J'ai aimé un garçon, un jour.

Il s'appelait Gabriel. G. A. B. R. I. E. L.
Aujourd'hui encore, c'est le seul que je n'ai jamais aimé. C'était un de ces amours, vous savez, auquel on pense nuit et jour, sans jamais laisser à son cœur un seul instant de repos. Ce genre d'amour, où on ne réalise qu'une fois que tout est bien fini à quel point c'était dingue, à quel point c'était fou, à quel point nous étions fous.

Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti ça. Peut-être ?

Je ne sais pas si ça peut arriver plusieurs fois dans sa vie, un amour comme ça. Un amour dont on met si longtemps à se détacher que pendant des jours, des mois, des années ! on souffre, comme si on arrachait perpétuellement un pansement à son cœur. Vous savez ces pansements atroces, qui nous faisait ruser par milles astuces différentes, chacun la sienne, quand nous étions petits, et qu'il fallait l'enlever vite vite, de son genoux, mais sans se faire trop mal.

Moi, cet amour, cet amour avec un grand A (si on peut surnommer ça comme ça, aussi curieux que ce soit), c'était aussi mon premier amour. Et ça fait un drôle d'effet quand ça vous tombe dessus, comme ça. On a toujours mis plein de mots, beaucoup trop, sur ces sentiments-là. Et puis, voyant que ça ne vient pas, on se dit que c'est bon, les livres nous ont menti. C'est toujours comme ça la poésie de toute façon, toujours exagéré, avec plein d'hyperboles qui ne veulent rien dire.
On comprend rien à la poésie de toute façon.

Et puis, ça arrive.

Et ces hyperboles en lesquelles vous placiez toutes vos représentations de niaiseries, de futilités, et choses du genre, prennent alors tout leur sens.
Enfin, peut-être que je ne parle pour rien dire. Peut-être que vous savez déjà tout ça, ou alors  vous devez me prendre pour un de ces énièmes textes idiots qui décrit quelque chose qui n'existe pas.
En plus, je ne parle pas bien, je le sais. Si vous voulez lire des mensonges, allez lire Verlaine, vous avez raison.
Mais il faut que je vous raconte. Il faut que je vous raconte comment moi, Louise, ai aimé un garçon, un jour.
Un garçon, qui s'appelait Gabriel.
G. A. B. R. I. E. L.

Les Hommes sont des menteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant