La découverte

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Un baiser, un seul avait suffi pour que la jalousie, telle un insecte rampant, s'insinue au plus profond d'elle-même quand elle les avait surpris, Térésa et lui, enlacés près du château d'eau. Elle revoyait encore leurs regards. Celui de Térésa, jubilatoire et provoquant tandis que les yeux d'Yvan semblaient dire « D'accord, je suis fautif, mais comprends moi...»

Etait-ce un acte de lâcheté que de pardonner ? Le refus de lutter, de combattre celui qui aurait osé défier l'autre ? Perrine le pensait. Peut-être seulement parce qu'elle était incapable de se battre contre lui. A l'inverse, pardonner à Térésa lui parut au-dessus de ses forces. Le courage ne lui aurait pas fait défaut si la raison ne lui avait interdit de l'étrangler. De toute évidence, Térésa ne lui avait pas demandé ce sacrifice, trop heureuse de la coiffer au poteau. Il fallait pourtant bien s'y attendre, à force de patience, le beau mâle avait fini par s'épuiser, profitant ainsi des bras qui s'offraient à lui. Perrine le savait bien et ne le blâmait pas. Si elle n'avait pas chaussé ces chaussures de plomb dès sa naissance, elle ne serait pas restée plantée sur place, dans l'incapacité de faire un pas vers lui, toutes ces fois où elle avait eu la possibilité.

La sonnerie indiquant la récréation la sortit de ses pensées moroses, mais pas de la triste réalité. Térésa en se levant de sa chaise, la bouscula au passage. Perrine pensa aussitôt qu'elle allait rejoindre Yvan mais ne fit rien pour relever la provocation. Pourquoi Térésa la lui infligeait-elle, d'ailleurs ? C'était elle qui avait gagné. Celle-ci aurait plutôt dû l'ignorer et sortir en bombant le torse ! Mais Perrine n'avait plus la force de se battre. Démoralisée, un livre en main, elle et se dirigea vers la sortie. L'herbe sèche d'un coin isolé de la cour l'accueillit. Enfin la quiétude d'un agréable moment de lecture, pensa-t-elle. Pourtant la concentration lui fit défaut quand une tribu de garçons, n'étant autres que ses amis, se jeta sur elle pour la chatouiller outrageusement. Elle fit mine de se défendre à coups de livre et la joie l'emporta rapidement sur sa relative déprime. D'autant qu'Yvan, constatait-t-elle, ne se trouvait pas avec Térésa, mais bien là, avec leurs amis communs et heureux d'y être apparemment.

Pris dans leur jeu, la pente les emporta à son gré sans qu'ils aient le temps de l'éviter. Puis, avalés par la vitesse de leurs corps roulant les uns sur et contre les autres, ce fut couverts d'herbe sèche de la tête aux pieds, qu'ils arrivèrent en contre-bas, riant aux larmes. Si la joie avait dû ressembler à un moment, c'eut été celui-là que Perrine aurait choisi.

Quand la sonnerie indiquant la reprise des cours retentit, le bonheur qui les avait unis ne s'essouffla pas. Ils étaient si heureux ensemble ! Leurs yeux en coin, pouffant de rire, se bousculant gentiment, ils retournèrent en direction des salles de classe. Et c'est à cet instant que la magie opéra. Perrine et Yvan se retrouvèrent face à face. Leurs regards se fuyaient puis s'accrochaient de nouveau, irrésistiblement attirés.

Pourtant cette fois, c'était lui qui paraissait le plus troublé. Que lui arrivait-il donc ? Perrine lui plaisait, c'était un fait, mais qu'est-ce qui provoquait l'agitation, le désordre ou même la confusion dans son esprit d'ordinaire si clair ? Son sourire peut-être, ou la façon qu'elle avait de le regarder ? Pour échapper à son emprise et ainsi briser le charme qui l'aveuglait et le dérangeait. Il passa négligemment sa main dans les cheveux de la jeune fille pour en ôter les fragments de paille. Ce geste fit défaillir Perrine mais il ne s'en aperçut pas.

- Tu devrais peut-être aller voir aux lavabos, pour les nettoyer un peu, lui suggéra-t-il en constatant son impuissance à l'aider.

- Ça ne sera pas nécessaire, conclut-elle.

S'éloigner de lui à cet instant lui paraissait inconcevable. Elle saisit alors à pleine main l'épaisse natte qui enfermait quotidiennement ses longs cheveux bruns, et libéra son opulente chevelure. Quand elle releva la tête, après l'avoir secouée pour en évacuer les brindilles, une crinière de boucles brunes vint parer son visage d'une incroyable sensualité. Les quatre garçons en restèrent bouche bée. Yvan pensa qu'il deviendrait fou s'il ne parvenait pas à la séduire. Le souvenir de ses échecs à répétition lui revint alors en mémoire. Si sa façon de faire ne fonctionnait pas avec elle, il allait devoir en trouver une autre. Pourtant s'il ne se retenait pas, il l'embrasserait là, tout de suite. Il n'osa pas cependant, devinant qu'elle prendrait cela pour une agression. Mais pourquoi ne se rendait-elle pas compte qu'il la dévorait des yeux ?

Un amour à abattreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant