Chapitre 5:

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Je triturais depuis un moment les brins d'herbe sur lesquels je m'étais assise, en arrachant quelques uns par ci par là, les laissant retomber mollement au gré du vent sur le sol humide. Les cours venaient tout juste de toucher à leurs fin et je me retrouvais, comme à mon habitude, entouré de mes cinq camarades dans l'espace vert devant le lycée. À chaque fin de journée nous nous retrouvions là ayant crée en à peine quelques semaines une véritable routine. Chacun avait sa place attitré dans le cercle qui se formait toujours au même endroit, à l'entrée du terrain vert au pied de l'arbre auquel je m'adossais toujours. Ce dernier avait même été renommé 'Simon' par Niall qui s'amusait à le saluer d'un geste théâtrale à chaque fois que nous nous regroupions autour de lui, ne manquant pas de faire rire le reste du groupe.

Autour de moi la discussion prenait une tournure politique me laissant le loisir de ne pas prêter attention au sujet qui ne m'intéressais guère, laissant mon regard papillonner à travers la grande cours face à moi, vide. Il n'y avait jamais personne qui restait ici, le seul mouvement que l'on pouvait y voir était les élèves quittant le lycée par la grande porte automatique se rendant au parking, traversant alors la place. Au coin de la rue trônait un café sans vie et sans clients au bord de la fermeture. S'installer à l'entrée d'un lycée semblait être un bon moyen de faire gonfler le chiffre d'affaire, mais ça avait été sans compter sur le côté casanier des Berguois préférant rentrer chez eux au plus vite plutôt que de traîner dans un café. Chaque jour j'observais la façade du petit bâtiment de pierre rouge sans n'y voir jamais personne entrer ou sortir, la laissant se détériorer peu à peu. La tonnelle à l'entrée protégeant la terrasse quasi inexistante du mauvais temps était déchirée et volait au vent tapant des les rideaux en permanence baissés du petit commerce résigné à ne plus avoir besoin de les lever. Malgré tout, le gérant se déplaçait tous les jours, apportant un nouveau bouquet de fleur qu'il glissait à la place de celui de la veille dans le grand vase chinois à l'entrée tachant sûrement de sauver les apparences.

Mon regard fut perturbé par des tâches en mouvement au coin de ma vision me faisant détourner les yeux vers l'agitation qui prenait place. Une nouvelle heure de cours venait de se terminer et de nombreux élèves quittaient l'établissement en vitesse discutant tous plus fort les uns des autres brisant le calme qui tenait le lieu en haleine depuis maintenant une heure. Finalement, en quelques minutes, la grande place s'étant mise à grouiller d'élèves pressés se rentrant les uns dans les autres cherchant à rejoindre leur destination le plus rapidement possible, se vida tout aussi vite. La sérénité qui m'avait envahi jusque là reprit place me laissant soupirer d'aise tandis que je me ré-adossais confortablement contre le tronc de Simon, l'arbre, et pianotais du bout des ongles sur le gazon pour faire passer le temps.

Mon regard était resté accroché sur la porte désormais close et immobile après le passage des lycéens, elle avait toujours eu la vitre du bas fendue en plusieurs fins petits morceaux dont les fissures semblaient former comme une toile d'araignée imaginaire. Le reste du lycée n'était malheureusement pas forcément en bien meilleur état, les coins du crépis du grand bâtiment s'effritaient dû au nombre d'élèves s'y adossant, parmi les quelques lampadaires déposés à l'entrée, seul quelques uns s'illuminaient encore tandis que les autres restaient vacants sans la moindre utilité trônant seul au milieu de la cours. Je ne m'étais jamais vraiment arrêté sur ses détails qui prouvaient encore une fois que ce lycée n'était qu'un lycée peu fréquenté d'une petite bourgade perdue sans réels besoins d'investissements dans la rénovation du bâtiment. Seulement pour une fois, je m'attardais sur chaque parcelle du bâtiment, je me rendis rapidement compte que j'avais été tellement habitué à le voir chaque jours depuis des années que je n'y prêtais jamais vraiment attention, c'était comme si je le découvrais pour la première fois.

Une nouvelle fois je fus tirée de mes pensées en sursaut lorsque la porte automatique brisa le silence d'un bruit métallique lorsqu'elle s'ouvrit laissant passer les derniers élèves, je soupira pour moi même lorsque je remarquais qu'il s'agissait du groupe de Louis. Ma dernière conversation avec lui, remontait désormais à plus d'une semaine lors de l'oral qui avait suivis la rédaction de notre exposé. Celui-ci avait alors prit soin de m'ignorer totalement en ne répondant à aucune question que j'avais eu à lui poser par rapport au travail, il avait revêtu son masque mono expression lorsque je m'étais approché de lui n'affichant que de l'indifférence et n'avait même pas daigné lever les yeux vers moi, se contentant de partir me laissant planté sur place perplexe. Le reste de la semaine m'avait offert jours après jours ce même désintérêt tandis qu'il n'avait pas une seule fois regardé dans ma direction, les rares fois bien sûr, où il avait mit les pieds au lycée. Étonnamment, cette situation avait fait monter en moi un flot de sentiments mitigés que j'essayais amèrement d'ignorer. La plus grande part de moi n'était qu'incompréhension, cherchant à savoir pourquoi il affichait ce comportement si singulier et anormal mais surtout pourquoi cela m'impactais tant. Mon esprit était partagé entre un mince espoir refoulé de le voir débarquer chaque matin et une très grande part de culpabilité d'oser avoir ce genre de pensées qui n'auraient pas dû passer les barrières de mon imagination. Je savais pertinemment que tout cela se rattachait à un sentiment bien plus fort, une petite aigreur coincée au fond de mon cœur qui n'acceptait pas de s'être fait mépriser par un inconnu, se demandant inlassablement ce que j'avais bien pu faire, titillant ainsi ma curiosité.

Saphir - Larry (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant