Chapitre V

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Trois mois plus tard.

« Va t'faire, Killer, j'veux pas me réveiller !

Réveille-toi, fais pas chier. Shado a encore pissé devant la porte ! rétorque mon colocataire tout en me lançant un coussin en plein dans la gueule. »

Putain... J'veux vraiment pas me réveiller, mais on dirait que j'ai pas le choix. Je sors doucement de ma torpeur, saisie par l'odeur nauséabonde de la pisse encore fraîche de Shado. C'est la deuxième fois cette semaine, et c'est sûrement pas Kenzo qui nettoiera. Je me relève difficilement, me frottant les tempes pour essayer de soulager ma migraine virulente. Après m'être étirée avec la grâce d'un grizzly, je me lève en direction de la salle de bain. Grattant l'arrière de ma cuisse frénétiquement, je m'accoude aux bords du lavabo grisâtre et place mon visage face au miroir fissuré de l'armoire à pharmacie suspendue au-dessus. Merde... J'ai une mine affreuse, comme tout les jours de cette foutue vie.

Ça fait trois mois aujourd'hui, exactement trois putains de mois.

Je passe ma main dans mes cheveux noirs et ébouriffés par ma nuit agitée – et mon manque d'hygiène – le long de mes mèches jusqu'à atteindre la couleur écarlate de ma teinture permanente. Ils sont longs, arrivent au bas de mon dos d'où les mèches ardentes naissent au milieu, à peu près au niveau de la lanière du soutif'. J'ai opté pour cette coloration juste avant l'épidémie, elle a quelque peu ternie depuis mais j'aime toujours le résultat. Je glisse mes griffes dans mon cuir chevelu pour me masser, ce qui est sensé me détendre mais me fait un mal de chien. Après avoir retiré les saletés coincée dans ma crinière, j'ouvre l'armoire à pharmacie et me verse un verre d'une de ces bouteilles d'eau trouvées y a quelques jours. Fait chier, cette eau pue les égouts, j'ose espérer qu'elle en vient pas. Je tourne la tête vers la porte vitrée de la baignoire, tâchée de sang et de restes d'entrailles. Le bruit des ailes frétillantes des mouches à cadavres me titille les oreilles mais j'ai finalement fini par m'habituer à leur présence ici...

Un gémissement aigu me sort de mes pensées, c'est Shado qui m'attend sur le seuil de la porte en me fixant.

«Killer t'as rien donné ? demande-je à la prunelle de mes yeux avant de hurler. T'aurais pu lui donner quelque chose, petite merde !

- J'suis pas la SPA moi, qu'il se serve, grommelle Killer au loin.

Très drôle, pense-je avant de servir dans un seau son repas matinal à Shado, qui se dépêche de l'engloutir. Je tourne la tête et voit par dessus le comptoir de la cuisine que l'homme est allongé sur le matelas au milieu du séjour qui nous sert à présent de chambre. Dans sa main droite, une Blackstones, qu'il laisse se consumer sans grande attention, répand une douce fumée dans tout l'appartement.

- Tu gaspilles, mec. Mauvaise nuit ?

- Comme d'hab, ni meilleure ni pire. Toi ?

- J'avais chaud, c'était insupportable.

- Tu m'étonnes, vu comment tu me colles.

- Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, j'ai besoin d'affection, blague-je avec un sourire légèrement provoquant.

Ce serait dommage que j'en profite pas alors, me répond-il en m'invitant à le rejoindre et tendant sa clope. »

Je m'installe au creux de ses bras, emportant avec moi le pli de la couverture qui dépasse. Ma tête confortablement posée sur son épaule alors que le reste de nos corps part dans des directions différentes, formant un angle presque droit. Il passe sa main dans mes cheveux, les caressant d'un mouvementé circulaire réconfortant alors que je reste silencieuse tout en fixant le plafond. Les dalles, autrefois blanches sont jonchées de trace d'humidité et de fissures, c'est désolant. Notre appart ressemble au squat de jeunes junkies fauchés. Celle du coin de la pièce, entre le couloir et la cuisine est branlante, et chaque claquement de porte en fait tomber quelques poussières. Évidemment, ni Killer ni moi ne comptons les nettoyer. Cette poussière tombe comme celle d'un sablier, mesurant le temps. Ce temps qu'il nous reste avant de devoir retourner le sablier et recommencer un cycle. Au centre de la pièce, recouvrant les restes de ce qui fut jadis un lustre, mon colocataire a choisi d'installer mon affiche du groupe Trapnest sur laquelle on voit la chanteuse tenir un 9mm, entourée des musiciens. Je plonge mon regard dans celui de la brune, est-ce quelle aurait pût se douter qu'elle finirait comme ça ? Elle est sûrement morte à l'heure qu'il est. Encore pire, elle est sûrement revenue d'entre les morts pour dévorer les autres membres de son groupe. Réduite à l'esclavage par son instinct et sa faim de chair humaine. Est-ce que le savant le plus fou aurait pu prédire que ça arriverait ? Mon père a eu beaucoup de personnes que je qualifiais à l'époque de «savants fous » à son service, pendant plusieurs années. Mais rien ni personne n'aurait pu prédire ça... C'était impensable.

The Walking Dead : Morsure [CORRECTION DE BUG]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant