Chapitre 7

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Analyse, part 2.

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Je reprends mes esprits après être partie trop longtemps dans mes pensées d'après le visage incompréhensif de l'infirmière. Elle s'apprête à le réveiller. Elle tapote sur son épaule quand elle voit que je reprends mentalement place dans la pièce. Il se réveille.

Sa réaction ne fut pas du tout celle à laquelle je m'attendais. Je m'attendais à le voir dépressif mais joyeux, joyeux de mon appartenance à ce monde. Je m'attendais à toutes ces questions auxquelles je n'avais envie de répondre. Je m'attendais à quelque chose.

Mais rien.

Il ouvre ses yeux et regarde l'infirmière puis le lit dans lequel je suis allongée. Il croise mon regard puis le fuit. Lui aussi aime cette solution de facilité. Il la toise en demandant silencieusement des explications. Pourquoi ? Comment ?

« Elle s'est réveillée, vous pouvez lui parler, elle est consciente. Par contre son branchement respiratoire ne lui permet pas de vous répondre... Je vous laisse entre vous, je reviens avec un médecin. ». Elle finit sa phrase puis sort après m'avoir adressée un regard.

Mon père, malgré l'incitation de la femme blonde, ne bouge pas. Il fait un mouvement dans ma direction pour poser son téléphone sur ses cuisses, le déverrouiller puis pianoter dessus.

J'y ai vraiment cru.


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Quand il entendit des pas dans le couloir puis derrière la porte, il se leva et fit semblant de retourner s'assoir pour laisser les médecins qui entraient dans la pièce faire leur boulot. Bon acteur, ils n'y avaient vu que du feu. L'homme en blouse blanche vérifia les indications de la machine puis décida enfin de retirer l'inconfortable tuyau de ma bouche. Il le fit doucement, pour ne pas me faire de mal.

Cela fait, il se recule et prend la parole.

« Alors mademoiselle, qu'est-ce qui vous a pris de faire ça ? Heureusement qu'un voisin a entendu du bruit dans votre salle d'eau alors qu'il ne devait y avoir personne. Vous avez été forcée par de mauvaises personnes ? C'était pour un jeu comme le font en ce moment toute sorte d'étudiants ? Vous savez, la vie est précieuse, il ne faut pas jouer avec. [...] ».

Je n'écoute même plus son monologue qui me paraissait à son début ouvert à des réponses de ma part. J'en ai marre de l'écouter et même l'ignorer me gonfle puisque ses propos s'éloignent de plus en plus de mon action. Je ne veux pas être cataloguée comme 'suiveuse de tendances approximativement dangereuses'. L'être en tant que 'suicidaire' ne me dérange pas cependant, car c'est bien ce que je suis. Et ce que je n'aurai pas été si ce voisin n'était pas venu me secourir.

Je lui coupe donc la parole, ne sachant même plus où il en était dans son magnifique discours : « Je l'ai fait de mon propre chef. Et tant mieux si ça avait fonctionné. ». Ils me regardent choqués. De même pour mon père qui prend enfin conscience de la gravité de mon acte : j'avais tenté de m'être un terme à mon existence.

« Je vous conseille des séances chez un psychologue. » chuchote après une attente le médecin à mon père. Celui-ci accepte en un hochement de la tête.


J'allais devoir parler du pourquoi.


J'allais encore devoir parler alors que l'envie ne suivrait pas mes jambes jusqu'à ce prochain lieu. Encore une contrainte que ce beau monde m'offre.

Dès mon réveil, dès ma première parole après avoir confronté la mort face à face, ils me rajoutent une contrainte, une de celles qui me l'ont fait frôler.

Plus ils insistent là dessus, plus j'ai envie de recommencer. Une envie irrésistible.

Et de réussir.


Je capte ces derniers mots avant de m'endormir : « Elle pourra sortir dans une semaine tout en étant suivie psychologiquement ». Un médecin avait parlé. Je sombre alors dans les bras de Morphée.

DormirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant