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— On est quel jour exactement ? demanda Cinq en prenant du pain de mie.

— Le 24.

Il revint à la table où il avait déjà posé une planche à pain.

— Quel mois ?

— Mars.

— Bien.

Il posa son regard sur moi.

— Huit. Dis-moi, tu n'aurais pas – par hasard – passé dans le passage alors que je t'avais dit de rentrer ?

Je plissai des yeux et souris innocemment.

— Moi ? Pff, je ne vois pas de quoi tu parles...

Luther coupa court à notre discussion et s'adressa à Cinq :

— Tu nous dis ce qu'il vient de se passer ?

Il ne répondit pas, préférant préparer un sandwich que répondre aux questions. Luther se leva et le surplomba de toute sa hauteur.

— Cela fait dix-sept ans, gronda-t-il.

— Dix-sept ans ? marmonnai-je.

Cinq lui fit face, pas le moins du monde impressionné.

— Bien plus longtemps que ça, le corrigea-t-il.

Il lui marcha à travers et se téléporta à l'opposé pour prendre quelque chose.

— Ça ne m'avait pas manqué, grinça Luther.

Cinq revint devant nous.

— Où étais-tu ?

— Dans le futur, répondit-il sans pression. C'est la merde au fait...

— Je le savais ! s'empressa de dire Klaus.

— J'aurais dû écouter le vieux, soupira Cinq. Voyager dans l'espace est une chose. Voyager dans le temps, c'est autre chose

— Ça c'est sûr, grimaçai-je.

Ce qui se voulait silencieux et discret ne le fut pas. Cinq me fixa l'air de dire « on va parler toi et moi ». Il détourna rapidement le regard et complimenta Klaus sur sa robe.

— Oh, merci.

Vanya prit finalement la parole :

— Comment es-tu revenu ?

— J'ai dû projeter ma conscience vers une version de moi en état quantique en suspension qui existe à tout moment dans le temps.

— C'était beaucoup plus facile de mon côté, murmurai-je.

— Ça n'a aucun sens, rétorqua Diego.

— Tu n'es pas assez malin, répondit Cinq, toujours sur son sandwich.

Luther empêcha Diego de commettre un meurtre.

— Tu es resté combien de temps ? demanda Un.

— Environ 45 ans.

Tout le monde se rassit, calme, contrairement à moi.

— Quoi ?! m'exclamai-je.

Cette fois-ci – et pour la première fois – Cinq leva la tête de son sandwich.

— Ne me dis pas que tu n'es pas restée longtemps toi aussi, dit-il.

Je fronçai des sourcils. J'étais à peine restée pendant quoi, dix minutes ?

— Eh bien figure toi que je suis restée dans une tempête pendant dix minutes avant d'atterrir ici, c'est tout.

Il prit un air interrogateur.

— C'est impossible. Tu ne peux pas avoir atterri ici directement. Et en moins de dix minutes.

Je le défiai du regard. Je ne mentais pas. Pourquoi le ferais-je ? Il n'y avait aucun intérêt. Luther, pour la seconde fois, balaya notre discussion et questionna Cinq :

— Tu es entrain de dire que tu as cinquante-huit ans ?

— Non ! Ma conscience a cinquante-huit ans, sourit-il.

Je soupirai. J'avais l'impression qu'il n'y en avait que pour lui. Comme s'il avait été le seul à voyager dans le temps. Comme si sa version était privilégiée à la mienne. Comme si en fin de compte, je n'étais jamais revenue. Il suffit de voir avec quel émotion Luther prend plaisir à me mettre de côté, aucune. Il était neutre et semblait n'en avoir rien à carrer.

Cinq termina de préparer son sandwich.

— Mais mon corps a treize ans à nouveau.

— Comment est-ce possible ? demanda Vanya, embrouillée.

— Delores disait que les équations étaient fausses. Elle doit bien rire.

Il entama son sandwich.

— Delores ?

Cinq prit le journal et apprit la nouvelle. Reginald Hargreeves était mort.

— J'ai raté les funérailles ?

— Comment tu sais ?

— Vous comprenez le sens de « futur » ? Infarctus ?

— Oui.

— Non, contra Luther.

Il haussa des sourcils, visiblement irrité.

— Je vois que rien n'a changé.

Puis il partit vers la sortie. Allison répliqua :

— C'est tout ce que tu as à dire ?

— Que dire d'autre ? C'est le cycle de la vie.

Je sortis avant lui, énervée par le rôle du fantôme que je jouais. Il avait quasiment eu le triple de questions auxquelles j'avais eu le droit. En réalité, je n'avais pas l'impression d'avoir vraiment manqué. Je m'affalai sur le canapé du salon, ni épuisée, ni même fatiguée, juste énervée. Non, déçue était plus adapté.

Des jambes que je savais être celle de Cinq apparurent devant moi. Il avait troqué ses vieux habits d'adulte contre un uniforme à sa taille de l'académie. Il me tendit un uniforme tout neuf.


/ Voilà pour le troisième chapitre ! J'espère que vous aimerez ;) /

Umbrella Academy || FiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant