Chapitre 16 : Départ

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Haris avait beaucoup de mal à se concentrer. Il ne faisait aucun doute que ses notes seraient catastrophiques, mais catastrophique valait toujours mieux que rien du tout. Ce rêve qu’il avait fait, où le fantôme de son frère venait lui parler, le hantait. Sans mauvais jeu de mots.

Il avait d’abord espéré qu’il ne s’agissait que d’un rêve, d’un cauchemar plutôt, tout en sachant au plus profond de lui-même que ce n’était pas le cas. Tout d’abord, il avait songé que c’était ridicule, que si son frère avait été mort, on aurait retrouvé un corps, que la seule explication logique était qu’il se fut enfuit d’une manière quelconque. Puis l’idée que cela expliquait qu’on n’ait trouvé de trace de ses déplacements nulle part s’infiltra sournoisement dans son esprit, y semant le doute.

Mais ce qui l’avait convaincu, c’était l’accident de Pascal : son frère lui avait dit avoir assisté à la scène, en tant qu’esprit. Apparemment, quelqu’un avait attendu qu’il sorte de la piscine où il faisait quelques longueurs pour le battre à mort. Quand Haris lui avait demandé s’il avait reconnu l’individu en question, Carlos avait hésité longuement. Puis avait répondu quelque chose de plutôt étrange :

«Tu dois comprendre que les morts ne voient pas de la même façon que les vivants. En fait, les morts ne voient pas : ils n’ont plus d’yeux, ça leur serait impossible. Dire qu’ils perçoivent serait plus juste. Ils perçoivent des vibrations pour reproduire un semblant d’audition, et captent l’énergie pour un semblant de vue. Or, à ce moment-là, j’ai perçu quelque chose d’étrange. L’énergie qui émanait de cette personne… je n’arrive même pas à dire si c’était un homme ou une femme.

 

-        Peut-être que c’était un androgyne, suggéra Haris à la blague.

-        Peut-être, répondit Carlos, songeur, sans relever la plaisanterie. Cependant ce n’était pas l’impression que j’avais. C’était comme si je sentais non pas une, mais plusieurs énergies vitales dans un même corps… c’était plutôt déroutant. Et il y a plus : non seulement ces énergies étaient-elles comme fusionnées, mais elles étaient d’une puissance telle que je n’en ai pas rencontré depuis…»

 

Puis Carlos s’était arrêté net. Haris avait eu beau l’interroger, son frère s’était contenté de répondre qu’il ignorait de quoi il était sur le point de parler, que c’avait été un automatisme. Il lui avait promis d’y réfléchir et de lui en reparler quand il aurait trouvé. Puis Haris s’était éveillé, en sueur et l’esprit embrouillé.

La mine du crayon du jeune homme se brisa contre le bureau, où il l’avait appuyée sans s’en apercevoir. Il se saisit nerveusement de son taille-crayons, en aiguisa de nouveau la pointe et tâcha de reporter son attention sur l’examen.

Après une heure de plus à tenter de se concentrer sur son travail, le garçon dû toutefois bien admettre qu’il ne tirerait pas davantage de lui-même. Il n’avait pas répondu à quatre ou cinq questions, et le résultat obtenu à deux ou trois autres lui paraissait douteux, il remit donc sa copie à l’enseignant sans davantage d’attentes que d’obtenir un résultat autour de la note de passage. De toute façon, c’était prévisible : il n’avait pratiquement pas étudié, ayant été forcé de chercher son frère à travers toute la ville. Et puis à l’évidence, une note médiocre lui accorderait davantage de points qu’un zéro.

Mais Haris ne s’en préoccupait pas. Beaucoup d’autres choses le tracassaient, entre autres savoir si Pascal allait mieux ou pas. Il réfléchit quelques secondes, puis soupira. Au diable le deuxième examen, il était en arts plastiques et cet examen ne changerait absolument rien à son résultat final, déjà médiocre. Pourtant, il était plutôt doué, mais son enseignant trouvait toujours quelque chose à redire, probablement parce qu’il n’aimait pas son style un peu sombre.

L'Éveil de la LignéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant