13 - La Guilde des Alchimistes

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Dame Calwaën guida Yuling à l'extrémité sud de la ville. Des lampions rouges et dorés pendaient aux fenêtres et des banderoles dans les mêmes tons avaient été dressées partout dans les rues. On avait peint sur les murs des dizaines de dragons soufflés par les vents célestes, et chacun de leurs pas réveillait le son cristallin de dalles de couleur qui chantaient sur leur passage. Leurs murmures s'élevaient, magiques, pour se mêler aux voix des passants : la ville chuchotait, ivre des sons et des couleurs dont on l'avait parée.

 - On est arrivées, la prévint la jeune femme.

 Les abords des portes sud grouillaient de monde. C'était l'effervescence, probablement due à l'Appel. Des jeunes de toutes parts, de toutes origines, gagnaient la cité dans le but de passer les épreuves. Dame Calwaën n'avait pas menti.

 - Le calcul est simple, expliqua-t-elle. Les premiers arrivés sont souvent les plus prometteurs. Plus un candidat est réceptif à l'Appel, plus le lien qu'il partagera avec son dragon sera fort.

Et elle ? Comment pouvait-on justifier qu'elle soit arrivée avant l'Appel ?

 Elle se garda cependant de faire part de ses doutes.

 Dame Calwaën, comme les nombreux autres Maîtres présents sur place, se distinguait de la foule par sa combinaison de cuir noir. Outre son aspect pratique, elle permettait surtout aux nouveaux venus de les repérer facilement. Certains de ses confrères nouaient d'ailleurs contact très rapidement. Cependant, la plupart restaient en retrait, se contentant de scruter consciencieusement les arrivées.

 – Ils cherchent ceux qui ont du potentiel, lui chuchota discrètement la jeune femme. C'est avant tout une histoire de lien. Mais ils perdent leur temps...

 – Pourquoi ? demanda Yuling.

 – Vois-tu, c'est comme si je te disais que pour bien t'entendre avec quelqu'un, il faut à tout prix que vous soyez d'emblée les meilleurs amis du monde... ce qui est assez utopique, tu le conçois. Certaines relations commencent bien ainsi, mais elles sont loin de représenter la majorité. Parfois, cela demande plus de temps. Eh bien avec les dragons, c'est pareil. D'autant qu'ils omettent souvent de prendre en compte la distance, soupira-t-elle. Tu te doutes bien que même en étant plus réceptifs que la norme, les candidats d'Ogat mettront plus de temps à arriver que ceux des villages voisins... Départager les bons candidats des mauvais est quasi impossible hors épreuves. C'est d'ailleurs pour ça qu'elles existent.

 – Alors pourquoi se donnent-ils autant de mal ? interrogea Yuling.

 – Parce qu'un Maître a une réputation à asseoir, et qu'en les approchant les premiers, ils s'assurent d'être choisis lorsqu'il sera question de répartition des classes. L'idée, c'est de n'accueillir chez soi que de futures étoiles. Ainsi, quand ces petits prodiges se démarqueront, et ça arrivera, crois-moi, toute la gloire en reviendra au Maître qui les aura entraînés. C'est bien réfléchi, même si le système est injuste. Et ça ne me dérangerait pas autant si la sécurité des élèves n'était pas directement mise en cause.

 Yuling fronça les sourcils. Elle avait du mal à comprendre ce qu'impliquait concrètement un tel procédé, et Dame Calwaën s'en rendit compte puisqu'elle s'empressa d'enchaîner :

 – Est-ce que tu connais un peu le fonctionnement de la Dragonnerie ?

 – Je... Pas vraiment, avoua Yuling. On ne parle jamais de dragons dans mon village. Enfin presque jamais. Les Héros ne sont pas bien perçus...

 Dame Calwaën soupira.

 – On a l'habitude. Au début, on se dit que ça finira par changer, qu'on s'habituera. Puis on se rend finalement compte que rien ne change, et qu'on ne s'y habitue pas pour autant. On apprend juste à vivre avec... Mais tu dois probablement venir de loin pour que les gens de ton village tiennent de tels propos, releva-t-elle.

Dragons - Le souffle des âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant