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- Ma cousine et moi-même nous rendons à Saint Pétersbourg et comme le port de Cronstadt est pris par les glaces, nous n'avons pas pu faire autrement.
On nous avait promis une escorte, mais nous en avons eu assez d attendre ...

- Le diable m emporte ! Vous êtes anglaises toutes les deux ? S exclama l homme en sursautant.

- Oui ...Pourquoi? Ma cousine est Miss Anne Tarrant et elle se rend à Saint Pétersbourg pour y épouser Son Altesse le prince Nicolas Adashev.

Avant qu'elle ait pu protester, il fit un geste brusque dans sa direction et souleva le capuchon qui lui couvrait la tête, dévoilant ainsi ses longs cheveux noirs et soyeux et son visage aux traits tirés par la fatigue des derniers jours.

- Pardonnez moi, mais je ne vous avais pas reconnue ...

- Reconnue? Mais nous ne sommes jamais rencontrés, monsieur ...

- Vous avez raison, mais la description que l'on m'avait faite de vous était très ressemblante, déclara l inconnu en s inclinant avec déférence. C'est moi que Son Altesse, le prince Adashev, a chargé d aller à votre rencontre et de vous accompagner jusqu'à Saint Pétersbourg.
Elle le considéra avec stupéfaction et il continua tranquillement :

- Si vous aviez été un peu plus patientes et m'aviez attendu sur la côte, vous m auriez évité beaucoup de tracas et vous ne vous trouveriez pas en ce moment dans cette auberge répugnante qui ressemble plus à une porcherie qu'à un établissement destiné à des êtres humains.

- Vous étiez en retard, nous ne savions plus comment faire... se défendit Emma faiblement.

- Vous pourrez vous vanter de m'avoir fait courir tout le pays à votre recherche! Enfin c'est du passé maintenant et s appesantir l'a dessus ne servirait à rien. Vous êtes Miss Fraser n'est pas ?

- Emma Fraser. Et vous même, monsieur ?

- Appelez-moi Dimitri. J'ai apporté des cadeaux pour votre maîtresse de la part de Son Altesse. Il y a également du café chaud et de quoi vous restaurer dehors dans les troïkas. Veuillez aller prévenir que je suis là et que je vais monter lui présenter mes hommages et lui faire apporté de quoi dîner... A moins bien entendu, que vous ne préfériez la mauvaise soupe aux choux que l'on vous servira ici ? Ajouta t'il en voyant qu'Emma ne bougeait pas.

Ce n'étais pas un gentilhomme, mais un simple serviteur comme elle, et pourtant il parlait et il ordonnait comme s'il était un grand seigneur !

- Miss Tarrant se reposait quand je l'ai quittée, déclara t elle avec froideur. Je vais aller lui dire que vous êtes enfin arrivé. Veuillez monter dans une dizaine de minutes.

Elle vit ses mâchoires se serrer et pendant quelques secondes, aperçu une lueur menaçante dans ces prunelles.
Serrant sont manteau autour d elle d'un geste hautain, elle fit demi-tour et entreprit de remonter l'escalier sans se préoccuper de ce qu'il pouvait penser, mais en sentant dans son dos l intensité de son regard.

Lorsqu elle entre dans sa chambre, sa cousine était toujours prostrée à la même place où elle l avait laissée.
Le poêle continuait de fumer et l'air était à peine respirable mais Anne n'avait pas bougé d'un pouce comme si elle avait été frappée d'une crise subite de léthargie.

Elle avait à peine une année de plus qu'elle, mais parfois Emma avait l impression qu'Anne n avait pas encore réussi à sortir de l enfance.
Lord et Lady Tarrant, depuis l instant où elle était venue au monde, n avaient cessé de gâter outrageusement leur fille unique.

Elle n avait jamais manqué de rien : vêtements, jouets, gouvernantes, les meilleurs professeurs qui avaient essayé et bien souvent sans le moindre résultat de lui apprendre les arts et les langues.

Sa mère et son père étaient en adoration devant elle.
Emma avait grandi dans son ombre mais dès l'âge de 10 ans il lui avait fallu comprendre qu'elle serait toujours pauvre et que probablement il faudrait qu'elle se débrouille pour gagner sa vie.

Les Tarrant avaient accepté de lui donner un toit et de la nourrir mais avec la condition expresse qu'elle fasse ce qu'on lui demande et qu'elle admette que sa mère avait déshonoré sa famille par son mariage.
Tout d abord elle leur en avait beaucoup voulu, puis avec le temps , son ressentiment s était peu à peu émoussée.

Elle avait fini par s habituer aux remarques méprisantes d Anne qui n hésitait pas à la remettre à sa place chaque fois qu'elle croyait qu' Emma essayait de s élevé au-dessus du rang que les Tarrant lui avaient assigné.

Elle s était réfugiée derrière un masque d indifférence et gardait pour elle, au fond de son cœur, ses pensées, ses rêves et ses chagrins.

Décidée à sortir un jour de cet état de servitude où on voulait la maintenir, elle avait pris chaque jour qui se levait comme un défi, comme une aventure.

Tandis Anne bâillait et se plaignait continuellement de ses professeurs, Emma restait sagement assise, écoutait attentivement et souvent, passait des soirées entières à revoir ses leçons de français ou de latin dans le grenier froid et triste qui lui servait de chambre.

Par ailleurs, elle était très douée de ses mains et ses travaux de couture étaient vivement appréciés par tous ceux qui ils étaient présentés, et plusieurs fois, elle avait confectionné des robes pour sa cousine qui avaient été beaucoup admirées.

Emma Fraser, enfant chérie d'une lady anglaise et d'un vaillant soldat écossais, réduite à l'état de couturière! Parfois Emma se sentait prise d'une brusque envie de déchirer et de piétiner ces merveilles qui sortaient de ses propres doigts et qu'elle réalisait portant avec tant de plaisir ...

jusqu'à mon dernier Jour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant