Le lendemain, il n'est jamais venu.

Le surlendemain non plus.
Et ça a duré jusqu'à la fin de l'année scolaire. Les semaines, les mois ont passé, laissant à sa place un vide indécent. Il me semblait encore parfois l'apercevoir au coin des escaliers, mais non. Rien à faire. Il avait changé de lycée.

Je l'avais abandonné.

L'été est passé, goutte à goutte, sans lui. Nous qui rêvions de ces chaudes soirées où nous aurions pu nous embrasser, voyager dans les étoiles, rêver.
Jamais juillet n'avait été si froid.

Et puis, un jour, dans la rue, je l'ai revu.
Je n'ai pas réfléchi, j'ai couru, couru, couru vers lui. Mais quelque chose m'a fait comme un coup de point à l'estomac. Son visage. Son visage, oh !, son visage.
Il était tout contusionné.
Des cicatrices qui scindaient sa tête en deux, un œil violet foncé, le nez de côté. Même ses yeux tous droits sortis de l'océan semblaient ternis. Comme s'ils avaient vécu.
Oh Gabriel. Mon Gabriel.
Il a regardé mes yeux, et s'est arrêté. Je ne pouvais plus rien faire, plus avancer. C'était donc moi qui lui avais fait tout ce mal ? Comment est ce qu'on en était arrivé là ? Je sens encore la douceur de ses caresses et de ses mots sur ma joue. Il s'est passé quoi, après ?
On est resté là, plusieurs minutes à dialoguer, comme avant, d'un bout à l'autre du trottoir, juste avec nos regards.
Et puis,
il a traversé.
Il m'a serré fort, fort comme il ne l'avait jamais fait, contre son cœur, qui battait.

- Tu m'as tellement manqué.
Et alors j'ai regardé son visage. De près, ça ne voit pas tant que ça les cicatrices, en fin de compte. Il était beau, beau comme je l'avais aimé. Alors je l'ai embrassé.
Le même goût, la même odeur qu'avant.
Le même silence dans nos âmes, le même désordre dans nos poitrines.

Et j'ai cru, un instant, que tout pourrait redevenir comme avant.

Et puis ils sont arrivés. Ceux, qui, au bout de la rue avaient crié. Ils se sont jetés sur nous, nous ont séparés, et sans rien comprendre ma bouche à heurté le béton et s'est mise à saigner. Ils ont frappé mon ventre, mes jambes, mon dos, ma tête, et mes bras. J'avais mal, mal de partout, et je plongeais dans l'antre étourdissante d'un mal pire que tout ce que j'avais ressenti jusqu'alors.
Car oui, il ne se sont pas arrêté là. Ils ont continué de me frapper, frapper jusqu'au sang, jusqu'à la haine, jusqu'au coup de grâce.
Car oui, ce jour là, ils l'ont frappé si fort, si fort, qu'ils ont fini par le tuer, mon cœur.

Quelqu'un a crié, ils se sont en allés.
On est venu m'aider.
Mais moi, tout ce que je voulais savoir, c'est où était Gabriel.
Débout, j'ai regardé au bout de la rue. Il était là, ses yeux bleus droits devant lui. Et sans un signe, sans un mot, il s'est retourné. On s'est regardé, et j'ai compris que c'était le dernier.

Il était parti, à tout jamais.

Les Hommes sont des menteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant