Je ne pouvais plus écrire parce qu'on me surveillait de plus en plus près. Des rumeurs circulent, après le putsch raté des partisans de Wolfgang Kapp.
On me dit probablement espionne, mais personne n'est capable de dire d'où je viens.
J'ai eu de la chance, personne n'a jamais pu me prendre ce carnet parce que je le gardais sur moi. Je le cachais dans ma robe, entre mon ventre et ma culotte.
Les infirmières pensaient que je l'avais donné à quelqu'un et le docteur Möller n'essayait plus de savoir si j'écrivais dedans. Pour autant l'activité était devenue trop dangereuse à cause de l'arrivée d'autres femmes dans les lits voisins.
Les pauvres avaient l'air amochées, l'une d'elles était si malade que j'ai eu peur d'attraper la mort, moi aussi. Elle n'est pas restée longtemps et je crois que ça a soulagé tout le monde.
Je n'apprécie guère de voir des gens cracher du sang en toussant.
Le sang me rappelle quelque chose mais je ne me souviens plus quoi. Je sais que ce fluide me rend triste et que cette tristesse est liée à quelqu'un que j'aime bien, c'est tout. Ma famille ?
D'ailleurs, est-ce que j'en ai une ?
J'aimerais bien avoir des sœurs, ou un frère et des sœurs. Je me prends à rêver, parfois, de ce que pouvait bien être ma vie avant. J'aime bien coiffer les cheveux. Les miens sont très longs et ont une jolie couleur. Une de mes voisines m'a fait plusieurs compliments à leur sujet.
Mais l'évènement principal de cette journée est incontestablement mon transfert de l'hôpital Élisabeth à l'asile d'aliénés de Dalldorf. Monsieur Möller s'est enfin débarrassé de moi. Je lui faisais peur, à ne pas prononcer un mot. Les infirmières aussi me soupçonnaient de mentir sur mon amnésie. Ce qui est faux. Je le jure devant le Seigneur.
Pour autant ce n'est pas une mauvaise chose. L'ambiance ici y est plus calme, loin de l'agitation de l'hôpital.
Les patients sont étranges, mais moins que ceux que j'ai vu et que la guerre avait cassé en mille morceaux.
On m'a installé dans une chambre un peu austère en compagnie d'une autre dame apparemment souffrante. Je ne sais que penser, si ce n'est que quand elle s'est mise à pleurer en me racontant son histoire, je lui ai serré les mains très fort en lui répétant « je suis désolée ». Les mots étaient tout enroués en sortant de ma bouche et je n'ai pas reconnu ma voix.
Je ne sais pas de quoi j'étais désolée, mais sa peine m'a beaucoup touchée. Elle m'a parlé de la Russie et de la guerre. Elle m'a dit avoir perdu son frère et son père, mort en défendant leur ferme. Puis de la révolution rouge et du communisme.
Le communisme, ça me dit quelque chose.
Sinon la dame s'appelle Marie et elle prétend avoir été couturière.
On a un peu parlé, ça m'a fait du bien.
[...]
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Changer ce qui est écrit
ParanormalFévrier 1920, Berlin. J'ouvre les yeux comme si je venais de naître et un tourbillon de sensations me submerge, étouffant. Pourquoi ai-je aussi froid ? Voilà qu'une main ferme me sort de l'eau et m'emmène à l'asile. Je n'arrive pas à prononcer un m...