4 mars 1920 - Berlin

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Je me suis renseignée sur l'actualité et il est vrai que la guerre est finie. Le pays a l'air de bruisser d'un nouveau courant de pensée alors qu'il peine à se relever de sa défaite (est-ce bien une défaite ? Les rares personnes que j'entends en parler sont évasifs, on dirait qu'ils ne souhaitent pas s'attarder).

Chaque fois que je pense à la guerre, mon cœur se serre. C'est comme s'il y avait des échos, quelque part au fond de moi. Devrais-je m'en inquiéter ?

Ce matin je me suis réveillée avec une phrase à l'esprit « on ne peut pas changer ce qui est écrit ». Je voyais un grand homme aux cheveux noir et à la barbe hirsute m'asséner cette phrase avec un doigt pointé en l'air. Il ressemblait à un ours tout droit sorti de sa forêt. Son regard n'était que glace, et il avait planté ses yeux dans les miens. Était-ce un cauchemar ?

Je ne me sentais pas bien, au réveil, et n'ai pas touché aux tartines qu'on m'a apportées.


Aussi, quand le docteur Möller essaie de me faire parler, je n'y arrive toujours pas, et de toute façon je ne sais pas quoi lui dire. Je ne veux pas lui parler. Il se comporte mal avec moi et me crie souvent dessus dans un allemand baveux dont je peine à saisir le sens.

Alors je fais comme si je n'écrivais rien, et je me cache sous la couverture pour écrire. Personne ne doit savoir.

Il y a d'autres femmes dans la chambre mais je ne parle pas avec elles.

Elles me prennent pour une gamine capricieuse, je crois. Elles ne savent pas que je comprends l'allemand.

Voilà l'infirmière.

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