La séduction

3 0 0
                                    


Personne n'attendait Perrine ce matin-là. Enfin, c'est ce qu'elle crut en entrant dans la maison apparemment vide. Soulagée de constater que son mensonge avait fonctionné, elle commençait l'ascension de l'escalier quand Gérôme se posta sur le palier du premier étage. A l'étrange façon qu'il eut de la regarder, elle pensa qu'il ne la laisserait pas rejoindre sa chambre sans une petite explication. Bizarrement, il la laissa passer avec un simple « bonjour Perrine. » Tandis que son visage s'éclairait d'un sourire qui lui sembla complice. Sur le moment, elle continua son chemin en le saluant en retour mais se retourna au bout de quelques pas. Il était toujours là et la regardait. Marquant un petit temps de pause et sans cacher son étonnement, elle répondit à son sourire par le même, et ouvrit la porte qui donnait dans sa chambre.

Les volets étaient clos. De toute évidence, sa mère les avait fermés la veille au soir. Elle décida de ne pas les ouvrir et s'allongea sur son lit. Que pouvait bien penser son frère ? Ce comportement énigmatique n'avait rien de rassurant et pourtant, rien ne laissait croire qu'il ait deviné quoi que ce fût. Elle regretta tout à coup le temps pas si lointain, où elle pouvait encore se jeter dans ses bras sans réfléchir et nicher son visage au creux de son cou. Pourquoi avait-il subitement mis cette distance entre eux ? Et ce sourire...cherchait-il à recoller ce qu'il avait brisé ? A cette idée, elle se leva brusquement et courut vers la porte. Si Gérôme voulait retrouver leur complicité perdue, elle n'allait pas laisser passer cette chance !

Le couloir était vide quand elle glissa la tête dans l'entrebâillement de la porte. Déçue, elle ne prit pas la peine de refermer derrière elle et retourna s'allonger. Elle ne s'endormit pas, il était encore très tôt et elle avait bien dormi dans le lit d'Yvan. Alors ce souvenir prit le pas sur tout le reste et éveilla en elle de nouveaux doutes.

Avait-elle bien fait de résister ? Maintenant elle souffrait du manque, de la frustration. Le regard d'Yvan au moment où elle allait sortir, la rassurait pourtant. Evidemment qu'elle avait eu raison, lui aussi connaîtrait ce tourment. Et peut-être même que comme elle, il le découvrait pour la première fois.

***

Quelques jours plus tard, Perrine accompagnée de son quatuor de garçons, effectuait ses deux heures de retenue. Une dizaine d'élèves de toutes classes se retrouvèrent dans la grande salle d'étude sous la coupe d'un surveillant, qu'ils jugeaient plutôt indulgent. Cette situation, contrairement au but recherché par les professeurs, ne les gênait absolument pas. Ils étaient d'humeur joviale, ce jour-là. Le temps radieux de cette fin juin y était peut-être pour quelque chose. A la pause, ils choisirent d'ailleurs d'aller profiter du soleil. Il faisait très chaud. Ils durent se dévêtir un peu. Moulés sous le lycra de son top à bretelles, les seins de Perrine allumèrent alors les regards des garçons qui restèrent ébahis. Feignant de n'avoir rien remarqué, la jeune fille n'en rajouta pas. Elle savourait avec délice, le pouvoir que lui offrait son tout nouveau corps de femme. Les garçons n'avaient pas l'air de s'en rendre compte, pensait-elle, mais en réalité, ils étaient ses jouets. Elle trouva pourtant le jeu déroutant quand Yvan, après que l'effet de surprise fut passé, se désintéressa totalement d'elle. Gérer la multitude de sentiments et d'interrogations contradictoires qui envahissaient le cerveau du jeune homme, était bien difficile. La question étant surtout « Fait-elle ça en toute conscience, et si c'est le cas, dans quel but ? » Ou bien « est-elle tellement naïve qu'elle ne mesure pas la portée de ses actes ? » ou encore « suis-je simplement jaloux ? » La jalousie, voilà un état affectif, qu'il ne connaissait pas avant. Voir tous ces yeux rivés sur le tee-shirt de Perrine lui avait fait l'effet d'un poignard. Il était maintenant fou de rage. Ses amis avaient la chance d'avoir toute sa confiance, si non, il leur aurait volontiers arraché leurs yeux trop perçants.

Un amour à abattreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant