Chapitre 3

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Réflexion, part 3.

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Vous me direz « C'est la chose la plus stupide, celle la moins humaine, la plus dénigrante, la plus honteuse, la plus faible. ». C'est vrai, d'une certaine manière.

Vouloir s'évader, fuir est compréhensible dans ces cas-là. Mais pour vous, il reste énormément de possibilités, d'attentions qui pourraient tout faire basculer dans un monde meilleur. Mais ce monde, êtes-vous sûrs de son existence ? Montrez-le moi, j'aviserai pour ce que je m'apprête à faire.

En me donnant la mort, je mets fin à ma propre vie. C'est un fait, un savoir, pourtant je ne m'en plains pas. Je sais ce qui m'attend.

Cet acte, vous le trouvez horrible, malsain, faible. J'ôte ma vie car mes soucis peu importants me submergent et m'y poussent. Je n'ai pas la force de les affronter. Ça, je le sais. La faiblesse réside à assouvir le besoin qui est né en notre sein. Pour vous, c'est simple de se donner la mort. Cela ne nécessite aucune réflexion, aucune préparation, aucun cœur.

Je ne pense qu'à moi et non aux autres que je laisse.

C'est faux.

En me donnant l'inverse de la vie, je revivrai réellement. Ce qui sous-entend que j'ai moi-même vécu ainsi une fois dans ma vie. Ce n'est peut-être pas le cas. Du moins, je ne m'en souviens pas.

Par cet acte final, je pourrai voir – apercevoir au loin – ce que vous avez toujours vécu, ce que vous voulez nous faire vivre. Par cet acte, je deviendrai forte. Je ne serai plus faible.

Par cet acte je les délivre.

Je délivre mes parents, mon parent, mon père. Je délivre mes proches – si tant est que j'en ai encore –. Je les délivre du fait d'avoir sur leur conscience tout ce que je souhaite secrètement refouler, tout ce que j'ai enduré et partagé par obligation. Quand on vous pose des questions, à un moment, vous devez y répondre. Pour moi, ce fut pareil.

Je délivre aussi mes bourreaux. Ils auront davantage de temps libre et auront l'occasion de se tourner vers une autre voie, que je n'espère pas être une autre personne. L'humain peut changer si les conditions changent. L'humain doit s'adapter.

Moi, mon adaptation réside dans cette délivrance.

Je vais leur faire de la peine. Vraiment. Mais ils en ont accumulé tellement qu'ils ne verront même plus la différence. Moi, vivante ou morte, je resterai la même : une personne ayant quelques problèmes, seule par choix, entourée par le danger. Seule la forme de ce danger va se transformer : ces personnes vont laisser leurs droits sur moi à l'humidité, aux végétaux et animaux qui profiteront de mon cadavre froid pour faire leur diner.

D'une certaine façon, j'ai déjà été un diner. Même si ce n'était pas l'heure, ils pensaient comme ça. Il m'avait appelée face à sa bande d'amis son « quatre-heure ». Il était 10 heures du soir. Qu'est-ce que je foutais là-bas moi aussi ? ...


Je m'ôte la vie pour oublier, pour vivre.

Contradictoire. Vrai.

DormirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant