La famille

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Alors que sa fille passait des vacances plutôt agréables chez des amis de la famille en Normandie, à trois cents kilomètres de là, Sofia, assise dans l'ombre d'un vieux platane à la terrasse d'un café de banlieue, attendait un homme. Elle avait pris quelques jours de vacances et voulait en profiter pour régler une affaire qui lui causait bien du tracas, depuis quelques temps. Michel ne devait pas être mis au courant car elle savait qu'il ne la prendrait pas au sérieux, et elle détestait cela.

Enfin l'homme fut là. Il avait vieilli mais elle le reconnut tout de suite. Certainement grâce au sourire qu'il lui adressa en la découvrant toujours aussi belle. Elle rougit quand il lui en fit le compliment.

- Je te croyais en Ardèche, dit-il. Tes parents ne sont pas partis vivre là-bas ?

- Nous y avons vécu, en effet, mais je suis revenue ici juste après leur mort.

- Pardon, j'ignorais...

Elle lui sourit et posa sa main sur la sienne.

- Tu ne pouvais pas savoir. Et puis, ça fait si longtemps...

- Tu veux dire que tu es revenue peu de temps après être partie ?

- Un an, deux mois et quatre jours exactement.

Il était décontenancé. Sa bouche restait ouverte et un million de questions lui venaient à l'esprit, sans qu'il fût capable d'en poser une.

Elle l'apaisa d'un sourire avant de poursuivre.

- Un accident de voiture...c'est comme ça. Mais je ne t'ai pas fait venir ici pour parler du passé, mais plutôt de l'avenir.

- Attends un peu, comment savait-tu que je vivais là ? La dernière fois que j'ai eu de tes nouvelles j'étais aux Etats Unis !

- Oui, et tu allais te marier ! Je ne l'ai pas oublié, figure toi.

Il baissa les yeux, confus.

- C'est vrai, je te demande pardon, mais tu sais comme moi que je n'avais pas le choix.

Elle se radoucit et chercha dans son sac un pendentif en turquoise et argent qu'elle posa sur la table.

- Je voulais te le rendre, dit-elle.

Le regard de l'homme s'assombrit tout à coup, tandis que paradoxalement l'éclat de ses yeux s'intensifia.

- Pourquoi fais-tu cela ? Tu as décidé de tirer un trait sur ton passé, c'est ça ? Visiblement irrité, il ôta de la poche intérieure de son veston un cigare, et l'alluma tout en la regardant dans les yeux. Tu ne sais donc pas que l'on ne rend jamais un cadeau ?

- Mes enfants grandissent, je ne voudrais pas qu'ils me posent des questions sur l'origine de ce bijou. Et puis...Michel ignore que je l'ai gardé.

- Ça fait vingt ans, Sofia. Tu ne crois qu'il y ait prescription ?

Le regard clair de Sofia se figea avant de se poser dans un geste instinctif, sur ses ongles toujours impeccables.

- J'ai peur, dit-elle dans un souffle et sans relever la tête.

Il comprit sa détresse, et même s'il en ignorait toujours la raison, s'en soucia.

- Regarde-moi Sofia. Il lui releva le menton d'un doigt. Je crois bien qu'il va falloir tout me dire si tu veux que j'y comprenne quelque chose.

La gorge nouée, Sofia ravala sa salive puis hocha la tête comme une enfant résignée à obéir. Après tout, c'était pour cette raison qu'elle l'avait invité à venir la rejoindre ici. Pourquoi, dans ce cas, était-elle si troublée ?

Un amour à abattreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant