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Anne Tarrant avait tellement pleuré que son visage était blême et son corps était encore agité de sanglots.
Ses merveilleux cheveux roux avaient perdu tout leur lustre et pendaient misérablement tandis que sa tenue de voyage bleue était toute froissée du fait des longues heures passées sur les sièges rugueux et inconfortable de la malleposte.

- Il faut que vous ayez un air à peu près présentable, insista Emma en se retenant de la bousculer.

Depuis le début de leur périple, sa cousine n avait cessé de se plaindre et de critiquer tout ce qu'Emma avait le malheur de dire ou de faire, quand elle ne restait pas toute seule à bouder dans son coin.
Elle n avait jamais accepté cette idée de devoir épouser un prince russe, quelle que fut sa noblesse ou sa richesse, et de quitter le confort de la demeure familiale en Angleterre pour aller vivre dans un pays que tout le monde prétendait très rude et peuplé de demi sauvages.

- Permettez-moi au moins de vous donner un coup de brosse. Que va t il penser s'il vous voit dans cet état?

- Qui donc? Laissez moi tranquille! J'ai faim, je veux manger et me coucher, répliqua sa cousine avec une mauvaise humeur non déguisée.

- Le prince Nicolas a envoyé quelqu'un à nôtre rencontre, expliqua Emma en essayant de démêler les cheveux de sa cousine avec une brosse. Il est en bas...

- Ainsi, mon futur époux a enfin daigné nous envoyer une escorte! Eh bien, dites lui que je suis trop fatiguée pour le recevoir. Après tout, il peut bien attendre lui aussi...

- Mais ce n'est pas possible! Il ne paraissait déjà guère satisfait d avoir dû courir à nôtre recherche... Je lui ai annoncé qu'il pourrait monter dans 10 minutes. Il a apporté des présents de la part de Son Altesse... et de quoi nous restaurer.

Immédiatement, l attitude d Anne changea du tout au tout et Emma eut toutes les peines du monde à finir de la coiffer, tellement elle était pressé de voir cet envoyé du Prince et surtout les cadeaux qu'il avait apportés.

- Faites lui s avoir que je veux bien le recevoir, ordonna t elle en jetant un coup d œil distrait au miroir que lui présentait sa cousine.

Elle était plus grande qu'Emma et sa silhouette svelte et gracieuse avait déjà tourné bien des têtes.
L'année qu'elle avait passée en France chez des lointain cousins qui l'avaient présentée à la cour, lui avait donné conscience de sa beauté et lui avait appris à s'en servir pour parvenir à ses fins.
Elle savait être gaie et spirituelle, mais son humeur était susceptible de changer d'une seconde à l'autre pour révéler une petite fille agressive et méchante pour ceux qui avaient eu le malheur de lui déplaire.
Emma lui servait souvent de souffre douleur et elle ne pouvait que supporter en silence ses remarques méprisantes à propos de sa mère qui avait souillé à jamais le nom glorieux des Tarrant.
Emma reposa la glace et se tourna vers la porte.
L envoyé du Prince se tenait sur le seuil et les observait silencieusement.
Dernière lui se profilaient la silhouette de son valet qui portait un grand panier d osier et celle de la jeune femme qu'Emma avait déjà remarquée en bas.
Sans attendre qu'on l'y invite, l homme s approcha d Anne dont les traits hautain esprimèrent aussitôt un vif déplaisir.

- C'est Dimitri, l'envoyé du prince Nicolas, s expliqua hâtivement Emma afin d essayer de désamorcer la scène pénible qu'elle présentait.
Anne avait toujours été très dure avec les domestiques et Lord Tarrant lui-même avait parfois trouvé nécessaire de la réprimander sur la façon dont elle rabrouait ses gens.

- J'espère que les autres serviteurs du prince Adashev ont de meilleures manières. J'ai horreur que l'on se présente ainsi devant moi sans en avoir reçu l'autorisation. Pourquoi avez vous tant tardé à venir?

- Il est préférable que vous n ayez pas voulu attendre une journée ou deux de plus, Miss Tarrant. Vous vous seriez épargnée bien des fatigues et des dangers tout à fait inutiles. Je vous prie d accepter mes excuses pour avoir reçu un aussi mauvais accueil dans mon pays et j'espère également que je saurai rendre la suite de votre voyage un peu plus agréable.
Les yeux d Emma s élargirent de surprise. Il parlait anglais et sans le moindre trace d accent! 

- Son Altesse, le prince Nicolas, vous prie de bien vouloir accepter ces quelques babioles en gage de son affection, ajouta t il d'une voix impassible en lui présentant un petit coffret en bois d ébène, orné de motifs en argent ciselé.

Quelques babioles! S exclama Emma intérieurement avec stupéfaction quand Anne en eut soulevé le couvercle.

Il y avait là pour une fortune de rubis, de diamants, de perles, d émeraudes, et toutes ces pierres étaient montées de façon merveilleuse en bagues, en colliers, en boucle d oreilles...

Les yeux d Anne s étaient écarquillés également et elle resta quelques secondes en extase avant de saisir de ses doigts fins et délicats un pendentif orné d'un solitaire aussi gros qu'un bouchon de carafe.
Elle sourit et le tendit gracieusement au messager du prince qui, sans un mot, accrocha le joyau autour de cou gracile de la jeune fille.

- Vous avez bien choisi. Il a appartenu autrefois a la princesse Sophie, la grand mère du Prince Nicolas, remarqua t'il après s'être reculé pour en admirer l'effet.

Anne hocha légèrement la tête et caressa amoureusement la pierre brillante. Elle était traitée comme une reine et cela avait suffi à lui faire oublier tout l'inconfort et les ennuis du voyage. Après tout son exil semblait comporter aussi quelques avantages...

jusqu'à mon dernier Jour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant