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#8 Iris - The Goo Goo Dolls

«T'as faim ?»  me demande Marc, en me faisant glisser un sandwich en dessous de la cabine, que j'attrape.

«Merci. C'est à quoi ?»

«Jambon fromage. Je ne savais pas trop ce que t'aimais, donc j'ai pris un truc passe-partout.»

«Merci, c'est gentil.»

Il me fait une mix-tape, il me donne un sandwich, et moi ? Rien. C'est plutôt pathétique de ma part. J'ai l'air de ne faire aucun effort, ce qui me rend mal à l’aise.

«Quel est ton repas préféré?» me questionne t-il, la bouche pleine.

«Pourquoi?» rigole-je, «tu comptes me faire un cordon bleu pour demain ?»

«Qui sait ?» rit-il.

«Et toi, c’est quoi ?»

«Lasagne. Désolé, on ne vient pas du tout du même monde avec ton cordon bleu !»

Je souris suite à sa remarque. J'ai l'impression de passer mon temps à sourire en sa présence, c'est hallucinant. Le pire c'est qu'il ne s'en rend probablement pas compte.

«Et sinon, ton dessert favori?»

«Tiramisu, bien sur !» réponds-je.

«Îles flottantes.»

«Pas mal, pas mal1»

«Bon,» fait-il, «c'est toi qui s'occupe du repas de demain, alors?»

«Rêve toujours !»

Je mords dans le sandwich – qui est succulent, d’ailleurs - mais ça ne m'étonnerais pas que ce soit sa mère qu'il l’a fait. Pour tout avouer, je le vois mal cuisiner. C'est peut être un préjugé, mais c'est ce que je pense.

«Attends,» s'écrie t-il d'un coup, alors que le silence régnait, «tu fais partie du club de musique?»

J’aurais voulu. Ma mère voulait aussi, tout le monde voulait. J'aime vraiment la musique et je joue du piano depuis l’âge de cinq ans, mais comme je ne connaissais personne qui faisait musique, je ne me suis pas inscrite. C'est stupide je sais ! Mais ne connaissant personne d’autre qui fait partie du programme, je n'avais pas vraiment envie de me retrouver toute seule. Je n'ai pas assez confiance en moi, je le sais, mais je n'arrive pas à vaincre tous ces doutes. Je me dis toujours : «Allez vas y, c'est comme ça que tu rencontreras des gens !» Mais au final, je n'ai jamais la force d'aller au bout de mes idées. Je ne fais presque jamais rien jusqu’au bout. Je ne dois certainement pas être la seule à agir de cette façon, et savoir qu’il y a d’autres jeunes comme moi, me rassure un peu. C'est débile, mais ça me rassure !

«Non. Tu y es toi ?»

«Oui. Pourquoi tu n'y es pas? Tu devrais ! Même si nous sommes en plein milieu de l’année, tu peux encore t'inscrire ! Nous cherchons toujours un pianiste et une voix de chœur !»

«Non.»

«On fait Iris de The Goo Goo Dolls et je suis à la guitare.»

«Non.»

«Allez ! Ca serait trop bien !»

«Non.»

«Mais...»

«Non !»

«Pourquoi?»

«N...Parce que jamais je ne pourrai jouer devant des gens ! C'est impossible. Dès que je suis devant un public, j'ai l'impression que tout le monde me regarde. Que tout le monde parle de moi, rit de moi…»

«C'est un peu égocentrique, ça Sarah !»

Non mais ! Il m’énerve avec ces Sarah ! Mais il n'a pas tout à fait tord dans ce qu’il dit, pour être honnête…

«Julie!» fait alors une voix féminine qui nous fait taire.

Comprenant que nous ne sommes plus seuls - ce qui est normal, sachant qu'il est bientôt l'heure de la reprise des cours – nous restons en silence. Je revois alors mon horaire de cet après-midi dans ma tête. Il ne me reste plus qu’une heure de littérature, une heure de philosophie et une heure d'anglais avant de pouvoir rentrer à la maison ! Ha ! Je dis ça comme si c'était une corvée alors que, depuis l'arrivée de Luke, la littérature est tout sauf une ennuyante. Toutefois, une fois à la maison je devrais peut-être faire une mix-tape pour Marc, histoire de lui rendre la pareille.

Les filles continuent leur conversation encore un peu, avant d'enfin, sortir. Merci ! Je n'ai jamais compris pourquoi les filles prenaient toujours autant de temps aux toilettes contrairement aux garçons, certes elles se maquillent de temps en temps. Mais dépasser les dix minutes pour une retouche maquillage, c’est certainement de l’exagération ! Enfin, ce n'est que mon avis. Je me maquille très peu, ce qui peut expliquer le fait que je ne comprends pas certaines de ces filles.

«Oh, Sarah ?»  lance t-il.

«Oui ?»

«Hier, j'ai demandé au concierge si les toilettes seraient bientôt réparées. Apparemment, ce sera terminé pour la semaine prochaine.»

Le ton de sa voix ne me laisse aucunement deviner si pour lui il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle. J’espère qu'il s'agit d'une mauvaise pour lui, car pour moi, c'est le cas. Tout de fois, ça tombe bien que les réparations soient terminées pour la semaine car Mary sera de retour donc je ne serai plus seule pour mange. Du moins, je n'aurai plus à me cacher aux toilettes ! Mais cela veut aussi dire que je ne pourrai plus discuter avec lui. Je n'entendrai plus sa voix, et le pire dans tout ça c'est qu'il est possible que je ne sache jamais sa vraie identité. Ce dernier point ne tien qu’à moi, je le sais, mais savoir qui il est me fait peur. Peur de ce qui pourrait arriver s’il savait qui je suis. Peur de sa réaction, de ce qui pourrait en découler, et surtout, peur de toutes les choses qu'il sait sur moi et qu'il pourrait répéter à tout le monde. Et Dieu sait à quel point les choses vont vite dans ce lycée !

Un brouhaha impossible à décrire, commence à se faire entendre, nous faisant vite comprendre qu'il est temps de nous quitter. Il me demande mon numéro de téléphone que je m’empresse de lui donner, évidemment, et il me dit à demain. Toutefois, avant de quitter, il m’assure qu’il m’enverra un SMS après les cours, ce qui, une fois de plus, me fait sourire.

Et comme à notre habitude, il sort le premier de sa cabine des toilettes pendant, que je patiente quelques minutes, tranquillement dans la mienne.

«Hey, salut !»

«Ah, salut Victoria !» rétorque la voix de Marc.

Victoria alias la fille la plus horrible que je puisse connaître? Victoria alias la fille qui n’arrête jamais de comparer Mary de à une grosse baleine? Est-ce qu'il est possible qu'un gars aussi adorable que lui puisse connaitre cette salope ?