Chapitre 15

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Jeux 1 : partie 1.

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On est dehors, dans les rues abandonnées de l'ancienne ville à proximité de celle où je vis, je cours, eux derrière moi ou dans les rues avoisinant celle où je me trouve.

Dès que la sonnerie a annoncé la fin des cours, je me suis précipitée pour déguerpir, ne voulant en aucun cas jouer à leur jeu, mais comme maintenant, je me suis vite essoufflée et mes pas se sont rapprochés pour se stopper. Ils étaient là, autour de moi et m'ont forcée à entrer dans leur voiture sous l'oeil indifférent des passants. La société a peur.. la société veut se protéger.. et elle est prête à laisser moisir des innocents pour ne pas être touchée par les effets néfastes de ses membres. Ils m'ont emmenés jusqu'à cette ville que je n'avais jamais visité, dont je connaissais que vaguement l'existence : une ville à une vingtaine de minutes de la nôtre, au nord, désertée après l'explosion d'une centrale électrique utilisant pour maximiser leur production des substances toxiques. Cela fait environ trois années que les habitants se sont exilés loin, mais l'odeur est toujours présente, l'air toujours irrespirable pour mes poumons ne le captant déjà que de moitié..

Pourtant ma peur me fait tenir sur mes deux jambes, et elle les fait avancer, vite, très vite, pour qu'elle puisse se dissiper. Mais je sais que cette vaine course ne la diminuera pas. Ce ne sera que lorsque je serai retournée en ville, dans celle habitée et dont le pavé des rues est foulé par de nombreuses paires de pieds en une minute, qu'elle me quittera.. et encore, là-bas les gens pourront-ils m'aider ? Le voudront-ils seulement ? Parce qu'il est plus question de volonté que de capacité : devant les mêmes possibilités, seuls peu auront le courage d'agir. Et j'en ai rencontré à présent aucun. Les personnes aident quand le danger est écarté, quand ça ne sert plus vraiment à grand chose. C'est fou le nombre de « je t'aurais aidé(e) si il (/elle) ne s'était pas manifesté(e) avant » qu'on retrouve dans les films et encore plus lorsqu'on peut entendre les gens se dresser contre ces personnes hypocrites alors que ceux qui en parlent méchamment sont ceux qui reflètent le mieux ces cas-là. Les personnes hypocrites se liguent ironiquement contre l'hypocrisie. Votre société est individualiste, superficielle et préférentielle ; pour vos amis, votre famille, là vous bougez, pour les autres, aucun pas, si ce n'est en arrière lorsque vous êtes suffisamment dégoûtés.

« Où est-ce que tu te caches ? Fais un peu de bruit, on va te perdre. »

Seul le silence et leurs pas sur le béton lui répondent. Je me suis arrêtée dès que j'ai entendu son cris.. Il est là, tout près, trop près. Il faut que je me cache, il ne faut pas qu'il me trouve, ni lui, ni sa bande.. En voyant un coin assez sombre sur le côté droit de la rue, entre deux immeubles brûlés, je m'y précipite et me cache du mieux possible. J'essaie de me fondre dans l'ombre qu'offre le lieu même si je palis à l'entente de leur approche. Je me recroqueville sur moi-même et attends, attends désespérément.

Ils passent enfin devant moi regardant dans ma direction quelques secondes avant de tourner la tête et de continuer leur recherche. Si je n'avais pas peur qu'ils l'entendent, j'aurais soufflé de soulagement. Mais tout n'est pas joué, ils sont deux donc les trois autres doivent suivre. Je reste immobile dans mon trou à rat — c'est tout à fait ce que je suis, un rat de laboratoire avec lequel on s'amuse pour se distraire —, étudiant les bruits répétitifs sur le pavé. Malgré mon attention toute particulière aux sons qui m'entourent, je n'entends rien. Alors je pense à sortir de ma cachette, vérifiant tout de même s'ils n'ont pas copié ma technique. Rassurée, je me relève doucement et sors de l'ombre. À peine la lumière étalée sur mon crâne, deux mains me tirent vers elles et me replongent dans l'ambiance froide qui règne entre les deux immeubles. Je me débats vainement, les mains accrochées à mon corps sont rejointes par deux paires d'autres. Les trois personnes manquantes m'ont finalement retrouvée.

DormirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant