Chapitre 30 : Le début des temps sombres

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On pouvait encore entendre les tonnerres d'applaudissement qui transperçaient le rideau de velours rouge. La respiration haletante, le cœur battant à tout rompre, les joues en feu, les danseuses retournèrent dans leurs loges, encore submergées par le flot d'émotions. Les petits rats de l'Opéra n'en étaient pas à leur première représentation, pourtant, la découverte du public et la pression de ne plus être à la hauteur de ses attentes persistaient chaque soir.

C'était pour cela que la rouquine eut énormément de mal à se débarrasser de ses chaussons de danse. Ses mains tremblaient, et sa vision était encore un peu trouble. Il était plus de 23 heures, et son ventre criait famine. Elle savait bien qu'elle aurait dû prendre un dîner plus consistant. Mais le trac lui avait encore une fois noué les entrailles.

« Tu as été splendide Sophie, lui murmura une de ses camarades à l'oreille.

— Merci, toi aussi d'ailleurs, répondit-elle en rougissant un peu sous ses cheveux. »

Elle acheva de mettre sa veste et de ranger les affaires qu'il y avait dans son casier, et se tourna une nouvelle fois vers ce qui restait de ses amies au vestiaire.

« Vous rentrez à pieds ? s'enquit-elle. »

Elle savait parfaitement que les plus jeunes avaient leurs parents qui les attendaient au parking, mais certaines fois, quelques jeunes filles devaient marcher un peu, et dans ces cas là, elle les accompagnait toujours, dans le doute. On ne pouvait pas prédire qui se tapissait dans l'ombre à cette heure tardive. Paris n'était pas toujours sûre.

« Non, mes parents sont dehors, dit une brune aux épaules carrées. Je dois y aller, je suis en retard, les pauvres sont sous la pluie... »

Elle embrassa ses coéquipières sur les joues et partit en coup de vent. Ce fut bientôt le cas des autres danseuses, et Sophie resta seule dans l'immense vestiaire. Tout était silencieux dans la salle, mais dehors, les machinistes et les autres travailleurs de l'Opéra veilleraient certainement jusqu'à une ou deux heures du matin. Elle pouvait presque distinguer leurs discussions sur le spectacle à travers les murs dépareillés.

Elle s'observa longuement dans le miroir, puis ferma les yeux. Elle aimait ces moments de paix, où elle pouvait respirer et apprécier le silence d'une courte méditation. Elle évacuait ainsi le stress d'une longue journée de représentation. C'était la raison pour laquelle, elle quittait l'Opéra après les autres petits rats. Elle rouvrit les yeux et se leva. Elle ferma la lumière en quittant le vestiaire, après avoir inspecté les recoins.

« Sophie ! l'interpella une voix alors qu'elle marchait dans le couloir.

C'était la responsable de l'accueil qui tenait un téléphone à la main. Madame Suzette était une vieille femme qui avait presque passé l'entièreté de sa vie, dans sa cage à recevoir les appels et à ranger, classer, distribuer et envoyer les milliers de documents administratifs qui transitaient dans son service. C'était aussi par elle que passaient les coups de fil personnels, et on la voyait souvent courir pour tendre le téléphone à cadran.

« Il y a quelqu'un pour toi, je crois que c'est ton grand-père. »

Sophie courut presque pour être à sa hauteur. Eugène n'appelait jamais après vingt-heures. Et d'une certaine manière elle savait déjà que ce qu'il allait annoncer ne lui plairait guère.

D'une main peu assurée, elle saisit le combiné et le porta à son oreille.

« Allô ? »

Une voix au fort accent irlandais lui répondit.

Alycia [ Maraudeurs Fanfiction ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant