Chroniques d'un magicien égaré

Chapitre 10 : La pagode

La rencontre précédente avait ébahi Ling Bai. Il n'était pas à l'aise à l'idée qu'une créature inconnue dorme en lui, car celle-ci pouvait se réveiller à tout moment et qui sait ce qu'elle pourrait alors faire.

Il décida donc qu'il était primordial pour lui d'en apprendre plus sur cette bête spirituelle. Pour cela, il s'est fixé comme objectif d'aller à la bibliothèque de la ville. Bien qu'elle fût modeste et peu portée sur les affaires martiales, elle était réputée assez complète.

Cependant, Ling Bai soupçonnait toujours d'être surveillé. Bien qu'il eût confiance en sa force, il ne voulait pas prendre de risques inutiles. C'est pourquoi il décida de mettre fin à cette mascarade.

Lors de sa vie passée dans l'ordre des magiciens, Ling Bai avait servi quelques années dans la section numéro 2, surnommée "la division des ombres". C'était une troupe d'élite chargée d'assassinats et d'autres missions délicates de l'ordre. C'est là qu'il avait rencontré Alona, qui était devenue sa femme. Il avait appris de nombreuses manières de rester discret, en vie, ainsi que de nombreuses techniques d'infiltration.

La technique qui l'intéressait aujourd'hui était le sort des mille visages. C'était une formule magique relativement simple qui permettait de donner une forme à la magie que l'on manipulait et de l'accrocher comme un masque, créant une illusion quasiment parfaite.

Le principal inconvénient de cette technique était sa consommation élevée d'énergie. Maintenir cette masse de magie sur son visage dans une forme précise était un fardeau important pour le corps. Ling Bai estimait pouvoir maintenir ce masque pendant environ 6 heures. Une fois ce délai écoulé, non seulement Ling Bai retrouverait son vrai visage, mais il serait aussi épuisé et incapable de se défendre.

Ling Bai était cependant déterminé à accomplir son objectif. Il était confiant en ses capacités et n'aimait pas l'idée de ne pas avoir le contrôle sur ce qui pouvait se passer dans son propre corps. S'il pouvait en apprendre plus lors de cette excursion, alors il n'hésiterait pas.

La journée était déjà bien entamée, Ling Bai décida donc de prévoir sa petite aventure pour le lendemain après midi.

Auberge des Trois Empereurs, 12ème jour du 3ème mois du calendrier impérial 16h30 :

Ling Bai murmura d'une voix claire :

- "Lux larva !"

Immédiatement, son visage commença à briller tandis que ses contours devenaient flous, se modifiant petit à petit jusqu'à changer complètement.

Il revêtait maintenant le visage d'un homme brun d'âge mûr, une longue cicatrice zébrait son front tandis qu'un air sauvage se dégageait de lui. Il semblait être l'un des milliers de mercenaires qui avaient afflué dans la ville à l'occasion du tournoi.

Pour ne pas paraître suspect, Ling Bai avait emprunté une armure de cuir simple à Sun Jiao, la taverne en possédait plusieurs exemplaires, souvent acquises en compensation d'impayés de la part de mercenaires. Celle-ci était simple mais efficace, couvrant les parties les plus critiques du corps, tout en possédant une beauté somme toute assez simple.

Ling Bai sortit de la taverne. Les rues étaient richement décorées dans des teintes de rouge et de jaune, les couleurs principales du clan Hang. On voyait partout des gens rire, des enfants courir dans les rues tandis que de nombreux gardes en armures étincelantes montaient la garde pour éviter tout incident causé par la foule.

Ling Bai scruta les alentours tel un faucon, mais ne remarqua rien de spécial. Personne ne semblait particulièrement surveiller l'entrée de la taverne à sa recherche.

La journée était déjà bien entamée et le soleil commençait déjà à décliner.

"Je dois surestimer leur envie de me faire disparaître", pensa Ling Bai.

"Le temps presse, ne perdons pas de temps inutilement !"

Alors, Ling Bai se mit en marche en direction de l'endroit où se trouvait la bibliothèque selon ses souvenirs.

Après quelques minutes de marche, Ling Bai se trouva face à une petite pagode en bois. Celle-ci paraissait quelque peu délabrée, témoignant du peu d'intérêt que les gens y portaient. Devant les portes, un vieil homme assis sur le sol, adossé contre le mur, semblait dormir profondément. Il fallait avouer que la douceur de la fin du printemps ne devait pas être étrangère à cette petite sieste.

Ling Bai monta les quelques marches qui le séparaient de la porte, alors le vieil homme ouvrit un œil avant de marmonner d'une voix agacée :

"Toi, on ferme dans deux heures, assure-toi d'être sorti d'ici avant cela."

Et sans attendre, le vieil homme referma les yeux, sans prêter plus d'attention à Ling Bai.

Ce dernier entra alors dans la bibliothèque, vit alors des rangées d'étagères pleines de livres alignées parfaitement. Au milieu de la salle se trouvait un escalier en colimaçon lui permettant d'accéder à l'étage supérieur. À côté de lui, près de l'entrée, une grande pancarte expliquait la classification des ouvrages :

"Étages 1 et 2 : Histoire, géographie et politique du continent des Sept Tours."

"Étage 3 : Bases de l'alchimie, faune et flore du continent."

"Étages 4 et 5 : Théorie spirituelle, autobiographies et théories."

"Étage 6 : Livres divers, loisirs..."

Ling Bai n'hésita pas longtemps et monta directement au 4ème étage. Il y avait ici bien moins d'étagères qu'au premier étage. En regardant de plus près, la plupart des ouvrages étaient d'énormes codex probablement interminables à lire. Ling Bai explora alors les quelques étagères et fut intrigué par quelques ouvrages :

"Bêtes spirituelles, origines et compréhension" par Philas Miraolis.

"Les bêtes spirituelles : expériences et histoires de Maelkian Datakour" par Maelkian Datakour.

"Les bêtes antiques" par Lao Kai.

Ling Bai feuilleta ces quelques ouvrages, mais n'y trouva pas grand-chose. La plupart des informations n'étaient que des suppositions, des légendes ou, pire encore, des fanfaronnades de l'auteur.

Finalement, après quelques dizaines de minutes de recherche, Ling Bai trouva ce qu'il cherchait. En désespoir de cause, ce dernier était monté au 6ème étage et avait trouvé un petit ouvrage nommé :

"Le dragon et les dieux".

Ce roman n'était pas très différent des légendes qu'il avait lues précédemment, mais il décrivait la création du monde selon les adeptes de la principale religion du continent, le Ryuisme. Ses fidèles croyaient que le monde avait été créé lors de l'affrontement entre le mal originel "Kias le chaos" et "Midrit le dragon émeraude". Il est écrit dans les textes que son souffle avait créé le soleil, que ses griffes avaient creusé les vallées, que ses crocs avaient taillé les montagnes, que ses larmes avaient créé les lacs et les océans, et enfin, que son sang avait créé la vie, les humains et les animaux.

Cela n'intéressait que peu Ling Bai, mais la description du dragon selon ce texte était étonnamment fidèle à la créature qu'il avait vue dans son dantian.

Le temps passait et bientôt Ling Bai dut sortir de la bibliothèque. Il avait alors plus de questions qu'en entrant.