Pourquoi on s'aime ?

Histoire 2: Pourquoi on s'aime?

- A lire en écoutant Easy by Son Lux -

Pourquoi on s'aime ?

      J'ouvre avec fracas le portail de notre maison. De notre vie. De ce que nous avons bâti. Tu es partie par ce portail. Tu es sortie de notre vie. De ce que nous avons construit. Je cours. J'entame une course déchaînée. C'est dans ces moments que je me dis qu'on aurait dû avoir une voiture. Cela aurait été plus rapide pour moi. Mais peu être trop facile pour toi.

Pourquoi sans parler ? Pourquoi d'un mot ? Pourquoi la peur ? Pourquoi destructeur ? Pourquoi on s'aime ?

      J'ai peur. Peur de te perdre. Peur de me perdre. Peur de tomber en courant. Je n'en peux plus. Mes boucles retombent sur mes yeux, m'aveuglent dans mes élans. Je pleure. Tout ce que nous avons traversé, enduré, vécu. C'est dans ces moments que je me dis que j'aurais dû faire plus de sport. Mon souffle s'affaiblit déjà.

Pourquoi es-tu partie ? Pourquoi tant de mal ? Pourquoi on se blesse ? Pourquoi on s'aime ?

      Se faire du mal. C'est ce que notre amour nous procure. Notre passion destructrice. Cette folie inéluctable. Ce qui fait notre malheur mais aussi notre bonheur. Notre joie de vivre. Nous nous accrochons l'un à l'autre. Nous ne faisons qu'un. Cette addiction. Ce manque loin de toi. Cette angoisse de te perdre. Je l'ai en permanence, constamment, au plus profond de moi, encrée. Je ne sais depuis combien de temps je cours, mais je sais. Je veux et je dois te retrouver. Sinon c'est la fin.

Pourquoi s'est-on croisé ? Pourquoi s'est-on choisi ? Pourquoi on s'aime ?

      Depuis combien de temps pensais-tu à me quitter. Aussi violemment. Aussi brutalement. Sans rien dire. Mais je sais. Je sais où tu es. Où tu vas. Je te rejoins. J'espère. Je ne suis plus très loin. Mes pieds se meurent. Ils sont en compote. Je bouillonne, j'explose. Je veux te retrouver. Reconquérir cet amour indestructible autrefois, bannir ton chagrin, le mal qui te ronge.

Pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne réponds-tu ? Pourquoi m'aimes-tu ?

      J'arrive, je suis là. Je ne peux plus respirer. Mais ça, c'est depuis longtemps. Depuis que je t'ai rencontré. Notre couple est en apnée. Nous nous étouffons. Nous nous tuons. Nous nous aimons. La gare est immense. Mon désespoir s'agrandit. Un mélange entre peur, chagrin, angoisse, mais aussi excitation, envie, espoir m'apprivoise. Je suis paralysé devant toutes les destinations possibles que tu aurais pu emprunter. Puis mon regard s'arrête sur notre rêve. Paris. Nos projets, nos envies, nos folies, nos nuits dans cette ville durant les vacances, les cinémas, les restaurants partagés, les souvenirs, mémoires de notre vie brillante, non détériorée par notre passion dévorante. Je cours vers la voie de train indiquée. Pour me compliquer la vie, c'est une des plus éloignée de l'entrée.

Je me rapproche de toi, je le sens.

C'est facile de partir. Plus dur de te rattraper.

     Trop de personnes me bloquent la vue, le quai est bondé. Des bébés qui pleurent, des adultes qui s'engueulent. Le bruit va me faire éclater avant de t'avoir trouvée.

Un manteau long, bleu nuit. Des cheveux blonds. Une valise marron. Des talons noirs. Tu te retournes. Tes yeux verts-bleus me trouvent, s'affolent, scintillent.

Je t'ai trouvé.

- Anaïs !

Tu t'avances précipitamment, je m'avance brusquement.

Nous nous arrêtons, notre proximité nous rassure. On se regarde, on sait. Ma peur disparaît. Ce poids que j'ai depuis une éternité. Je sais qu'on ne se quittera plus. Cela n'arrivera plus. Nous sommes inséparables. La distance nous détruit plus encore que notre contact.

Tu pleures, prends mon visage entre tes mains et m'embrasses de toutes tes forces. Jusqu'à en mourir. Tes larmes coulent sur mes joues.

Alors, je te prends par la taille, t'enlace. Je te retiendrai, quoi qu'il m'en coûte. Que l'on doit se faire du mal ou non, c'est plus fort que nous non? Nous n'avons qu'à détruire ce qui a été commencé, et ce qui n'a pas encore débuté. Vivons de notre malheur, vivons de notre bonheur.

Pourquoi s'est-on croisé ? Pourquoi s'est-on choisi ? Pourquoi on s'aime ?

Parce que nous, parce que nous nous aimons.

FIN