- Moi aussi, Tom. J'adorerai. Me répond ma jumelle avant de caler sa tête contre mon épaule.

Puis quelques minutes plus tard, elle se détache et jette à la poubelle la petite serviette en papier qui était enroulée autour de son cône de glace. Et rapidement, elle accourt presque, s'asseoir sur le banc juste en face de nous qu'un couple vient de quitter. Un sourire aux lèvres, je me décolle de la barre et prend place à côté d'elle.

Finissant ma crème glacée, mon regard divague sur les manèges en face de nous. Les souvenirs nostalgiques me font quasiment oublier la masse de monde qui nous entoure en pleine après-midi d'été.

- Tu veux en faire un tour ? Ruby me surprend à fixer le petit carrousel que nous aimions tant gamins.

- Non. Je lâche en un souffle amusé.

- Quelques fois, j'aimerai retourner en arrière. Pas simplement pour retrouver Cameron et Sky mais aussi pour rester enfants. C'était tellement plus facile d'être innocent et naïf. Je lui confis tandis que nous scrutons la jetée.

- Tu sais, je pense que c'est à toi de décider quand est-ce que tu arrêtes d'être un enfant. Elle me lance.

- C'est pas si simple à faire. Quand tu perds l'innocence, tu ne peux pas la rattraper.

- Je te l'accorde, ça tu ne peux plus rien y changer. Mais la vie perd son goût seulement quand toi tu le décideras. Si tu considères qu'elle est importante, elle le sera bien longtemps. Elle m'adresse un grand sourire.

- Dans ce cas-là, je veux bien faire un tour. Je lui retourne, les lèvres pincées.

Sans attendre, nous abandonnons le banc derrière nous pour nous diriger tout droit vers la queue du petit carrousel. Alors que le manège tourne, nous nous faisons rapidement encercler par des gosses et leurs parents. Seuls ados au milieu de ces petits, je suis projeté six années en arrière et me revoie à leur place, brandissant mon ticket, tout en attendant avec excitation mon tour.

Je patiente avec ma sur et balade mon regard sur la foule. Plusieurs images de bons moments passés ici défilent devant mes yeux et j'étire un sourire – bien que nostalgique.

Santa Monica est un vrai aimant à touristes, particulièrement en été. Dans cette masse de visages pâles et inconnus décorés de couvre-chefs en tout genre, deux d'entre eux captent mon attention. De l'autre côté du carrousel, deux silhouettes apparaissent. Dans la précipitation et la ressemblance qui me saute aux yeux, je me retourne vivement vers ma jumelle et pose une main sur son épaule. Sans un mot mais avec un signe du regard, je lui fais comprendre de regarder en face. Cependant, les deux visages étrangement familiers ont disparu. Me grattant l'arrière du crâne, je cherche d'un regard furtif les deux inconnus sans parvenir à les retrouver dans la foule. Face à ma jumelle, je ne cache pas la déception qui s'empare de moi. Confus, je perds mes pupilles entre les gens avant d'apercevoir l'air interrogateur de ma soeur.

- J'ai cru voir... Je bafouille. Laisse tomber, c'était rien.

Elle ne cherche pas plus d'informations. Je passe mes mains sur mon visage comme pour me rafraîchir les idées, je deviens complètement fou. Je cligne rapidement des paupières, un peu désorienté après ce qui me semble avoir été le plus réel des mirages. Puis essayant de faire abstraction de cette image, je ne peux m'empêcher de jeter mon regard un peu partout autour de nous.

Quelques longues minutes plus tard, le carrousel s'arrête enfin de tourner. Nous avançons à petits pas dans cette queue d'enfants. À quelques-uns du guichet, je me retourne encore, mais cette fois-ci, mes yeux se bloquent complètement sur les deux personnes que j'ai cru apercevoir dans la foule il y a plusieurs minutes. À l'écart de la grande file, ils contemplent les grandes lettres inscrites au-dessus du manège. Sûr de les voir en chair et en os, je crois défaillir en reconnaissant leur deux visages avec six ans de plus : Sky et Cameron Miller. Par peur, je cligne des yeux pour m'assurer qu'il s'agit bien d'eux mais en réalité je n'ai aucun doute, je pourrais les reconnaître entre mille. Alors que nous arrivons au pieds du guichet, je n'y porte plus aucune importance. Le cur tambourinant dans ma cage thoracique, je remonte la file pour m'en extirper. J'entends ma sur m'interpeller et je sens sa main glisser le long de mon avant-bras en tentant de m'arrêter. Je ne prends pas la peine de me retourner et bouscule les gens sur mon passage. Enfin sortie de cette masse de monde, je cours en leur direction, j'entends les battements de mon cur résonner dans les oreilles et finis par me jeter sur eux pour les serrer dans mes bras.

Nous manquons de peu de vaciller. D'abord surpris, ils restent tous les deux statiques avant de me rendre mon étreinte.

- Je ne peux pas y croire. J'échappe dans le creux de leur cou entre deux fortes respirations.

- Tommy ? Cameron se risque à demander comme si c'était irréaliste.

Je sors mon visage de leurs épaules et lui affirme vivement de la tête. Et entre deux reniflements, je ne peux m'empêcher de resserrer mon étreinte quitte à manquer de peu de les étouffer.

- Tom, mais qu'est-ce que... J'entends Ruby essouffler, complètement perdue.

Les yeux remplis de larmes, je me détache d'eux en essuyant mon nez avec le dos de ma main. Je me tourne vers ma sur et esquisse le plus beau des sourires.

- C'est Sky et Cameron, Ruby. Je lui indique.

Soudainement, son regard change. Elle se laisse submerger par une grande joie et après avoir véritablement réalisé le sens de mes paroles, elle se jette à son tour dans leurs bras.

- Oh mon dieu... Elle murmure.

C'est en fin de compte un torrent de gouttes d'eau salés qui s'échoue sur mes joues. Je n'essaye même pas de les essuyer d'un revers de main parce que je ne veux pas les faire disparaître, ce sont des larmes de bonheur.

« La véritable amitié ce n'est pas d'être inséparables mais d'être séparés et que rien ne change. »

Ma vie en un seul mot ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant