CHAPITRE 3 : la Terre, Tyr

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Hélicoplanneur,

Quelque part au-dessus de l'Océan, Mac Peepleson

*

Il poussa de toutes ses forces les magistrales portes en bronze. Elles étaient parcourues de lourdes circonvolutions ciselées dans le métal, dont l'enchevêtrement géométrique d'arabesques et de vieilles racines noueuses laissait deviner un mystère inaccessible.

Une lumière de plus en plus vive l'éblouit à mesure que les battants s'écartèrent. Mac plissa les yeux et mit quelques secondes à s'habituer à cette nouvelle clarté. Le hall titanesque semblait presque vide, un frêne blanc se dressait en plein milieu. Du tronc démesuré s'élevaient deux uniques branches, chacune supportait ce que Mac reconnut être des planètes. Entre les rameaux, un réseau d'un fluide immaculé et bleu réunissait les mondes. La matière s'écoulait autour du tronc, où trois jeunes femmes tapissaient l'écorce d'une boue blanchâtre. Une planète qu'il reconnut aisément flottait au centre de l'arbre, la Terre se tenait dans le tronc, éclaboussée aussi par la boue. L'argile, sur leur corps gracile et nu, donnait aux jeunes femmes des allures de revenantes. À la place de leurs yeux, deux cicatrices noires et sales, leur bouche grossièrement cousue était maquillée du même noir poudreux. Mac fut saisi de dégoût. Leurs jambes pataugeaient entre les trois racines, autour desquelles, le fluide se rejoignait en divers filets d'eau puis en ruisseaux. Entre les fondements noueux, encore une représentation de planètes, trois sphères. Chacune occupait l'arbre et tournait lentement autour d'elle-même. Mac se souvint d'une vieille légende, Yggdrasil. Il leva les yeux vers la cime qui s'étirait telle une voute, céleste, brillante, bercée par une brise imaginaire, où chaque feuille tintait comme un cristal effleuré.

— Tu es venu, fils d'Hallinskidi, fit une voix grave derrière lui.

Mac se retourna vivement et adopta une position de défense en plaçant ses poings devant le visage.

— Protège la source, dit l'inconnu.

Mac, ébahi par le colosse, détailla sa peau, tendue par une musculature acérée, zébrée de cicatrices, d'impitoyables marques de combats et batailles passés. L'armure qu'il portait paraissait légère et inutile sur son corps d'acier ; des jambières de bronze remontaient de ses chevilles à ses genoux, son pantalon thorsberg était tenu par de grosses agrafes rouillées qui frottaient contre les os saillants de son bassin. Un semi-plastron de cuir bouilli recouvrait son torse bandé, crasseux de sang séché. Son cou d'aurochs palpitait sous le frémissement de ses jugulaires. Sa barbe touffue cachait la moitié de son visage, ne laissant apparaître que deux yeux rouge vif rivés sur Mac. Sa cuirasse était une illusion, cet homme, s'il en était un, était son propre blindage.

— Je... Quoi ? ... Qui êtes-vous ? Qui sont-elles ? Quel est cet arbre ? demanda Mac.

En son fort, il lui mentait, il se mentait. Il avait déjà rêvé de ce lieu, il a bien longtemps, il pensait ses histoires enfouies derrière lui, dans son passé qu'il souhaitait oublié. Pourtant, il n'y avait jamais rencontré une seule âme.

— Tu connais l'Arbre. Tu connais les Nornes. Je suis Tyr. Protège Urd ! répondit le guerrier. Sa voix, bien que puissante, était douce.

Le géant s'avança vers lui tout en dépliant son bras vers le frêne autour duquel se formait la source. Ses avant-bras portaient des manchettes en cuir finement travaillées, elles contrastaient avec l'usure des autres pièces. Son unique main portait un gantelet rapiécé de cuir et de métal. Son moignon, d'un bandage noirci. Toutes ses armes accrochées dans son dos cliquetèrent avec son geste. Mac fut étonné que l'on puisse porter autant d'armes sur soi.

— Où suis-je ? Que dois-je protéger ?

— La Source ! il planta sa paume contre le front de Mac, et il ajouta : vois ! Et souviens-toi.

Yggdrasil : La Bataille des ArchesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant