Déloyale(s)

17 - That's the way it is

Vendredi, un mois plus tard, 21h17. Je rentre de l'Ebony avec Alex parce que cette conne a oublié son portefeuille chez moi. Je suis déjà un peu éméchée, malgré l'heure peu avancée. De toute façon, je vis à moitié bourrée depuis le mariage et je me demande comment je fais pour toujours avoir un taff.

J'ouvre la porte de mon appartement, Alex sur les talons. J'entre, m'enfonce dans le couloir et allume la lumière du salon quand un énorme « SURPRIIIIIISE » me fait sursauter et lâcher mes clefs des mains. Cette fois, c'est vraiment mon anniversaire. Je vois les visages d'un tas d'amis et de connaissances. Entre les deux colonnes en brique, une bannière « happy birthday » a été accrochée. Sur les ballons, le chiffre « 25 » est écrit en grosses lettres argentées. 25 ans. Je serre Alex dans mes bras en la remerciant, pensant qu'elle est l'auteure de cette surprise.

– Non non, c'est encore Liam qui a eu l'idée.

Je tourne la tête vers a table au fond du salon. Devant elle, Liam, l'air extatique que je lui connais si bien. Et Emma, en retrait, les yeux baissés, si proche de l'endroit exact où je l'ai prise pour la première fois. Je m'approche de lui en m'efforçant d'avoir l'air naturel. Blablabla, merci beaucoup, blablabla, alors la lune de miel, blablabla. J'enchaîne les verres, les clopes, j'évite Emma, sa présence, son regard. Jusqu'à ce que ça devienne insupportable au point qu'il me faille prendre l'air dans la salle de bains. La minuscule fenêtre grande ouverte, j'essaie de calmer ma respiration et les battements de mon cœur. Je suis quasiment sur le point de vomir quand j'entends la porte s'ouvrir. Merde, j'ai pas fermé à clef. La porte se referme et je vois Emma y appuyer son dos. Je la regarde, interloquée.

– Qu'est-ce que...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase qu'elle s'est élancée vers moi et m'embrasse à pleine bouche, comme si elle avait attendu ce moment pendant cinquante ans. Si je suis d'abord surprise, je ne peux pas m'empêcher de l'entourer de mes bras et de lui rendre son baiser, si agréable et intense. J'ai l'impression que toute la souffrance et la torture s'effacent d'un seul coup, tout me semble simple et léger. Je frissonne quand elle passe sa main sur mon corps, et encore plus quand elle défait ma ceinture pour glisser ses doigts fins dans mon slim noir. Je réalise vraiment à quel point elle m'a manqué, à quel point retrouver la douceur de son corps, l'ambre de son odeur, me fait du bien. D'un geste familier, je soulève sa petite robe d'été fleurie. Nos corps commencent à s'échauffer de plus en plus. De petits bruits de plaisir émanent d'elle, de moi. Nous souffles s'intensifient. Je perds un peu la tête, droguée par son odeur et sa chaleur. En quelques minutes à peine, j'oublie presque tout des raisons qui nous ont poussées à arrêter de nous voir.

Tout semble se recoller, être normal de nouveau. Je me sens entière. Mais au moment même où je réalise que la porte n'est pas fermée à clef, je la vois s'ouvrir et claquer contre le mur.

– Putain merde

Je sors ma main de la culotte d'Emma et la pousse pour la dégager de moi. Elle me regarde franchement surprise. Mais moi, j'ai les yeux fixés sur Liam, livide, complètement immobile sur le pas de la porte. Emma se tourne et met une main devant sa bouche, sous le choc elle aussi. La scène est totalement figée, je ne sais pas combien de temps dure ce moment, probablement le plus horrible de ma vie. Et puis, sans rien dire, Liam quitte le pas de la porte pour aller vers le salon. Aussi affolées l'une que l'autre, Emma et moi courons derrière lui pour le voir traverser la pièce et réunir ses affaires. Les invités ont vite compris que quelque chose se passait puisque les cris de joie et les discussions enflammées avaient laissé place à des chuchotements intrigués. Liam, veste et sac à la main, revient vers nous comme une flèche, prêt à sortir de l'appartement. Mais je l'empêche de passer en me mettant devant lui. Je n'ose pas lui dire quoique ce soit. Je vois que ma présence lui est désormais insupportable. Il lève les yeux vers moi. Il est méconnaissable. Il ressemble à un démon de la colère, le regard assassin, le visage rougi par la haine, les veines du front saillantes.