Déloyale(s)

05 - Don't mess with me

Mercredi, 6h27. Je quitte discrètement le lit de l'hôtesse, enfile mes fringues, mes chaussures, et me barre de son appartement sans rien lui laisser d'autre qu'un souvenir. Je me sens moi-même quand je ferme la porte de son immeuble derrière moi. Je me souviens lui avoir mis bien cher pour me décharger de mes problèmes à la con. Voilà ce qu'il me fallait. Qui a besoin de thérapie, sérieusement ? Je repasse chez moi pour me doucher, me changer, et je pars pour le taff la gueule dans le cul mais l'esprit vachement plus serein. Même si je sais que ça ne va probablement pas durer, avec l'autre face de pet qui me sert de boss. J'arrive au bureau à huit heures tapantes. J'évite de réagir aux conversations sexistes et homophobes de deux de mes confrères masculins à la machine à café, mais je fantasme à l'idée de leur éclater la tête contre un mur. Début de matinée classique en somme. Je m'assois à mon bureau, m'enfonce dans mon dossier et savoure mon café.

- Grey ! Réunion !

Merde, j'avais zappé. Je fais un cul sec de café et attrape les premiers dossiers qui me passent sous la main avant de rentrer dans la salle de conférence. Maddie est déjà là, assise en retrait. Elle me fait signe de la main, et me regarde avec son air de débile. Je l'ignore et choisis une chaise dos à elle, au milieu de l'immense table. La salle se remplit, mais je ne vois pas mon boss arriver. A sa place, s'assoit un type en trois pièces Armani, jeune, plutôt beau gosse. Sa tête me dit quelque chose.

- Bien, maintenant que tout le monde est là, je peux vous annoncer que nous avons viré Mr. West du projet d'agrandissement du campus.

Je m'avance sur ma chaise. Ok, cette réunion commence super bien. Ça veut dire que mon boss n'est plus mon boss. Le mec se présente comme étant Adam Lewis Junior et je comprends direct pourquoi sa tête me dit quelque chose. C'est le fils d'un des partenaires du cabinet – Scott & Lewis – et sa photo est affichée dans le couloir principal.

- Je veux qu'on reparte de zéro sur ce projet, en choisissant notamment son nouveau chef.

Tout le monde se regarde, un peu excité par cette nouvelle.

- Ceux qui sont intéressés par cette promotion ont un mois pour présenter un projet pour l'agrandissement, et nous choisirons celui que nous estimerons être le plus abouti.

YES.

- Attention cependant, à ceux qui penseraient soumettre leur candidature, sachez que votre professionnalisme et votre... investissement personnel, seront aussi jugés.

Il tourne la tête vers moi et m'adresse un regard indéchiffrable. Je hausse un sourcil.

- Je vais donc demander aux intéressés de lever la main et de se présenter.

J'ai un peu envie de rire, on se croirait en classe putain. Évidemment les deux tronches de cake sexistes sont candidats. Tant pis, ça me fera d'autant plus kiffer de leur piquer cette promotion. Je vois que Liz Clare est en train de se présenter à son tour. C'est une carriériste notoire, et, je pense, ma seule vraie menace. Je prends une profonde inspiration et lève la main. Les regards se tournent vers moi – j'adore.

- Jill Grey.

Adam Lewis note mon nom sur sa petite feuille et me jette à nouveau son regard bizarre. Flippant.

Samedi, 14h15. Trois jours que je n'ai pensé à quasiment rien d'autre que mon boulot. Je n'ai même pas eu le temps d'aller attraper une nana hier soir, et j'ai passé la nuit allongée sur mon lit à fumer des clopes en regardant des séries à la con. J'ai même complètement ignoré les sms d'Alex qui me suppliait de la rejoindre à l'Ebony. Du coup, me voilà devant chez elle, avec une bouteille de vodka à la main pour me faire pardonner – pour hier et pour la semaine bizarre que je lui ai fait passer. Je frappe à peine et entre, me débarrassant de mes chaussures dans le couloir. Je passe la porte du salon et je vois Alex, assise sur le canapé juste en face. Elle a un regard super bizarre et je réalise qu'elle n'est pas seule. La personne dans la chaise de bureau se lève et se retourne vers moi. Putain de merde. La bouteille de vodka m'échappe et tombe dans un bruit sourd, sans se casser.