Les limites

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La lourde porte en chêne s'ouvrit sur Anne Gauthier. Deux flèches sorties de ses orbites écarquillées transpercèrent aussitôt Perrine. Celle-ci résista néanmoins et monta à l'assaut. Elle s'était promis d'être forte. Il était temps qu'elle fît ses preuves.

Son plus joli sourire accroché aux lèvres, elle la salua poliment et enchaîna très vite sur la raison de sa présence.

Imperturbable, la grande femme au regard dur l'encouragea à partir.

- Yvan ne sortira pas finalement, il a trop de travail, lui dit-elle avant de refermer sur elle le double battant.

Encaisser les coups, encore... Mais celui-ci n'était rien comparé à ce qu'elle avait déjà subi. C'était ce qu'elle aurait aimé pouvoir se dire, sans y parvenir. Ses ongles rentrés dans sa peau trahissaient sa colère. La brûlure sur ses joues, l'humiliation. Et lui qui n'avait même pas le courage de lui dire en face qu'il ne voulait pas la voir !

- Allez au diable! Hurla-t-elle en faisant demi-tour.

Quelques pas sur le gravier de l'allée, le portail qui grinça, un regard en arrière... L'envie était trop forte. Et si elle l'enfonçait encore une fois, ce bouton de sonnette ? Qu'est-ce qu'elle risquait après tout ? Qu'on lui refermât à nouveau la porte au nez ? La belle affaire. Elle n'était plus à ça près !

- Perrine, attends ! lui cria Yvan d'une fenêtre du premier étage.

Que lui voulait-il ? S'excuser encore....il ne s'en tirerait pas à si bon compte, cette fois ci !

Quelques cris résonnèrent en provenance de la villa, la porte d'entrée claqua violemment. Yvan accourut, elle le trouva beau avec ses cheveux au vent. Elle l'imagina au ralenti, comme dans ces films où les amoureux se jettent dans les bras l'un de l'autre. Yvan aussi en avait rêvé, apparemment. N'avait-il pas fait cette remarque un jour qu'ils étaient au cinéma, devant une scène du même genre ? Elle dut pourtant très vite revenir à la réalité, car il était déjà là. Sa poitrine se soulevait, le souffle court. Pourquoi avoir couru si vite ? Se dit-elle. Elle n'allait pas s'enfuir !

- Je ne savais pas que tu étais arrivée, Perrine. Ma mère t'a sûrement raconté n'importe quoi, pourquoi es-tu partie ?

Il ne semblait pas mentir, sinon pourquoi serait-il sorti si vite pour la retrouver ? Face à ce constat, comment aurait-elle pu ne pas l'aimer ?

Elle lui sourit et dit que c'était sans importance.

Soulagé et heureux, Yvan lui rendit son sourire tout en passant un bras autour de ses épaules.

- On y va ? dit-il. Christophe nous attend pour le film.

Ce geste la combla de bonheur. Mais pourquoi ne l'avait-il pas embrassée, même sur la joue, pour lui dire bonjour ?

Elle ne lui demanda pas et enchaîna.

- Qu'est-ce que c'est comme genre de film ?

- Le genre qui te plaira, j'en suis sûr.

- Alors dépêchons nous, il gèle!

Il lâcha ses épaules pour la prendre par la main.

- On y va en courant si tu veux, ça nous réchauffera.

Perrine acquiesça. Ils partirent aussitôt dans une course folle à travers les rues de la ville. Le cœur battant, joyeux comme jamais ils ne l'avaient été ensemble, ils se plantèrent devant la maison de Christophe. Hors d'haleine l'un comme l'autre, ils reprenaient leur souffle, mains sur les genoux en se dévisageant. Quand ils furent en mesure de se parler à nouveau, ils ne trouvèrent rien à se dire. Leurs sourires en disaient bien plus long, leurs regards encore davantage. Doucement, il posa une main sur son épaule et effleura ses lèvres d'un léger baiser. Elle apprécia sa délicatesse. La main du garçon glissa dans ses cheveux avec volupté tandis qu'entre ses doigts il déroulait ses boucles brunes.

Un amour à abattreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant