A I M E R
Mon chagrin me brise. Me percute, me déchire, m'épuise. Ma douleur n'est que mon entièreté, mon être, mon âme, mon parasite. Alors, pour me libérer, à la manière d'un Cyrano dans ces derniers instants, je veux faire jaillir mes mots, mes larmes, mon cœur et arrêter de pleurer le temps.
Si durant toute ma vie j'ai cru bien vivre des choses, l'amour en fait partie. Cependant, pas comme je le pensais, pas comme tu le savais.
Ces cinq petites lettres, a, m, o, u, r, qui sont craintes et attendues, désirées et réprimées, suscitant la quintessence des sentiments, de l'éperdument, du tendrement, du désespérément. Il est celui qui fait frissonner la peau, qui accélère le pou, ce bruit de respiration, de libération, d'attention. Il est celui qui nous trouble, nous perd, nous confronte à l'inconnu, nous plonge dans les songes et nous coule dans l'abîme. Prononcé ou juste au bord des lèvres, amour n'est qu'un terme. Provocateur de frisson, d'effroi ou de passion, de la chamade et des papillons, du souffle coupé, de cette attente interminable d'un je t'aime retournée, d'une pluie battante lors d'un soir d'été. Oui, que ce soit le verbe aimer ou le nom commun Amour, ce n'est que des termes, mais révélateur d'un chaos, d'une fièvre, d'un vertige, d'une ivresse.
Je l'aimais. Sincèrement. Purement. Fougueusement. Amoureusement.
Je l'aime. Continuellement. Perpétuellement. Indéfiniment. Ce lourd poids sur ma poitrine, ce baiser pesant encore sur mes lèvres, ces murmures s'envolant dans une éternité de rêves.
Si ma vie n'était pas tel quelle, je serais alors heureux. Ma mélancolie est mon fardeau, ma vieille amie qui me rappelle chaque jour que je ne suis qu'on con. Mon existence est rythmée par ces minutes nostalgies, ces minutes regrets, remords, morosités.
Je l'aimais. On croit toujours avoir rencontré l'amour avant qu'il ne se présente vraiment. Alors on s'engouffre dans notre première relation, on n'a jamais connu ça, on s'y perd, on s'y engage, on s'y construit un cocon, un futur, une vie. Parce qu'on pense que c'est le bon. Que c'est ça, l'amour. Jusqu'au jour où.
Jusqu'au jour où ce vrai amour apparaît finalement au coin d'une rue, par hasard, remettant en question notre vie, nos sentiments, notre mariage, notre cœur. C'est donc lui la cause de mes pleurs.
Je l'aimais. Elle était belle, elle était incontrôlable, elle était folie, elle était. L'amour de ma vie. Parce qu'un amour comme celui-ci, il y en a qu'un, ce sentiment unique. Et après Elle, on aime juste autrement.
Alors, lorsque cet amour me fut enfin présent, je ne pus résister. Abandon, perte de contrôle, destruction de ma vie si parfaitement maîtrisée. Je n'ai suivi que les violons de mes ardeurs, mes désirs, l'effervescence de ma romance. Le vacarme incessant de nos cœurs bourdonne encore dans l'atmosphère. Le magnétisme dans l'air. Chaque pas, chaque baiser, chaque folie persistent et constellent encore mon univers, semblables à la lueur éternelle des astres de la nuit. La poésie de minuit. Chaque moment, chaque seconde sont encore immuables et immortelles à mes yeux, les chemins empruntés, avec elle, resteront une fragrance si délicate, le parfum, l'élixir d'une escapade, d'une harmonie, d'un amour, que je préserve dans le flacon de mon âme.
Cependant si ces sentiments me renversent, ils peuvent en faire chuter d'autres. Alors, quand tout partit en l'air, que tout se détruisit par ma faute, la culpabilité arriva à grand pas. J'ai voulu ne pas blesser ma femme, mes enfants, écraser le bonheur superficiel de cette famille, ma famille. Pour cela, j'ai quitté l'Amour. Je l'ai laissé filer, je me suis laissé airer. J'ai signé la fin d'une saison, la fin d'une passion, la fin de ma raison.
Aujourd'hui, c'est peut-être encore par lâcheté que je dévoile dans ces quelques lignes ma souffrance, le chemin que je n'ai pas osé prendre, mais finalement empruntant la voie de ma déchéance. Non pas pour me débarrasser de ces pensées mais pour laisser une trace de cette passion cachée, de cette liaison réfrénée, de cette femme que j'ai aimé.
Je l'aimais. Je l'aime. Depuis 15 ans je me suis tût sur celle qui a fait vibrer mon esprit, frapper mon cœur, incendier ma vie. Depuis 15 ans je n'ai plus prononcé son nom. Depuis 15 ans, j'attends éperdument la floraison. Depuis 15 ans, Clémence.
FIN
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Aimer à se perdre soi-même. Aimer sans compter. Aimer à s'en déchirer.
XOXO
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Pourquoi on s'aime ?
Historia CortaCe recueil regroupe des nouvelles, ou petites scènes de vie exposant l'amour sous plusieurs formes, dans plusieurs situations. En passant par l'amour passionné, destructeur, à l'amour soudain, le fameux "coup de foudre", j'écris des petites parcell...