Il descendit les grandes marches qui menaient au hall accompagné de sa garde. En arrivant aux abords de la salle de réception, la vue de tous ces convives aux allures hypocrites lui donna la nausée. Pour l'occasion, on avait décoré le hall à l'effigie du royaume : des parures assorties à sa tenue qui se dressaient contre les murs. Avec un peu d'imagination, on aurait même pu croire sa robe taillée dans un rideau. Il faudrait qu'il songe à changer d'artisan, prochainement.
Matrick tenta de gagner discrètement le buffet de l'autre côté de la salle, seul détail réellement intéressant de cette soirée. Des quantités de mets irrésistibles, tous plus sucrés et gras les uns que les autres, attendaient de faire le fruit d'une intense dégustation. D'un œil expert, il repéra un pâtée de sanglier assorti d'une garnison fleurie qu'il enfourna avec un plaisir certain. Il n'avait pas chaumé sur la sélection des cuisinières ; d'un bon repas naissaient toujours de bonnes négociations, et en ça, il n'avait rien à envier aux royaumes voisins.
Il se fit alpaguer au moment où il enfournait pour la troisième fois ses gourmandises ; une main posée avec délicatesse sur son bras qui lui fit tourner la tête, à regret. Les affaires reprenaient.
– Mon Seigneur, lança la femme d'un enthousiasme débordant. Il me tardait de vous revoir !
Le regard de Matrick se posa d'abord sur son visage, s'éleva vers sa coiffure gargantuesque qui pointait comme une girouette au plafond, puis plongea tout aussi rapidement dans son décolleté outrageux.
– Dame Jesea ! s'exclama-t-il en arborant ce fameux sourire mielleux qu'il gardait en réserve pour les invités de premier choix.
Il eut envie de rire. Il existait une limite invisible à ne pas franchir entre raffinement et vulgarité, et cette femme... Ces faux battement de cils, cette bouche tartinée de... de quoi, au juste ? Il loucha une fraction de seconde sur ces lèvres trop charnues à son goût et les imagina s'écraser sur sa joue. Son cœur manqua un battement.
– Comment se passe la vie à Sanol ? s'entendit-il demander malgré lui.
Comme si ma vie n'était déjà pas assez remplie pour que je ne me préoccupe en plus de celle des autres.
– Oh, vous savez, ils viennent d'y construire une Dragonnerie, gloussa-t-elle.
Ses lèvres dévoilèrent une rangée de dents sur laquelle avait bavé son maquillage. Nouveau sourire mielleux.
Alors c'était comme ça ? Des dragons. Encore des foutus dragons ! Décidément, ces monstres le pourchassaient !
Alors qu'il cherchait un moyen définitif pour se tirer d'affaires, une femme élégante, vêtue d'une longue robe verte, s'approcha. Les lumières de la salle se reflétaient sur ses longs cheveux roux aux boucles soyeuses. D'un geste appliqué, elle les repoussa en arrière, puis vint se placer aux côtés du monarque.
– Ah, Catherine ! dit-il en avisant sa femme. Tu arrives au bon moment.
Elle esquissa un sourire crispé et passa, d'un air entendu, son bras autour de celui de son mari.
– Dame Jesea, voici mon épouse, Catherine. Vous avez peut-être déjà eu l'occasion de faire connaissance ?
Les cils de son interlocutrice s'affolèrent. Dame Jesea secoua la tête en rougissant. Elle agissait comme une amante prise sur le fait. Il se tourna alors vers Catherine, et les paupières se plissées, étendit ses lèvres dans un sourire qui voulait tout dire :
– Vous devriez bien vous entendre.
Matrick sentit la main de sa femme lui écraser le bras. Elle lui lança un regard assassin accompagné de son – ô trop célèbre – sourire sarcastique. Longuement, ils se dévisagèrent.
VOUS LISEZ
Dragons - Le souffle des âmes
FantasiaLors d'une énième dispute avec ses parents, Yuling, qui rêve de devenir un Héros, quitte la ferme familiale. Son frère, véritable figure paternelle, a disparu des années plus tôt. Depuis, elle se demande où il est. Mais une soudaine rencontre avec u...