9. L'apparition de nouveaux sentiments

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  Yves la regardait sans sourciller. Célia n'avait pas prévu un tel silence et commençait à regretter son aveu, surtout quand elle le vit baisser la tête ; ce n'était pas bon signe pour elle. C'est alors qu'elle crut entendre un rire. Elle fut si troublée qu'elle avança ses oreilles près de lui pour s'en assurer. « Ah-ah-ah-ah ! » hurla de rire le jeune homme.

- Ça te fait rire ? l'interrogea-t-elle.
- Oh pardon, s'interrompit-il, mais j'avais tellement besoin de rire autant ces derniers temps... Ah-ah-ah-ah-ah !
- Je ne comprends plus rien. Qu'est-ce qu'il y'a de drôle dans ce que je viens de te dire ?
- Célia, le Steve qui s'est amusé à me casser les pieds l'a fait parce que mon colocataire sort avec lui.
- Quoi ? s'étonna la jeune fille. Tu n'es pas sérieux ?
- Je ne plaisante pas ! Le jour où tu m'avais donné rendez-vous, j'avais eu une altercation avec Nathy, mon colocataire homo ; et il m'a dit que son mec « Stevy » allait se charger moi. J'ai d'abord oublié ce détail, pendant que j'étais avec toi, et puis je me suis fait agresser après t'avoir raccompagnée ce soir-là.

Célia mit sa main devant sa bouche.

- Cependant je n'y avais toujours pas pensé, ajouta Yves, même quand ceux qui l'ont fait ont dit que c'était de la part d'un certain Steve. Et puis je l'ai vu sortir de notre chambre lorsque je m'y dirigeais et quand j'y suis entré, j'ai enfin compris pourquoi il y'avait du désordre sur mon lit car cette fois, c'était sur celui de Nathy. Tu sais ce que ça signifie ?
- Beuuuurk ! s'écria Célia en se fermant les yeux. J'ai déjà l'image en tête maintenant !
- Ah-ah-ah ! ricana-t-il. Je doute que ça soit lui ton ex. D'ailleurs, il est d'ici en troisième année je crois.
- Ah bon ?

Elle se cacha le visage avant de commencer à rire elle aussi.

- Je comprends ton rire maintenant ; dit-elle, plus honteuse qu'elle ne l'était au début. Quand je pense que je culpabilisais et que je me suis éloignée de toi pour rien !
- Oui, l'approuva-t-il, j'imagine à quel point tu te sens ridicule maintenant !
- Arrête de te moquer !

Elle le tapa sur l'épaule pendant qu'ils riaient tous les deux mais juste après ce geste, ils devinrent sérieux et se fixèrent un long moment. « Tu sais Célia, j'aimerais beaucoup qu'on se revoie à nouveau. » Célia baissa les yeux.

- Je n'aurais pas dû le dire ? renchérit-il.
- Non Yves, répondit-elle, moi aussi j'aimerais qu'on se revoie. J'ai juste un peu honte de mon attitude de ces derniers temps parce que tu es si gentil, intelligent, sage...

Il prit un air accablé quand elle le dit. Encore quelqu'un qui serait déçu par lui en découvrant pour Corinne.

- Beau..., poursuivait-elle avant de s'interrompre.
- Pardon ? s'étonna-t-il, avant de progressivement sourire à nouveau.
- Euh, j'ai dit beau ? fit-elle avec nervosité. Beau... Il y'a beaucoup de qualités qui sommeillent en toi !
- Oui oui, j'avais compris.
- Faut vraiment que j'arrête de parler sans réfléchir moi, chuchota-t-elle comme à elle-même.

Yves trouvait de plus en plus d'attraits à Célia de par sa manière d'être.

- Et toi, voulut-elle savoir, qu'est-ce qui te plait en moi ?
- Tu..., commençait-il. Tu es... Mignonne !
- Mignonne ? répéta-t-elle, un peu déçue.
- Oui,... Mais ne crois pas que je te voie comme une petite sœur, non non non ; je dis mignonne car juste par ta façon d'être tu me fais sourire, tu me détends,... Tu me donnes envie d'en savoir un peu plus sur toi ! J'aime... J'aime bien être avec toi Célia.

Cette fois, elle souriait, surtout en voyant la gêne soudaine de son interlocuteur.

- Je crois qu'il sera bientôt dix-huit heures, dit-elle en regardant le ciel. Je dois rentrer chez moi.
- Je te raccompagne ? proposa le jeune homme.
- Non, pas cette fois ; il ne fait pas encore sombre et tu dois te reposer pour demain !
- Ah c'est vrai, le match. Viendras-tu me voir ?
- Hmmmm..., faisait-elle semblant de réfléchir, je pense que oui !

Yves sourit. Elle se leva et il l'imita. « À demain ! », dit-elle en s'avançant pour lui donner un baiser sur la joue. Après cela, elle s'éloigna en ayant les lèvres étirées et il lui fit un « Au revoir » de la main. Un nouveau sentiment s'installait dans le cœur d'Yves, autre que celui qu'il avait pour Corinne. Pour elle, il n'y avait eu que de la passion et ce, même lorsqu'il ne savait encore rien d'elle ; pour Célia par contre, il n'avait éprouvé que de la sympathie au départ et au fur et à mesure qu'il passait du temps avec elle, cette sympathie se changeait en quelque chose de différent.

  L'heure du match était arrivée. Tous les joueurs se préparaient à entrer sur le terrain. L'équipe d'Yves avait pour tenue des maillots et des shorts de couleur verte tandis que ceux de leurs adversaires étaient bleus. Il était ravi, et pas uniquement parce qu'il allait jouer son premier match devant un public... Quelques minutes plus tard, le jeu débuta. Les jeunes sportifs semblaient récolter les fruits de leur entraînement car leur niveau surpassait légèrement celui de leurs concurrents, même si ces derniers se donnaient quelque peu. C'était très captivant à regarder et le public, rempli spécialement d'étudiants, faisait un bruit incroyable. Quoi de mieux pour encourager les joueurs ? Toutefois, Yves avait une autre source de détermination : l'envie de ne pas décevoir Célia. De temps en temps, il jettait des coups d'œil vers l'endroit où elle se trouvait, dans sa blouse rose et son jean noir. Elle était debout, son amie Solange assise à côté d'elle, et guettait chacun des mouvements des joueurs de son université, surtout ceux d'Yves. Ça se voyait qu'elle lui plaisait. Ça se voyait qu'il lui plaisait. Ils étaient tellement beaux à voir, jeunes et presqu'inconscients de ce qui leur arrivait à cet instant précis.

Dix-sept heures quarante-cinq, le match était terminé et c'était l'équipe d'Yves qui avait remporté la victoire. Tous criaient dans les vestiaires en félicitant par la même occasion leur capitaine, Gabriel.

- Beau boulot capitaine, lui dit Yves en lui donnant deux tapes sur l'épaule.
- Merci Yves, répondit Gabriel. Et quel effet ça te fait d'avoir participé à cette première victoire pour toi, puisque tu n'étais pas là il y'a deux semaines lors du premier match ?
- Ça fait du bien mec, du bien ! s'écria-t-il. Un bien fou j'te dis !

Ils continuèrent à jubiler.

- En fait Yves, reprit Gabriel, l'équipe et moi comptons fêter cette deuxième victoire. Ça te dirait aussi de venir ?
- Quand tu dis l'équipe, répondit Yves, tu dois bien te douter que moi aussi je serai de la partie ! Et, on peut inviter des gens également ?
- Tu ne penserais pas par hasard à Célia toi ? le taquina-t-il. Je vous ai vus vous regarder pendant le match ; je commençais même à craindre que tu ne nous fasses perdre !
- Tu as raison Gabriel, fit-il avec un soupçon pudeur, c'est à elle que je pensais.
- Malheureusement pour toi, elle est repartie chez elle.
- Repartie ?
- Oui. Elle m'a d'ailleurs demandé de te faire passer le message. Sa sœur est souffrante et elle devait veiller sur elle.

Yves eut l'air un peu triste.

- Elle est vraiment désolée, continua le capitaine de l'équipe, son frère avait aussi une occupation et il fallait à tout prix que quelqu'un reste avec la plus jeune.
- Non, je comprends ; dit Yves en essayant de faire comme si tout allait pour le mieux.

La déception se lisait pourtant facilement sur son visage. Il aurait tant voulu la voir après le match, partager sa joie avec elle, et ce n'était qu'à ce moment-là qu'il s'en rendit compte : il était en train de tomber amoureux de Célia.

L'année de mes dix-huit ans : tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant