Je pensais pouvoir écrire avec régularité entre ces pages mais je me suis découverte bien plus fatiguée que ce que je ne pensais. Il faut dire que l'ambiance dans cet hôpital n'aide pas au repos. Il y a un bruit permanent, des vas et viens continuels. Lorsque je suis allée me promener pour me dégourdir les jambes, j'ai rencontré beaucoup d'hommes dans des états épouvantables. Des membres en moins, des yeux crevés, j'en ai même vu un à qui il manquait une moitié de visage. Tout n'est que chair chiffonnées et membres brisés.
Je suis retournée rapidement dans ma chambre pour pleurer.
Devant mon air ahuri, une infirmière pressée m'a dit qu'il s'agit des blessés de guerre et que la guerre est finie, mais je ne comprends pas. Je croyais que nous étions en plein dans la guerre, justement.
Il y a tellement de bruit, ici. Des plaintes et des gémissements monstrueux. Cela me glace le sang.
Pour autant cela ne fait pas revenir mes souvenirs. J'ai peur, je suis triste, et ce que je vois me répugne, c'est tout.
Les infirmières me prennent pour une folle parce que je ne parle pas, et les médecins ne sont pas loin de penser la même chose. J'ignore ce qu'il va advenir de moi, je redoute d'être mise à la rue sans le sous. On a pris mes vêtements à mon arrivée, ma robe et le contenu de mes poches, je ne sais pas où tout cela est mis. Est-ce qu'on va me jeter dehors en guenilles ?
Je n'aime pas cet endroit. Il me terrifie. Le lit en fer est inconfortable et me donne des douleurs au dos.
L'hostilité que je sens à mon égard me semble aller crescendo. Si je n'ai pas écrit tous les jours, c'est parce que j'ai peur que quelqu'un se serve de ce carnet contre moi. Je vois bien dans l'œil brillant du docteur Möller (j'ai enfin retenu son patronyme) qu'il cherche des façons de soutirer des informations, et qu'il ne me croit pas lorsque j'affirme ne me souvenir de rien. Je le soupçonne de me prendre pour une espionne russe ou quelque chose de ce genre.
Les infirmières ne sont pas en reste, mais je ne peux pas en parler ici.
Dehors, on ne parle que d'un certain Adolph Hitler, petit homme nerveux qui vient de présenter une nouvelle doctrine lors d'une conférence à la Hofbräuhaus de Munich. Je crois que les gens d'ici l'aiment bien. C'est la première information venue du monde extérieur que je reçois et je ne sais pas quoi en penser. J'ai entendu que le parti ouvrier allemand est devenu le « Parti national-socialiste des travailleurs allemands » il y a deux jours.
Il me semble que je n'aime pas trop les allemands mais je ne sais plus pourquoi.
Je sais que je ne devrais pas dire ça.
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Changer ce qui est écrit
ParanormalFévrier 1920, Berlin. J'ouvre les yeux comme si je venais de naître et un tourbillon de sensations me submerge, étouffant. Pourquoi ai-je aussi froid ? Voilà qu'une main ferme me sort de l'eau et m'emmène à l'asile. Je n'arrive pas à prononcer un m...