– Deux apprenties, releva Orian Sylga en se servant une assiette fumante. C'est mieux que l'année dernière...
Dame Calwaën lui lança un regard méprisant, un de ceux qui la rendaient si farouche et dont elle seule avait le secret. C'était pour cette raison qu'il aimait la taquiner. Pour ces regards, pour cette fierté et cette indépendance qui la rendait si désirable à ses yeux.
Il l'avait toujours appréciée, et ce, depuis le premier jour de leur rencontre. Elle était d'Irsu, lui d'Anyor, ils s'étaient liés d'amitié au dortoir, avant même le passage du test d'aptitude. Après ce jour, ils ne s'étaient plus jamais quittés.
Durant son apprentissage à la Dragonnerie, Orian s'était montré doué. Son énorme dragon rouge, Solvar, éclipsait de loin les autres de par sa taille et sa férocité. Mais si lui s'était montré supérieur, Ella, elle, avait été l'excellence incarnée. A l'époque son magnifique dragon noir avait attisé bien des jalousies auprès de ses congénères. Et la jeune femme avait volé sur son dos comme une reine, le faisant littéralement danser dans le ciel.
Orian seul savait combien la gloire lui en avait coûté. Pendant cinq longues années, Ella s'était vouée corps et âme à son dragon. Elle avait été présente pour lui sans faillir.
De temps en temps, Orian et elle se retrouvaient sur le terrain d'entraînement et riaient alors des dernières trouvailles de leur dragon pour les faire tourner en bourrique. Ils ne manquaient jamais d'ingéniosité.
Ella avait été heureuse. Radieuse, même.
Jusqu'à ce fameux jour.
Son assiette en main, Orian quitta sa table pour aller s'installer à celle de la jeune femme.
– Va-t'en.
– Ella, Ella, Ella, soupira-t-il. Toujours aussi charmante à ce que je vois...
La jeune femme s'empara d'une miche de pain posée dans une corbeille et la mordit à pleines dents.
Orian esquissa un sourire, elle ressemblait à une enfant capricieuse qui relâchait sa frustration sur la seule chose qu'elle avait trouvé à portée de main.
A la mort de son dragon, Ella s'était totalement repliée sur elle-même. Puis au fil des mois, elle s'était construit une carapace, si épaisse que personne ne parvenait à la franchir. Parfois, la jeune femme lui adressait la parole. Mais durant ces courts échanges, elle s'en tenait à l'essentiel. Elle n'entrait pas dans les détails et la conversation finissait vite par les mettre tous deux mal à l'aise.
– Comment vont tes nouvelles recrues ? tenta-t-il, dans l'espoir de relancer la discussion.
La jeune femme hésita, puis un fin sourire éclaira enfin son visage, qui s'illumina comme par magie. Ce n'était qu'une pâle réplique du visage radieux qu'elle avait autrefois arboré, mais c'était tout de même mieux que rien. Ce visage qu'il avait tant chéri, il le savait, ne reviendrait pas ; l'innocence sur laquelle avaient été érigées ses plus belles expressions avait volé en éclat, définitivement.
– Très bien ! répondit-elle, sincère. Et les tiennes ?
Orian fit la moue, non pas que la jeune femme se préoccupait réellement de ce qu'il répondrait... Elle avait juste demandé par politesse.
– Quelques bons éléments, soupira-t-il. Ça devrait bien se passer. Du moins, si ma réputation tient le coup une année.
Ella lui adressa un regard interrogateur. Il hésita un instant, cherchant ses mots.
– Mmm... Tu sais combien certains apprentis peuvent changer après la fusion ? J'en ai un qui est devenu un véritable problème, avoua-t-il. Agressif, vicieux, il n'en manque pas une pour se faire remarquer. L'ambiance s'en fait ressentir. J'attends sa prochaine trouvaille en matière d'imbécillité. En attendant, je me suis déjà attiré les foudres de trois de nos confrères, dont Dame Morgen, qui n'a pas manqué de me signifier mon manque de professionnalisme comme Maître référent. Je pensais qu'on y échapperait cette année, mais il faut croire que non...
VOUS LISEZ
Dragons - Le souffle des âmes
FantasíaLors d'une énième dispute avec ses parents, Yuling, qui rêve de devenir un Héros, quitte la ferme familiale. Son frère, véritable figure paternelle, a disparu des années plus tôt. Depuis, elle se demande où il est. Mais une soudaine rencontre avec u...