Bonsoir,
Je vous envoie cette histoire car elle hante mes nuits depuis quelques temps maintenant et j'ai besoin d'en parler à quelqu'un. Je m'appelle Sarah et ce que je m'apprête à vous raconter c'est passé lors d'un voyage entre amis, l'été de mes 16 ans. Nous étions à destination depuis quelques jours et déjà, nos journées étaient très intenses et la fatigue ne nous quittait pas, c'est pourquoi il est possible que j'ai rêvé ce que je m'apprête à vous raconter, pourtant, le doute persiste. Cela semblait si réel.
Bien, passons à l'histoire. Ce fût lors du cinquième soir du séjour. Nous avions loué des chambres dans un hôtel du luxe et chacune possédait sa propre salle de bains. Pourtant, la soirée c'était déroulée, une fois de plus, passé la soirée dans la chambre de Jérémie, un ami de longue date. Morts de fatigue, nous passions une partie de la nuit à boire ensemble et discuter de tout et de rien, souvent de l'avenir que nous rêvions pour chacun. Pardonnez cette longue introduction, mais pour bien comprendre mon état d'esprit lors de cette soirée, vous devez en connaître certains détails.
Continuons. Après cette belle soirée arrosée, je me suis réveillée en plein milieu de la nuit. Je m'en souviens comme si c'était hier : la lune éclairait la chambre d'une pâle lueur bleutée et les étoiles constellaient un ciel sans nuages, prometteur d'une journée ensoleillée. Je me redressais lentement, non sans peine et me frottais fortement les yeux afin d'y voir plus clair. J'ai jeté un coup d'œil autour de moi. Mes amis, encore endormis, faisaient planer, de leur souffle régulier, une atmosphère sereine. Chancelante, je traversais la chambre à tâtons, esquivant les corps de mes amis, éparses sur le sol duveteux. Arrivée dans la salle de bains, je veillais à fermer la porte avant d'éclairer la petite pièce de la lumière blanchâtre qui m'aveugla quelques secondes. Enfin habitués, mes yeux se posèrent sur le miroir qui trônait au dessus d'un grand évier en céramique. Mes traits étaient tirés et de longues cernes s'élançaient presque jusqu'à mes pommettes. J'entrepris de me passer de l'eau sur le visage, afin d'atténuer les nausées tenaces, espérant secrètement faire disparaître cet air cadavérique de mon visage. Je ne le vis qu'en relevant la tête. Il me regardait à travers le miroir, un sourire étrange étirant ses lèvres pâles. Je me retournais vivement
-Jérémie? Tu m'as fait une de ces peurs, ne recommence plus jamais ça.
J'attendis une réponse, mais seul le silence faisait légèrement siffler mes tympans.
-Qu'est-ce que tu veux, tentai-je, ce n'est pas pour me faire goûter une de tes nouvelles recettes immondes j'espère, parce que si c'est le cas, je passe mon tour.
Le silence emplit de nouveau la pièce, se faisant plus pesant. Mon ami restait immobile, son regard plongé dans le mien, sans effacer cet insupportable sourire carnassier. C'est alors qu'une idée me vint. À bien y regarder, il était étonnement pâle, presque translucide et parfaitement immobile tel une statue de cire.
-Jérémie, es-tu somnambule ?
Je n'obtins toujours aucune réponse. J'agitais alors mes deux mains devant lui, mais il ne broncha pas. Son regard azur ne vacillait pas et, dans mes souvenirs, il n'avait pas cligné des yeux une seule fois.
-Jérémie, murmurai-je, tu es bizarre, tu me fais peur.
Son sourire s'élargit alors et, sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche, ses lèvres semblèrent me dire « vraiment ? ». Coincée contre l'évier dans mon dos, je le laissais approcher, impuissante et tremblante comme une feuille. En un dernier espoir, je scrutais autour de moi, cherchant un moyen de m'échapper. C'est alors que quelque chose retint mon attention. Un minuscule détail, du genre que l'on remarque seulement lorsqu'on en prend conscience : quelque chose n'allait pas. Voyez-vous, je me souvenais parfaitement de la disposition de la pièce et, à cet instant, tout était très différent, mais pourtant horriblement similaire à mes souvenirs. Le mur à ma droite, celui qui portait le sèche-cheveux, était normalement si près de moi qu'il m'était possible de le toucher. Hors, à cet instant, alors que je tendais le bras, mes doigts agités ne rencontrèrent que le vide. Je jetais rapidement un coup d'œil, constatant avec effroi que la pièce avait été comme inversée. Sur ma gauche, le mur et le sèche-cheveux, sur ma droite, la baignoire et les toilettes. Je relevais la tête vers Jérémie, qui s'était de nouveau figé, son regard intensément fixé dans le mien, comme s'il pouvait lire dans mon esprit. Un frisson chaud parcourut tout mon corps alors que je le voyais lever un poing ferme et pâle au-dessus de sa tête. D'instinct, je pris la mienne entre mes mains, attendant de ressentir la vive douleur d'un violent coup sur le crâne. C'est alors qu'on frappa à la porte, trois coups secs.
-Sarah, t'en mets du temps, qu'est-ce que tu fais ?
La voix rassurante d'Emilie éclaircit soudainement mon esprit. Je vis Jérémie s'arrêter dans son élan et se retourner vers la porte, l'air agacé. Sans même réfléchir, je saisis cet instant d'inattention et, d'une vitesse folle, bondis en dehors de la pièce, claquant la porte derrière moi. Emilie me regardait, incrédule, alors que les larmes montaient abondement dans mes yeux clos.
-Sarah, qu'est-ce qu'il se passe ?
Son ton était inquiet et rassurant. Je tentais de lui expliquer entre deux sanglots ce qu'il venait de m'arriver.
-Jérémie ? Dit-elle, ma belle, calme-toi, tu as dû rêver, regarde, il est là.
De son doigt fin, elle désigna un duvet au sol, duquel s'échappait une tignasse rousse. De nouveau en proie à la panique, j'ouvris rapidement la porte derrière moi, découvrant la salle de bain vide. Tout était à sa place, rien n'avait changé. Alors que je tentais de me justifier, Emilie me prit par les épaules et me conduisit jusqu'à mon lit en me caressant doucement les cheveux.
-ça va aller, murmurait-elle, tu as simplement fait un mauvais rêve. Rendors-toi.
À cet instant, j'eus la conviction d'avoir, grâce à mon amie, échappé à un sort peu enviable. Des centaines de scénarios délirants défilèrent dans mon esprit cette nuit-là, alors que mon regard ne pouvait se détacher des mèches rousses en batailles enfouies sous une couverture bleue.
Maintenant encore, alors même que je vous raconte mon histoire, la sensation d'avoir échappé à la mort ne me quitte plus. Depuis cette nuit, j'ai peur de tout : le moindre mouvement dans la pénombre, le moindre bruit dans la nuit, un rien me fait frissonner d'effroi, et à raison, car, depuis cette nuit, je sens continuellement une chaude respiration dans ma nuque, aperçois parfois, du coin de l'œil, deux yeux bleus brillant dans l'obscurité, comme si cette chose n'attendait qu'une nouvelle occasion de me voler mon dernier souffle.
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Réflexions nocturnes
Short StoryIl est vrai que je dors peu. Il est aussi vrai que lorsqu'il fait nuit, passé 23h en général, je me pose des questions, comprends certaines choses ou bien me lance dans de courtes envolées lyriques. J'ai donc décidé de vous en faire part, parce que...