"Je tombe le masque..."

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Je... je ne sais pas comment cela a pu se produire... mais ça s'est produit... Je... J'ai perdu... tout perdu... Je n'ai plus ma place en ce monde... Je ne vaux plus rien... Je ne valais déjà plus rien... Ma vie... mon âme... mon cœur... mon corps... sont si las sans lui... sans toi... Pardonne-moi... pardonne-moi... J... John... je t'... Non. Je ne m'aime plus.

Un silence.

Un silence précédant le sang et les sanglots. Longs, lascifs, monocordes. Un silence ayant pour compagnie intime l'estafilade au creux d'une peau de plus en plus en lambeaux. Un mal qui aiguisait sa fine lame, à la fois tranchante et accablante de superficialité, autour d'une poitrine aux mouvements dolents. Un mal qui le heurtait aux confins de l'irréel, éperdu entre l'imaginaire empirique et la vraie vie fictive. Ce mal s'était finalement épris des larmes fugitives, des assauts clandestins, sillonnant à quai le feu et l'acier, fendant les flots de l'amour et de la mort sempiternelle.

Une rose. C'était tout ce qu'il restait au beau milieu de cette baignoire autrefois accompagnée d'un couple partageant monts et merveilles. Une rose : celle que son amant lui avait offerte lors de la Saint-Valentin, et dont il avait réprouvé l'attention en prétextant que le charmant docteur se comportait bien trop en éternel sentimental. Une véritable fleur bleue, qui s'encombrait de bagatelles. Une rose à laquelle chaque pétale ensanglanté, nageant dans de l'eau impure, représentait toutes les infimes parcelles de son cœur flétri par l'absence, l'abstinence et la nuisance. Rien qu'une rose. Une misérable rose fanée. Des épines qui le cisaillaient jusqu'au plus profond de ses entrailles, des tiges qui étouffaient sa gorge — il en vomissait —, des poumons assaillis par un bourgeon à peine éclos.

Malade.

Il devait se l'avouer avant d'oublier à tout jamais : il n'était qu'un monstre. Un monstre, dont une myriade de scarifications ornait son bras droit devenu chétif, exsangue — certaines cicatrices blanchâtres semblaient plus anciennes que d'autres, signe que ce n'était pas la première fois —, dont des traces de piqûre de la couleur du ciel, de la couleur de ses yeux, trônaient çà et là sur un bras gauche osseux, blafard, amaigri. L'entièreté de sa silhouette se dépeignait comme squelettique, à la limite de l'anorexie. Sauf que cette limite, il l'avait déjà franchie depuis bien longtemps...

Le Monstre de Baker Street. Je suis le Monstre de Baker Street.

Voilà ce qu'il pensait au fond de lui. Voilà ce que spéculait le grand Sherlock Holmes in petto. Bien plus qu'une épave enfermée au sein d'une décharge, il s'engouffrait, telle une loque, dans les tréfonds d'une bribe de débris qui faisait office d'appartement vétuste. Il était le prisonnier de sa propre chair ; captif à l'intérieur de lui-même. Substance fomentée et arme du crime argentée ; toutes deux noyées dans l'antre de ses veines.

Mais comment en était-il arrivé là ?

Je voulais que tout soit parfait..., admit le brun en son for intérieur, noyé parmi la souvenance d'une mer calme et d'un écho s'échouant, en un fracas incommensurable, sur un rocher. J'ai échoué...

Quelques résurgences de chapitres mises de côté filèrent à toute allure au sein de son palais mental. Des fragments du passé remontèrent à la surface en une cascade chimérique.

"Sale psychopathe !"
"Anorexique !"
"Il est fêlé, ma parole !"
"Va te faire foutre !"
"Espèce de connard !"
"Je préférerais que tu sois mort !"
"Va crever !"
"Pourris en Enfer !"
"Suicide-toi, ça arrangera tout le monde, pour une fois !"

"Je ne m'aime plus..." [Johnlock]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant