Aurora, la planète aux fleurs, tu mérites ton surnom, pensa Flore, debout sur la terrasse des jardins privés du palais.
L'air de cette douce matinée printanière dispersait les parfums des plates-bandes colorées, dont les fragrances se renforçaient sous la caresse du soleil rose nacré. Les yeux clos, elle tenta de les reconnaître. Elle aimait ce jeu de senteurs, même si elle en identifiait peu parmi la multitude de plantes qui enjolivaient son monde toute l'année.
Avec un soupir, elle abandonna et rejoignit ses parents installés devant le petit déjeuner, à l'ombre d'un plumeris. Les longs filaments orangés, qui parsemaient le feuillage de l'arbre, dansaient au gré de la brise. Une chorégraphie si envoûtante, que la princesse s'en détacha difficilement pour s'asseoir à la grande table en pierre recouverte d'une nappe.
Alors qu'elle se servait en fruits et galettes sucrées, elle réprima un bâillement avec discrétion. Du moins, elle l'avait espéré, mais le regard de sa mère, Katja, lui prouva son échec. Son expression parlait pour elle : « Comporte-toi bien en toute circonstance ! »
Flore ignora le reproche et se réfugia derrière ses paupières. Cet après-midi, elle abordait un examen : celui de la maîtrise, qui l'autoriserait enfin à enseigner l'utilisation des pouvoirs psychiques. Ce point ultime de sa formation était si essentiel que le sommeil l'avait fuie la nuit passée.
Sentant son esprit l'emporter vers ses cours, la princesse s'obligea à fixer ses parents afin d'échapper à une nième répétition. À leur vue, son pouls s'emballa dans une course effrénée, tandis qu'elle étouffait un cri en se mordant l'intérieur de la joue. Mais le sang dans sa bouche, au goût ferreux écœurant, n'était rien à côté des traînées rougeâtres sur les longs cheveux blancs et lisses de sa mère.
Qui flétrissaient le visage aux traits tendus par la souffrance, qui se répandaient sur la robe déchirée à divers endroits, qui ternissaient l'éclat du large bracelet à chaque bras.
Une main crispée sur son cœur si douloureux, Flore ferma les yeux pour échapper à la vision d'horreur et resta ainsi. Tremblante d'effroi à l'idée de revoir Katja blessée, incapable de lui porter secours. Incapable de réfléchir. Jusqu'au moment où un rire incongru résonna à ses oreilles : celui de son père. Elle souleva ses paupières avec hésitation.
Et se pétrifia, abasourdie.
Ses parents discutaient entre eux gaiement. Le reflet mauve de la chevelure tressée et des iris de sa mère scintillait au soleil ainsi que sa peau bleue immaculée. La princesse glissa ensuite son regard sur la robe violette aux manches évasées.
Aucune déchirure ! Aucune salissure !
Même les sculptures des bracelets de compagnonnage de vie la narguaient : les fleurs de llyriah, à huit pétales couleur émeraude pailletée d'or, brillaient de mille feux. Intriguée, Flore scruta son père, Altar. La chemise croisée jaune pastel, le pantalon noir et les bijoux à ses bras étaient tout autant intacts. Avait-elle imaginé cette scène ? La propreté impeccable de sa tenue semblable à celle de sa mère la convainquit.
Ma nervosité et mon manque de sommeil me jouent des tours.
Rassurée, elle rangea l'image morbide dans le tiroir de l'oubli et se mêla joyeusement à la discussion de ses parents.
Peu de temps après, la matérialisation d'un adolescent de dix-sept ans, à quelques pas d'eux, les interrompit. La princesse aperçut un regard amusé sous les sourcils froncés d'Altar, qui contrasta avec le ton autoritaire employé lorsqu'il gronda :
— Sojeyn ! Ce n'est guère une façon de te présenter devant nous.
Pas du tout impressionné, le garçon s'inclina avec un sourire espiègle.
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[Sous contrat] Aurora T1 : Les Perles de Vie / Watty 2020
Fiksi Ilmiah« Leur arrogance nous perdra ! », lance Flore à son frère Sojeyn, sous le coup de la colère. Et pour cause ! La princesse de la planète Aurora prédit l'attaque de leur monde par un envahisseur inconnu venant de l'espace, mais le Conseil refuse de l...